Christophe Rollet, Point S : "Il ne faut pas attendre que les choses aillent moins bien pour se poser les bonnes questions"

Une nouvelle année vient de s’écouler. Certains de vos confrères l’ont décrite comme difficile à lire, faite de hauts et de bas moins prévisibles qu’à l’accoutumée. Qu’en retenez-vous de votre côté ?
Je suis un peu gêné de vous répondre car chaque année je vous indique que tout va bien et c’est encore le cas en 2024. Point S a fait une très belle année. Avril et mai ont été un peu plus poussifs, mais au global, la tendance est positive. On a eu beaucoup de monde dans les ateliers. Je vois ça comme la fin de la vague Covid avec des prestations qui ont été décalées pendant plusieurs mois, voire années, de surcroît dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat, pour générer du flux quelques temps plus tard. Je pense qu’on bénéficie encore de ce phénomène. Par ailleurs, le parc roulant vieillit constamment, ce qui nous profite aussi nécessairement. Enfin, très modestement, on continue de grossir, de se développer, de mailler toujours plus le territoire, et cela nous aide forcément à prendre des parts de marché à nos concurrents.
Sur l’aspect aléatoire du marché, vous ne partagez donc pas le sentiment de vos confrères ?
En fait, le marché a toujours été aléatoire. On s’est habitué depuis la fin de la Covid à des exercices assez fastes et on doit maintenant réfléchir à être plus commerçant, à déployer des promotions, à la présentation du point de vente, etc. Des questions que nous, chez Point S, nous sommes toujours posées. On fait des visites mystères, on fait attention à l’unité d’image, d’accueil et de services de notre réseau, on veille aussi à la prise en charge du BtoB, que ce soient les grands comptes nationaux comme des acteurs locaux… L’accumulation fait que nous arrivons à passer outre les soubresauts du marché, grâce à notre image de référent, notre indépendance ou notre expertise.
Si l’on s’arrête sur certains concepts lancés récemment, comme le vitrage avec Glass, quelle est votre analyse ?
On est encore un acteur récent sur ce marché et le consommateur n’a pas encore assimilé que Point S était désormais présent dans le vitrage. On n’est pas dans les trois-quatre enseignes qu’ils citent lorsqu’ils ont besoin de changer leur pare-brise. Deuxièmement, on a fait le choix de ne pas aller sur des contrats liés aux assureurs, ce qui limite le chiffre généré par ces derniers. On n’est ni pour, ni contre, simplement, on s’est dit qu’on pouvait commencer ce développement sans eux. Par ailleurs, on manque encore de synergie au sein du réseau pour faire entendre aux adhérents que Glass est vraiment une opportunité complémentaire. Et ce pour une bonne raison : notre chiffre d’affaires a été tellement soutenu en 2024 que nos adhérents n’ont pas senti la nécessité de développer d’autres activités. On essaie de les convaincre d’anticiper les périodes qui seront forcément, tôt ou tard, plus calmes.
Autre concept avec Vente Auto qui a été lancé en 2022. Quel regard portez-vous sur son évolution ?
Ce concept ne grandit pas à la vitesse que j’espérais. En fait, on a changé de responsable national en cours d’année, ce qui n’a pas aidé le développement de Vente Auto et a provoqué une période d’inertie. Deuxième point, on s’est rendu compte que vendre des voitures zéro kilomètre n’est pas le même métier que vendre des pneus. On a donc reformaté le concept avec trois niveaux différents : un premier pour des adhérents qui ne vendent pas de voiture et dont le Point S a valeur de centre de livraison ; un deuxième pour des adhérents qui vendent quelques voitures et à qui on a proposé le niveau Access, ce qui leur permet de générer du lead ; un troisième, premium, pour des adhérents pour qui la vente auto est presque le cœur de métier et qui maîtrisent toute la chaîne de valeur. Pour en revenir à votre question, on a le même problème qu’avec Glass en lançant un nouveau concept dans une période faste. Cela diminue non pas son intérêt, mais son impact direct.
Pour vous, l’un des enjeux est donc de faire évoluer le "logiciel" de vos adhérents en les incitant à préparer l’avenir dès à présent…
Exactement. C’est le message que je leur ai fait passer en janvier lors de notre congrès annuel à Barcelone (Espagne). Il ne faut pas attendre que les choses aillent moins bien pour se poser les bonnes questions. C’est d’ailleurs souvent là qu’on prend de mauvaises décisions. Il ne faut pas attendre d’avoir moins de clients pour aller en chercher de nouveaux. C’est peut-être aussi pour ça qu’on performe chez Point S, car on sait anticiper les évolutions. Avoir un coup d’avance permet à un leader de conforter son rang.
