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Manufacturiers

Amaury Pouzet, general manager France de Giti Tire

Publié le 18 février 2015

Par Jérôme Fondraz
7 min de lecture

L’année dernière, le pneu GT Radial Champiro FE1 a été retenu pour équiper d’origine plusieurs véhicules des groupes PSA et Renault. Ces premières homologations en Europe changent la donne pour son manufacturier Giti Tire. En plus de lui promettre des volumes importants, elles contribuent à renforcer son image de 10e manufacturier mondial, avec un chiffre d’affaires 2013 de 3,6 milliards d’euros. Amaury Pouzet est general manager France de Giti Tire. Il est l’artisan de ces contrats majeurs signés avec les constructeurs français.  

Le Groupe est basé à Singapour, propriété d’une famille indonésienne, et sa production est essentiellement chinoise. Faut-il vous considérer comme un manufacturier chinois, indonésien, singapourien ?

C’est une question qui revient souvent, qui perd un peu de son sens dans le contexte d’une économie globalisée. Nous sommes un groupe international basé à Singapour, avec des origines asiatiques. Lorsque les clients m’interrogent sur l’origine chinoise de nos pneus, je prends l’exemple d’Apple, qui fabrique tous ses produits haut de gamme en Chine.

Quelles marques distribuez-vous en Europe ?

En TC4, nous avons GT Radial en première ligne, suivies de Primewell et Runway. Dextero a été distribuée un temps en Europe, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. En PL, les marques sont GT Radial et Primewell. Cette dernière n’existe pas en France, ni en Allemagne, mais elle est commercialisée en Angleterre, en Italie et en Espagne.

Quel bilan faites-vous de l’année 2014 ?

Je n’ai pas encore les résultats du Groupe, mais les dernières estimations font état de ventes européennes en hausse de 4% en 2014, soit un rythme supérieur au marché. En effet, sur les 11 premiers mois de l’année 2014, les ventes sell-in en Europe ont progressé de 3% sur le TC4 et elles sont en recul de plus de 1,5% en sell-out.

Quid des pneus PL ?

Nos activités sur ce segment se portent très bien sur le marché européen. A la différence des pneus TC4, les clients sont des professionnels qui portent une attention particulière à la qualité des produits qu’ils achètent. Une fois qu’ils sont convaincus d’essayer nos produits, en général, ils les adoptent. Notre pénétration sur le PL est plus rapide que sur le TC4.

Comment se répartissent vos ventes TC 4 et PL entre les différentes marchés européens et vos différentes marques ?

Nos 3 principaux marchés en Europe sont l’Angleterre, l’Italie et la France pour le TC4. Sur le Continent, marché russe compris, la marque GT Radial représente 65% des ventes. Primewell et Runway se partagent les 35% restants, avec un léger avantage pour Primewell. L’Angleterre est notre principal marché pour le PL, c’est aussi le premier historiquement pour le Groupe. D’une manière générale, Giti Tire a réalisé une bonne année en Italie, en Espagne et en Angleterre. Elle a été exceptionnelle en France en raison des contrats signés en première monte. En Allemagne en revanche, où le marché est très dépendant de l’hiver, les ventes ont été décevantes.

Quelles sont vos parts de marché en Europe et en France ?

Nous estimons à 6-7% la part de marché du Groupe en Europe, et à 10% au Royaume- Uni. En France, elle se situe aux alentours de 2,5% et à 12% sur le segment medium. Je n’ai pas encore les derniers chiffres, mais je pense qu’elle a encore globalement progressé en Europe l’année dernière.

Vous aviez annoncé en 2011 un objectif de 5% de part de marché en France pour 2015...

Le marché a fortement changé depuis. La demande s’est tassée et la concurrence s’est accrue. Pour cette raison, nous avons repoussé cet objectif de 5% à 2017. Il faut savoir s’adapter aux réalités de marché, même si l’objectif reste inchangé.

Giti Tire investit 560 millions de dollars en Caroline du Sud aux Etats-Unis dans sa première usine située en dehors de l’Asie. Qu’allez-vous produire là-bas et avec quelle capacité annuelle ?

