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Manufacturiers

Michelin : dialogue de sourds entre la direction et les salariés

Publié le 27 janvier 2025

Par Tristan Baez
3 min de lecture
Lors de ses vœux pour 2025, Florent Menegaux, le PDG de Michelin, a plaidé en faveur d'une plus grande cohésion sociale dans le groupe. Un souhait de circonstance étant donné le fossé qui se creuse entre la direction du manufacturier et certains de ses salariés depuis l'annonce de la fermeture des usines de Cholet et de Vannes.
Florent Ménégaux, directeur de Michelin, et Eric Ruf, administrateur général de la Comédie Française, lors des voeux du manufacturier pour 2025. ©JDP

"Pour les vœux de la nouvelle année, il est important de se dire les choses clairement et de se dire la vérité dans un monde qui bouge énormément", a débuté Florent Menegaux, PDG de Michelin, lors de ses vœux à la presse, ce jeudi 23 janvier 2025. Alors qu'à Cholet (49) et à Vannes (56), pas moins de 1 300 salariés ont recommencé les blocus devant leurs usines respectives en signe de protestation contre le plan de licenciement annoncé début novembre 2024.

La direction du manufacturier clermontois a commencé son discours par un retour sur ses réussites de l'année 2024 (salaire décent, socle de protection sociale universelle, programme de pneus pour la Nasa…) avant d'en venir au sujet qui blesse.

"En 2025, notre enjeu, c'est de maintenir la cohésion sociale", a continué le dirigeant qui justifiait encore les raisons de ces fermetures d'usines en France devant le Sénat le 22 janvier dernier, arguant que la concurrence chinoise, les coûts de l'énergie ou encore le poids des salaires restreignaient la rentabilité de certaines de ses usines "en surcapacités massives".

Mais les décisions de la direction ne sont pas toujours faciles à entendre pour les salariés. Florent Menegaux n'a pas été hermétique à la colère de ses collaborateurs de longue date : "Il faut comprendre que les vérités peuvent être difficiles, voire douloureuses à recevoir".

Une sous-indemnisation

Et l'annonce qui a réveillé les mobilisations dans les usines concernées, alors que les salariés avaient accepté de reprendre l'activité fin 2024, c'est le montant des indemnisations proposé par Michelin : 35 000 euros aux 955 employés de Cholet et 50 000 euros aux 299 Vannetais. Dans le Maine-et-Loire, une grève reconductible a été lancée par l’intersyndicale jeudi dernier. Les camions n’ont pas été déchargés et les lignes de production ont été stoppées.

Les salariés s’estiment très loin du compte alors qu’ils avaient demandé 70 000 euros quand leur direction leur en propose deux fois moins. "C’est insultant, a exprimé Bastien You, élu CGT, auprès de nos confrères de Ouest-France. Ce n’est même pas ce qui a été donné lors de la fermeture de La Roche-sur-Yon, alors que l’inflation est là et que les bénéfices de l’entreprise ont explosé !"

Florent Menegaux, qui estime "qu'une entreprise, c'est d'abord un tissu humain qui travaille ensemble et qui ne peut travailler que s'il se fait confiance", déplore le manque de cohésion des syndicats autour des intérêts des salariés impactés par ces fermetures. Après s'être justifié devant les institutions gouvernementales françaises, il a livré ses arguments aux salariés par le biais de cette soirée, expliquant "qu'il ne faut pas empêcher l'entreprise de se réadapter en permanence, et donc dans les moments délicats, difficiles, de passer par la restructuration. Lorsque l'on prend ces décisions, c'est qu'on a exploré toutes les possibilités et qu'on s'est rendu compte qu'on ne pouvait plus continuer l'activité après avoir passé des années à essayer de trouver d'autres solutions."

Et après ?

Rappelant que "même s'ils subissent, les salariés ne sont pas en question dans cette décision", le directeur du manufacturier spécialiste des composites se veut rassurant sur l'avenir de ses salariés : "La responsabilité sociale et l'innovation sociale de Michelin, c'est toujours de s'occuper des salariés dans ces conditions-là et de permettre à chaque salarié de retrouver un futur professionnel."

Alors que, vendredi 24 janvier, les salariés de ce plan de départ reprenaient la mobilisation de plus belle, en attente de nouvelles négociations entre les syndicats et Michelin, Florent Menegaux a conclu sur une note douce-amère : "Les innovations vont nous permettre de faire des choses absolument formidables, mais aussi de régler un certain nombre de problèmes dans lesquels on s'empêtre aujourd'hui. Une des conditions pour que ça marche, c'est de rétablir les conditions de la confiance entre nous. Le vrai challenge pour nos sociétés, pour maintenir la cohésion sociale, c'est d'arriver à se dire les choses." À bon entendeur…

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