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Manufacturiers

Bibendum endeuillé

Publié le 4 mai 2015

Par Jérôme Fondraz
3 min de lecture
François Michelin était le petit-fils d'Édouard, qui a fondé l’entreprise avec son frère André. Ses obsèques ont lieu aujourd'hui dans la cathédrale de Clermont-Ferrand. Le Pneumatique lui rend hommage, car sous sa direction, Michelin a connu un développement sans précédent.
François Michelin - DR

L’enfance de François Michelin en dit long sur l’homme qu’il devint. A l’âge de 11 ans, il est déjà orphelin. Son père Etienne décède dans un accident d’avion en 1932, et sa mère Madeleine Callies cinq ans plus tard.

François Michelin est donc élevé à Clermont-Ferrand par sa grand-mère et par sa tante, sous l’aile protectrice du grand-père Edouard. Il va entrer dans le monde de l’adolescence avec son cousin François Rollier, qui le rejoindra en 1966 à la co-gérance du Groupe.

François Michelin a fait ses premiers pas dans l’entreprise en 1951, sans révéler ses origines familiales. C’est encore un jeune homme de 25 ans, à peine diplômé de la faculté des sciences de Paris. Dirigé par son oncle Robert Puiseux, gendre d’Edouard, Michelin est déjà un groupe d’envergure : le premier manufacturier européen et le 10e mondial. C’est aussi le propriétaire de Citroën. Le pneu radial vient d’être inventé par Marius Mignol et sa mise en production a démarré 2 ans plus tôt.

Avec un nom d’emprunt, François Michelin va donc commencer par produire des pneus à l’usine, faire les 3x8, endosser le costume de commercial et parcourir les routes de France. Il est envoyé en stage en Italie, intègre la division PL, puis le département de la Recherche.

Six années ont passé depuis son entrée dans l’entreprise familiale. En 1955, il est appelé à la co-gérance de Michelin, aux côtés de son oncle. Quatre années vont suivre pendant lesquelles, il va être initié au pilotage du Groupe, avant d’en prendre la gérance, en 1959.

Sous son règne, qui va durer 47 ans, le Groupe va connaître des années d’expansion et devenir le premier manufacturier mondial. S’appuyant sur les avantages concurrentiels du pneu X radial en matière d’endurance et d’adhérence (déclinés aux pneus PL dès 1952), et afin de satisfaire la demande, des usines vont être construites à un rythme accéléré en France et à l’étranger.

Les pneus Michelin partent à la conquête de l’Amérique à partir des années 60. Le Groupe choisit d’abord de s’implanter industriellement au Canada. Un site de production est construit à Pitou, puis un second à Bridgewater. La première usine aux Etats-Unis voit le jour à Greenville (Caroline du Sud) en 1975. Michelin compte déjà quelques 100 000 employés, dont la moitié à l’étranger, et près de 50 sites de production dans le monde.

Dans le même temps, la technologie radiale va être perfectionnée. Le Xas adopte une bande de roulement pour la première fois asymétrique en 1965, tandis que le pneu ZX fait son apparition en 1967, avec une ceinture radiale plus adaptée aux véhicules de l’époque. Cette technologie est améliorée au fil des années, avec les pneus XZX en 1978.

La croissance internationale va se poursuivre. Mais entretemps, Michelin doit se défaire de Citroën, devenu un gouffre financier, et qui passa dans le giron de Peugeot en 1974. Les deux chocs pétroliers ébranlent le Groupe, qui doit se résoudre à réduire ses capacités de production en France et à licencier à partir de 1980.

François Michelin surpasse cette épreuve et repart à l’offensive. Il rachète d’abord Kleber en 1982 (10 000 employés), puis 7 ans plus tard, pour les 100 ans du Groupe, il annonce l’acquisition pour 690 millions de dollars de BF Goodrich. Le pari est osé car le manufacturier américain affiche un passif de de 810 millions de dollars, se souvient Patrick Vergès, dans son ouvrage « Michelin à la conquête de l’automobile ». Mais cette opération lui ouvre grande les portes des constructeurs automobiles américains et le positionne au premier rang des manufacturiers mondiaux.

François Michelin partage alors le pouvoir avec François Rollier, son frère de lait, et René Zingraff, arrivé en 1986. Le Groupe traverse avec difficultés les années 90 et il appelle à ses côtés son fils Edouard en 1999. Il lui cède finalement son poste le 17 mai 2002, qui à 39 ans, devint le plus jeune patron d'une entreprise du CAC40.

Mais une malédiction pèse sur la famille Michelin, et celui qui a perdu son père à l’âge de 6 ans, doit se résoudre à faire le deuil de son fils, Edouard, qui décède en 2006 lors d’une partie de pêche.

François Michelin n’a plus la force de reprendre les rênes du Groupe et c’est Michel Rollier, le fils de François Rollier, qui est appelé à le remplacer. Il sera d’ailleurs le dernier membre de la famille à assurer la co-gérance du Groupe, avant de la transmettre à l’actuel Président, Jean-Dominique Senard, en 2012.

Ceux qui ont eu la chance de connaître François Michelin louent sa simplicité, sa chaleur, sa capacité d’écoute, son humanisme et sa culture du secret. Comme ses prédécesseurs, il détestait le gaspillage, préférait son usine aux salons parisiens. De son temps, les employés l’appelaient Monsieur Michelin. Tous se souviennent de sa maxime préférée : « Qui est l’homme le plus important de l’entreprise ? C’est le client ! »

Profondément chrétien, François Michelin s’est éteint le 29 avril 2015 à l’âge de 89 ans.

Jean-Dominique Senard, Président du groupe Michelin, a déclaré: «Je tiens, au nom des employés du Groupe, à rendre un hommage particulier à cet homme d'exception unanimement respecté pour ses valeurs, ses convictions et sa vision

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