Le site fabriquera des produits pour le marché du remplacement et d’abord, des pneus TC4. Il est trop tôt pour annoncer quelles marques seront concernées. La capacité initiale sera d’environ 5 millions de pneus par an, mais elle pourra augmenter dans une deuxième phase. Le début de la production est prévu pour la fin 2016. Le Groupe confirme ainsi qu’il est aujourd’hui un grand manufacturier mondial. Il est présent aujourd’hui dans 130 pays et son ambition est de grandir encore.

L’année dernière, les Etats-Unis ont à nouveau relevé les taxes douanières sur les pneus fabriqués en Chine. Ces mesures anti-dumping à répétition ontelles joué en faveur de cette décision de construire une usine sur place ?

Ne faisant pas parti du comité de direction, je ne peux pas être catégorique, mais il me semble évident que cela a été un facteur important.

Quels sont les risques que l’Europe adopte à son tour de mesures antidumping ?

Ce n’est pas dans la culture européenne. De plus, les investissements de la Chine en Europe sont conséquents.

Est-ce qu’une usine est envisagée un jour en Europe et si oui, à quel horizon ?

Je l’espère bien. Ce qui a été décidé aux Etats- Unis est un signe très positif et je ne pense pas que Giti Tire s’arrêtera là. Pour autant, il n’y a eu aucune annonce concernant ce sujet là, et ce serait prématuré de l’évoquer aujourd’hui. La question d’une usine en Europe reste ouverte. Combien de temps? D’ici 10 ou 15 ans, ce serait trop long à mon avis.

Votre centre de R&D européen a ouvert en 2013 à Hanovre en Allemagne. Pourquoi avoir choisi de le situer dans le fief de Continental ?

L’intérêt de situer notre centre de R&D dans cette région est de pouvoir bénéficier des nombreuses compétences qui existent sur place. En 2015, il emploiera 16 personnes, soit 17% de nos effectifs dans la région. Elles sont toutes d’origine européenne. C’est un point clé de notre stratégie. Nos produits sont désormais développés pour l’Europe par des européens.

Vous disposiez déjà d’un autre centre technique européen MIRA à Warwickshire en Angleterre, opérationnel depuis 7 ans. Comment les deux sites vontils se répartir les tâches ?

MIRA est un centre technique qui teste les produits TC4 et PL, sans les développer. Les essayeurs sont en charge de la validation de tous les pneumatiques avant leur commercialisation en Europe. Le centre conserve cette fonction aujourd’hui mais au lieu d’être en relation avec la Chine comme avant, il travaille désormais avec le centre de Hanovre. Les équipes vont être renforcées.

A partir de quand allez-vous commercialiser des pneus conçus par le centre de R&D de Hanovre ?

Les premiers pneus développés à Hanovre arriveront fin 2016. Ce seront des pneus TC4. Je ne peux pas vous dire pour quelles marques du Groupe. Le centre de Hanovre sera amené aussi à travailler sur des pneus PL, mais cela aura lieu dans un second temps.

Vous avez annoncé l’année dernière avoir remporté des contrats en première monte avec les constructeurs français. Que pouvez-vous nous dire sur ces homologations ?

Avec PSA, nous équipons désormais son véhicule utilitaire léger qui est décliné en Peugeot Partner et Citroën Berlingo. C’est le deuxième modèle le plus produit pas le Groupe et nous allons maintenant pouvoir travailler en support sur d’autres programmes, chinois notamment. Avec Renault, nous sommes maintenant sur les nouvelles générations des modèles la Sandero et Logan, qui réalisent aussi une grande partie des volumes Groupe. Nous allons approvisionner les usines au Maroc, en Roumanie et en Russie. C’est un gage de confiance majeur pour nous, car ce sont des véhicules stratégiques.

Êtes-vous référencés sur d’autres véhicules dans le monde ?

Giti Tire est présent en première monte en Chine et en Indonésie, ainsi qu’en Amérique du Sud. Chez Fiat aujourd’hui, nous sommes sur plusieurs véhicules européens, mais en galette dans le coffre.

C’est donc une grande victoire pour vous...

