Aeolus monte en bateau avec Dongfeng
Depuis qu’il dispose d’une gamme TC4 en plus des PL et GC déjà connues depuis des années, le manufacturier chinois Aeolus ne cache plus ses ambitions mondiales. Prévoyant et méthodique, il se lance dès aujourd’hui dans une campagne mondiale de communication. Pour se faire connaître de toute la planète, il participe à la Volvo Ocean Race, la plus prestigieuse course à la voile autour du monde.
Sur 40.000 milles, elle dure 9 mois et oppose 7 équipages financés par de grandes firmes mondiales et disposant tous du même bateau de 65 pieds. A chacune des étapes, la possibilité d’inviter clients et VIP fait de la Volvo Ocean Race un outil de communication d’une rare efficacité. Aeolus a saisi cette chance en prenant en marche le projet d’une autre grande entreprise chinoise, le constructeur de poids lourds Dongfeng, et le rendant possible au prix d’une participation financière raisonnable. Bien joué ! L’originalité de ce premier défi chinois est qu’il est managé en France, à Lorient, par des marins français très expérimentés, et vise à terme à la création d’une équipe 100 % chinoise de marins de haute mer. On n’a pas fini de parler d’Aeolus et de Dongfeng dans les mois qui viennent, d’autant plus que la course fera étape à Lorient en juin 2015...
lls se nomment Liu Ming, Jiru Yang, Jin Hao Chen et Ying Kit Cheng, quatre grands et solides gaillards qui forment 50 % de l’équipage. Sur le pont, ils se démènent d’impeccable façon en compagnie des experts français chargés de les entraîner, des vainqueurs de différentes transat, des « pointures » de la course au large nommés Eric Peron, Eric Escoffier, Pascal Bidegorry, Thomas Rouxel, plus le suédois Martin Stromberg. Virement de bord, le changement d’amure se déroule à vitesse grand V, on ne perd pas une seconde et le ron-ron des pompes montre que le ballast de 800 litres se remplit dans les temps. Le skipper, Charles Caudrelier, est satisfait. Celui qui fut le second de Franck Cammas, vainqueur de la Volvo 2012, est aujourd’hui le capitaine de ce défi doublement original.
Investir à bon escient
A la base, la volonté de Dongfeng de se faire connaître. Attention, il ne s’agit pas du Dongfeng qui vient récemment de s’associer avec PSA Peugeot-Citroën, mais seulement de la marque de poids lourds Dongfeng Commercial Vehicle Company. Pas sûr que le grand public fasse la différence mais cette opération a été démarrée alors que les PL chinois n’étaient absolument pas connus et qu’on n’imaginait pas que PSA tomberait un jour dans son escarcelle ! Les camions Dongfeng étaient toutefois déjà si appréciés de Volvo, que le suédois a créé en Chine une filiale (et une usine) commune avec Dongfeng : la participation à la « Volvo » autour du monde s’explique mieux, ainsi que la création d’une « Equipe de Chine » de course au large, une grande première très médiatisée. Reste qu’on ne s’improvise pas concurrent de la « Volvo Race », il faut réunir quelques compétences plutôt pointues et partagées par un très petit nombre de spécialistes sur la planète. Les grands équipages anglo-saxons déjà retenus, Dongfeng s’est donc adressé à la structure française vainqueur de la précédente Volvo. Elle est menée par un spécialiste mondialement reconnu, Bruno Dubois, sur le pont depuis 2007 où il mena le défi français de la Coupe de l’America et toujours sur la Volvo depuis. Une équipe pour la Volvo c’est une trentaine de personnes et une base technique. Celle de Groupama, installée dans l’ancienne base des sous-marins à Lorient, a été louée pour la préparation du bateau et de l’équipage jusqu’en juillet 2014, où l’équipage est parti pour des courses « de réglage » avant de rejoindre Valence, en Espagne, pour le départ de la course en octobre.
Et le bateau ? Pas de problème, contre une chèque de 6,5 millions d’euros, vous repartez avec votre Volvo Ocean 65, un voilier monotype dessiné par l’Américain Farr, 20,37 m de long, équipé d’un mat de 30,30 m. C’est cher ? Pas étonnant si l’on sait qu’il faut 36.000 heures de travail et 7 mois à 120 spécialistes pour le construire, plus une logistique compliquée pour y parvenir. Conçue aux Etats Unis, la coque est réalisée en Italie ( Persico ), le pont en France ( Multiplast ), la structure interne en Suisse ( Décision ) et l’assemblage en Grande Bretagne ( Gree Marine ). Pour égaliser les chances des 7 équipes, tout le monde dispose des mêmes voiles et cordages ( autrefois la surenchère faisait exploser les budgets ! ), la maintenance et la gestion des pièces de rechange étant maintenant assurée par l’organisateur de la course. Habilement, celui-ci ouvre le chantier au public, à chaque étape c’est une attraction très prisée du public.
