La suprématie des chaînes à neige
En France, pour les pouvoirs publics, il ne fait aucun doute que la chaîne à neige est l’équipement le plus performant et le seul autorisé pour monter aux stations en cas de grosses chutes. Mais est-ce toujours vrai ? Les pneus hiver, éventuellement cloutés, leurs multiples lamelles et leurs thermogommes, les « chaussettes » et tous les dispositifs récents n’ont-ils pas rattrapé la chaîne ? Non, répondent Thule et les fabricants italiens de chaînes, qui ont mandaté le TÜV pour comparer tous les systèmes existants.
Il y a quelques décades, Jean Champiot avait, aidé de quelques journalistes, loué la patinoire olympique de Grenoble pour comparer l’efficacité des chaînes et des « pneus neige » de l’époque. Quarante ans plus tard, ces derniers – devenus pneus hiver – ont grimpé en performance au point d’avoir marginalisé les pneus cloutés tandis que fleurissaient des dispositifs temporaires nouveaux. Mais dans les circonstances difficiles, on revient toujours à la bonne vieille chaîne, qui a elle aussi progressé en efficacité – passage des échelles aux croisillons - et surtout en facilité de montage. Reste qu’aucune base chiffrée récente ne venait confirmer ou infirmer les dires de chacun, l’association Assocatene a fait oeuvre utile en demandant au TÜV de quantifier tout cela.
Unique en Europe
S’il n’existe plus de fabricant de chaînes à neige en France, ils restent prospères en Italie. Trois groupes et 4 marques, Maggigroup, König, Thule et Weissenfels ont formé Assocatene, Asso (association) catene (chaîne en italien). Ils pèsent d’un poids certain puisqu’en Europe, ils totalisent 60 % de la production, qu’ils vendent partout dans le monde, en Europe mais aussi aux Amériques, Japon, Australie et Nouvelle-Zélande. Globalement, ils emploient 500 personnes en direct et 1 500 en indirect, réalisant un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros. C’est peu par rapport aux géants du pneu mais suffisant pour communiquer, défendre la chaîne et lutter bec et ongles contre les productions asiatiques. Les tests comparatifs ont été menés par le TÜV Italia, selon une procédure rigoureuse mais uniquement basée sur la motricité. C’est là le seul reproche qu’on peu faire à ce plaidoyer qui ne prend pas en compte le confort, bruit, vibrations, et les problèmes de conduite, comportement sur le sec, temps et difficultés de montage/démontage, vitesse limitée. La gamme des vitesses atteintes reste majoritairement 30 km/h pour les essais de traction, seul un test de freinage atteint 80 km/h.
En revanche la variété des contradicteurs rend le comparatif intéressant, avec deux sortes de chaînes, plusieurs marques de pneus hiver, neufs ou usagés, rechapés ou d’origine asiatique, des pneus all season et des été récents, plus des « chaussettes » temporaires très à la mode. Les terrains d’essai comprenaient des routes enneigées, glacées, simplement humides à des températures supérieures à 7°C, plates ou inclinées, jusqu’à 21°. En charge des essais chiffrés, le TÜV Italia SRL a suivi la norme UNI 11313/2010 d’homologation des dispositifs hivernaux, rajoutant même à la « chaîne de référence » de la norme une autre chaîne de 9 mm. Le seul regret notable concerne l’absence d’un pneu hiver clouté, comme en utilisent les Scandinaves, peu répandu dans les zones alpines de l’Europe du sud mais très efficaces dans les neiges froides proches du cercle arctique. A notre avis, il aurait été le plus proche en performance du pneu été chaîné.
Y a pas photo !
Les écarts enregistrés donnent une hiérarchie claire et peu contestable :
– Accélération, route glacée, sur 30 m, départ 0 kmh : Chaîne/été 6,25 sec, pneu hiver 12, 30 sec, gain 50 %.
– Accélération, route enneigée, sur 30 m, départ 0 kmh : Pneu hiver 7,23 sec, chaîne/été 5,88 sec, gain 19 %.
– Route inclinée, démarrage, départ 0 kmh : pneu hiver, impossible au delà de 9,3 % de pente, chaîne/été, 21,4 %. Tout est possible !
– Freinage glace, sur le plat, distance de 30 kmh à 0 kmh : pneu hiver 20,7 m, pneu été/chaîne 15,7 m, gain 24 %.
– Freinage route enneigée, sur le plat, distance de 30 kmh à 0 kmh : pneu hiver 14,5 m, pneu été/chaîne, 14,7 m, quasi égalité. Là est le seul test où le pneu hiver neuf challenge l’ensemble pneu été/chaîne.
– Freinage route humide, 80 kmh à 0, température > 7°C : le pneu hiver n’est pas encore dans les meilleures conditions de température pour être efficace, il réalise récent sans chaîne.
Les chaussettes lessivées
Les mêmes tests comparatifs ont été réalisés avec des « chaussettes », dispositifs temporaires que de grands constructeurs suggèrent à leurs client d’utiliser en dépannage plutôt que de passer au pneu hiver. Même sans évoquer leur prix et leur très faible longévité les résultats ne militent pas en faveurs des chaussettes.
– Accélération sur glace, 30m, départ arrêté : chaussette 13,71 sec, chaîne (toujours avec pneu été) 6,20 sec, gain 54 %.
– Accélération sur neige, 30 m, départ arrêté : chaussette 6,83 sec, chaîne 5,88 sec, gain 14 %.
– Freinage sur glace, distance d’arrêt 30 kmh à 0 kmh : chaussette 28,36 m, chaîne 15,70 m, gain 45 %.
– Freinage sur neige, distance d’arrêt 30 kmh à 0 kmh : chaussette 15,88 m, chaîne 14,70 m, gain 7 %.
– Démarrage route enneigée inclinée : chaussette impossible au delà de 9,6 %, avec chaîne possible jusqu’à 21,4 %.
Une hiérarchie enfin établie
Pas de surprise, depuis 40 ans rien n’a vraiment changé. On s’attendait à la victoire écrasante de la chaîne mais cette fois les écarts ont été mesurés et ont parfois surpris. On le sera tout autant avec le détail de ces essais vraiment décisifs livrés dans les tableaux ci-joints ! On y verra une « photographie » de la qualité de différents pneus hiver, premium et « asiatiques », neufs ou usés, all season, comparés au pneu été « nu » ou aux chaussettes. Il y a là une hiérarchie précise des performances et une mine d’informations qu’il est bon de connaître pour mieux convaincre un client hésitant. Si l’on veut encore en savoir plus il en existe d’autres sur le site www.assocatene.it, extrêmement complet et bien documenté.