C’est l’élément marquant de l’année 2014, en effet. Au delà des volumes et du CA, c’est aussi une réussite technique, car les processus d’homologation encore une fois, sont particulièrement complexes.

Comment se fait-il que vous ayez annoncé ces deux contrats simultanément ?

C’est une coïncidence, qui s’est joué à 2-3 mois près. Lorsque nous avons intégré Giti Tire en 2011, nous avons travaillé simultanément sur ces deux Grands comptes et remporté ces contrats assez rapidement. J’ai jugé que l’impact serait plus fort de les officialiser en même temps.

Le fait que le Champiro VP1 convienne à la fois à des voitures et des véhicules utilitaires de PSA et de Renault augure d’un niveau de qualité élevé...

Les cahiers des charges des constructeurs étaient très différents et ce ne sont pas les mêmes dimensions pour les deux groupes. Je peux vous assurer que le Champiro VP1 a été développé en fonction des spécifications de chaque véhicule, et qu’il a passé avec succès les processus d’homologations, qui sont particulièrement complexes en Europe.

Avez-vous d’autres contrats en première monte en préparation et attendez- vous un effet boule de neige ?

Giti Tire est en contact avec tous les grands constructeurs européens. Le fait d’avoir des références de pneus route sur de tels véhicules en Europe est un gage de qualité pour eux. Donc oui, d’autres contrats première monte sont en cours mais je ne les citerai pas tant que nous n’aurons pas été homologués. Ce ne sera pas forcément avec les constructeurs français.

Michelin a officialisé son intention de lancer une offensive sur les pneus de seconde et troisième ligne pour regagner le terrain cédé aux constructeurs asiatiques ces dernières années. Allezvous devoir vous « réinventer » ?

Depuis 2011, qui a été une année exceptionnelle pour Giti Tire en Europe, nous sommes devenus une cible et du coup, la concurrence est plus intense sur notre positionnement. Les manufacturiers premiums ont réalisé qu’ils avaient laissé la porte entrouverte et maintenant, ils s’attellent au problème. La décision de Michelin prouve que nous avons bien travaillé. La bagarre va être difficile mais nous sommes très motivés. Maintenant, le défi pour nous ne consiste pas à nous réinventer, mais à conforter notre position et notre image de marque. Il ne s’agit pas de changer notre stratégie mais de travailler encore plus sur la qualité de nos produits. En 2015, nous arrivons avec de vrais atouts pour nos gammes, les meilleurs que nous ayons fait jusqu’à maintenant.

Lesquels ?

Le Champiro FE1 est en phase de lancement. C’est un pneu de berlines proposé en 15 et 16 pouces qui va succéder au Champiro 228. Il se positionne très bien par rapport à ses concurrents au regard des tests qui ont déjà été effectués. Il se focalise aussi sur des éléments clés pour l’utilisateur final : la sécurité, la longévité et la consommation de carburant. Le pneu est B en freinage sur le mouillé et noté B ou C pour la résistance au roulement. Le Savero SUV va arriver au deuxième trimestre pour compléter notre gamme SUV, au côté notamment du Champiro HPY. Ses performances ont été jugées comparables à celles de pneus des plus grands manufacturiers et nous sommes très optimistes pour ces deux produits. Nous renouvelons aussi cette année notre gamme pour les véhicules utilitaires avec le Maximiler Pro. Enfin, nous lançons également le pneu semi-slick SX2, pour les compétitions de Drift. A ce titre, nous sponsorisons Benjamin Boulbes qui concourt avec sa BMW en championnat de France depuis 3 ans. Ce sera la première fois cette année que cette compétition est reconnue par la FFSA (Fédération Française du Sport Automobile).

Le fait d’avoir signé des contrats en première monte avec les constructeurs français est-il de nature à augmenter votre barème de facturation ?

Non, au contraire, il est inférieur de 2% environ par rapport à 2014. Nos homologations en première monte nous procurent une légitimité quant à la qualité de nos produits et elles nous tirent vers le haut techniquement. Mais cela n’impliquera pas un changement de positionnement sur le marché.

 

Propos recueillis par Jérôme Fondraz - PHOTOS Jim Wallace

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