En achetant les services et l’expérience de l’ex-équipe Groupama, et compte tenu de l’égalité voulue sur le plan technique, le défi Dongfeng Aeolus se donne des chances de briller dès sa première participation. A une condition, disposer d’un équipage de qualité, et c’est là que réside le « quitte ou double » de l’opération. En effet, les équipiers expérimentés capables de « tenir » le coup dans cette course folle, avec parfois de véritables régates durant 3 semaines de tempête, sont peu nombreux dans le monde. On se les arrache à prix d’or, exactement comme on le fait ensuite pour le skipper, les concurrents ne lésinent pas sur l’aspect qualitatif humain de la course. Or le défi Dongfeng a un tout autre but à long terme, créer un réservoir de spécialistes de la course au large. Des spécialistes de la voile, régate ou olympisme, il en existe beaucoup en Chine, mais pas un seul – vraiment pas un seul – marin spécialiste des grandes transocéaniques. On voit donc plus loin que la Volvo 2014 / 2015, d’où une organisation inverse des autres concurrents. Bruno Dubois a d’abord choisi le skipper, Charles Caudrelier, ensuite 4 ou 5 équipiers de haut niveau. Un équipage se composant de 8 personnes, il fallait le compléter par des « élèves Chinois ». Des sélections ont été organisées et une pré-sélection de 40 équipiers a été réalisée, ensuite ramenée à 20 et qui a finalement débouché sur 4 lauréats, plus 2 suppléants. Les premiers jours de navigation ont montré la qualité de la sélection et leur bonne adaptation aux conditions hyper dures de la course en équipage, dans ce petit bateau de 12,5 tonnes, tout en carbone, un véritable shaker sans le moindre confort. Reste à en faire un équipage homogène, ce qui passe d’abord par une communication rapide : tout le monde s’est donc mis à une langue commune, l’anglais, pour une fois chinois et français sont à égalité face à cet apprentissage... Autre astuce bienvenue, les équipiers chinois ont été dotés de surnoms plus courts – Horace, Wolf, Kit et Léo - et plus faciles à prononcer que leurs patronymes...
Prendre le train en marche
De l’avis des spécialistes, l’investissement dans la Volvo, s’il est correctement exploité, est l’un des plus rentables au monde en terme de retombées pour l’image et la notoriété. Il faut donc ajouter au coût des marins et du bateau celui d’une équipe chargée d’exploiter la présence des voiliers à l’étape ( voir la carte ci-dessus ), sans oublier le matériel nécessaire à ces opérations de relations publiques et aux sorties en mer avec passagers. Ce qui, aux dires des spécialistes, élève le budget aux alentours de 20/22 millions. Si la somme n’est pas plus importante qu’une campagne publicitaire classique, même sur 9 mois, elle n’est pas indolore dans un budget. D’où la recherche de partenaires complémentaires dans laquelle Aeolus s’est engouffré : en tant qu’important fournisseur de pneus PL du premier constructeur chinois de la spécialité, Dongfeng, Aeolus Tyre s’imposait d’autant plus facilement dans ce rôle. La ville de Shiyan, berceau de Dongfeng, participe aussi au financement de ce qui est devenu le Dongfeng Race Team, mais le vainqueur de ce « second tour » est incontestablement Aeolus. Au prix d’un investissement modeste – on parle de 2 millions - il récupère la partie avant du bateau. Détaillez les photos, le génois argent Aeolus se voit autant que la grand voile Dongfeng ! On souhaite donc au 5 ème manufacturier chinois une fructueuse collaboration avec le n°1 du PL et, à terme, de mener à bien leur programme de fond, créer une élite de navigateurs transocéaniques professionnels en Chine. Et pour les français, rendez-vous les 14 et 15 juin 2015 à Lorient pour l’étape de la Volvo Ocean Race, afin de constater de visu les progrès de ce défi sympathique où, pour une fois, la France a su exporter son savoir faire !