Parlons de votre maillage. Vous disposez aujourd’hui d’un des réseaux les plus denses du marché français avec 665 sites. Ce sujet demeure-t-il un enjeu pour vous ?
Absolument. On a identifié 300 villes cibles où l’on n’est pas présent, mais où l’on souhaite s’implanter. La force d’une enseigne tient dans sa proximité, de surcroît avec des produits qui ne sont pas passionnels. Il faut qu’on soit un réflexe pour les clients. Le maillage est donc essentiel. On sera aussi cette année dans de nombreux salons comme Franchise Expo Paris, Equip Auto ou encore Solutrans. Je veux aussi qu’on se renforce sur le pneu et qu’on se rapproche davantage des pneumaticiens.
Certaines ouvertures récentes sont le fruit de rapprochements avec des groupes de distribution. En quoi ces professionnels s’avèrent-ils intéressants pour vous et est-ce un axe de développement sur lequel vous allez continuer de miser ?
Nous allons continuer car c’est un axe qui est complémentaire à notre développement traditionnel. Ces groupes connaissent la notion d’enseigne, ils savent comment ça fonctionne. Ils ont aussi des moyens pour se développer qualitativement, avec un savoir-faire indéniable. Ils sont également souvent sensibles à notre indépendance. Tout cela s’inscrit finalement très bien dans l’histoire de Point S qui est fait d’un mélange de compétences – des pneumaticiens, des centres autos, des carrossiers, des pompistes, etc. – s’additionnant parfaitement bien.
Au niveau international, votre drapeau se posera-t-il prochainement dans de nouveaux pays ?
Oui, car c’est une nécessité. En tant qu’indépendant, on veut avoir un poids suffisant, une visibilité importante pour se permettre d’être vu et entendu par nos principaux fournisseurs, et parce que le maillage est fondamental pour exister. Dans les cinq à sept ans qui viennent, l’objectif est d’être présents dans 100 pays avec 10 000 points de vente. Aujourd’hui, Point S est implanté dans 51 pays avec 6 568 sites, donc la marge de progression est là. Notre force est d’avoir su mettre en place une enseigne internationale qui véhicule la même image, le même ADN, un niveau de service homogène, une entente parfaite.
À titre personnel, vous avez pris position au début de l’automne au sujet de la loi Montagne et de l’absence de sanctions pour les contrevenants. Ça vous semblait important de prendre la parole ?
Je pense que la loi a été mal conçue avec des découpages difficiles à comprendre. Finalement, cette mesure a vu le jour et on s’est dit quand même que c’était mieux que rien. Sauf qu’année après année, l’État ne cesse de reculer sur le décret d’application des sanctions. Cette loi ne sert donc strictement à rien. Encore une fois, on réagit plus qu'on agit. On va attendre un grand carambolage, un épisode de neige, des automobilistes bloqués sur la route, pour que les choses changent. On va y arriver, mais il faudra passer par là. C’est dommage, on perd du temps et on fait prendre des risques aux consommateurs.
Vous publiez un livre intitulé "Laissez-nous rouler sans stress !", disponible en librairie depuis le 16 janvier. Qu’est-ce qui a motivé la rédaction de cet ouvrage ?
J’ai le sentiment, et je ne suis pas le seul, que l’avenir de la voiture est très ombragé, très nuageux. Les pouvoirs publics ou les médias véhiculent cette impression. Avec les évolutions technologiques et les changements réglementaires, les consommateurs sont perdus. Si l’on prend un exemple très concret, avec Crit’Air 3, sur l’agglomération lyonnaise, ça représente 60 000 véhicules concernés. Là-dessus, plus de 80 % des propriétaires habitent ou travaillent dans Lyon. Comment peuvent-ils faire ? C’est dramatique. Avec ce livre, je veux rétablir certaines vérités, montrer que la voiture n’est pas forcément polluante, encombrante ou contraignante, rappeler que des solutions existent. En résumé, ce livre a pour objectif de rassurer les lecteurs sur l’impact, que je vois plus positif que négatif, de la voiture de demain.
Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°188 de janvier-février 2025.