François Bayan, l'homme de l'Ouest
Comme tant d'autres, François Bayan a été biberonné par Bibendum et il faut croire que le breuvage est de qualité car on ne compte plus les réussites entrepreneuriales qui prennent leur source à Clermont-Ferrand (63). Une bonne nouvelle pour la formation à la française et pour les fleurons de l'industrie tricolore, soit dit en passant. A la différence d'autres exemples du genre, le lien entre François Bayan et Michelin s'est noué de façon singulière.
Dans les années 90, le jeune homme mène un double cursus en étant en sport étude football au FC Gueugnon, époque où le club vit l'une de ses plus belles périodes, tout en suivant un DUT à Tech de Co Montluçon. Un établissement dont le fabricant de pneumatiques est proche et qui devient "assez naturellement" une porte d'entrée professionnelle quand celle sportive se referme. En 1995, François Bayan rejoint le groupe comme commercial en région. Une expérience formatrice, enrichissante, qui lui permet en outre de nouer de premiers contacts. Celle-ci durera finalement neuf ans.
En 2003, les frères François et Jean-Pierre Legros, dirigeants du groupe éponyme, lui proposent de les rejoindre. L'offre est alléchante car elle coche toutes les cases qui comptent à ses yeux. "C'était une boîte familiale, indépendante, bien gérée et bien structurée, avec des hommes de valeur…", se remémore-t-il aujourd'hui. C'est aussi alors l'un des principaux adhérents du réseau Point S, que Jean-Pierre Legros préside, avec 17 implantations dans l'Est de la France et deux au Luxembourg.
Un échec formateur
La greffe prend très vite, François Bayan découvre chez les Legros une autre facette de son métier et y prend goût. A tel point que, lorsqu'en 2011-2012, les patrons annoncent leur intention de céder l'affaire, il se met ainsi en tête de la reprendre à son compte.
"Je voulais continuer cette belle histoire, celle d'une entreprise indépendante qui a toujours suivi sa propre stratégie, indique-t-il. Ne pas être tenu par une marque, c'est être libre de gérer son affaire comme bon nous semble. C'est une chance qui permet d'avoir un discours honnête avec les clients".
"Avec plus de 20 points de vente, on est forcément plus observé, plus écouté aussi"
Aussi belle soit-elle, la société des Legros est également une grande entreprise, avec un chiffre d'affaires supérieur à 30 millions d'euros, et son financement n'a rien d'une sinécure. Malgré un an et demi d'effort et d'investissement, François Bayan doit finalement se rendre à l'évidence et jeter l'éponge, faute de soutien.
Si le fait de ne pas réussir à aller au bout de ce projet est "une déception", l'expérience s'avère paradoxalement très enrichissante. "J'ai compris à ce moment là ce qu'était réellement la vie d'un chef d'entreprise avec toutes ces problématiques à gérer." Ça tombe bien car, en dépit de cet échec, l'envie de franchir un nouveau cap et d'entreprendre est intacte. L'opportunité de rebondir ne se fait pas attendre. De l'Est à l'Ouest, il n'y a qu'un pas pourvu qu'on soit ouvert d'esprit.
De 11 à 25 sites en moins de dix ans
En 2012, François Bayan rencontre Erwann Monvoisin, patron de la Sofrap (Société FRAnçaise de Pneumatique), dont l'histoire familiale est, comme celle des Legros, intimement liée à Point S. Adhérent historique de l'enseigne, la société compte à ce moment-là 11 points de vente dans les départements du 44 (où se trouve son siège), 35, 49, 72 et 85. La Sofrap est également connue localement, s'appuie sur "une solide équipe, avec des gens attachés à leur entreprise et respectueux", et présente un potentiel de développement indéniable.
Binôme complémentaire, le duo Monvoisin-Bayan se répartie la zone de chalandise et se fixe une feuille de route ambitieuse : rééquilibrer les activités, en axant le développement sur l'industriel, garder cette singulière fibre de grossiste et déployer le plus de services possibles. Leurs efforts vont payer, peut-être même au-delà de leurs espérances. En dix ans, la Sofrap est devenue une structure tentaculaire avec plus d’une vingtaine de sites Point S mais aussi plusieurs autres sous étendard Warning (réseau cousin) et encore d'autres sans panneau.
Un choix guidé par la volonté "de respecter les confrères sur leur zone de chalandise". Cette réussite doit beaucoup aux deux hommes et à beaucoup d'autres. Unique tête pensante de la société depuis 2018 et le départ d'Erwann Monvoisin, parti mener un autre projet dans le groupe, François Bayan ne se sent pas seul. "Non, jamais, je peux compter sur le soutien de toute l'équipe, Kévin, Miguel, Lonan et tant d’autres... C'est une réussite qui est partagée", souligne-t-il.
Fidéliser les clients
Aujourd'hui patron du premier adhérent d'un Point S lui-même premier réseau d'entretien-réparation de France, a-t-il l'impression d'avoir changé de dimension, que ce soit à titre personnel ou en tant que structure ? "Pas vraiment. Je suis très impliqué dans la vie de Point S mais comme beaucoup d'autres car c'est propre à notre réseau. Après, avec plus de 20 points de vente, on est forcément plus observé, plus écouté aussi, mais la Sofrap n'est pas l'unique belle affaire Point S. D'autres adhérents font aussi du très bon travail."
Un avis qui se corrèle avec les propos toujours mesurés et tournés vers le collectif d'un dirigeant parallèlement très attaché aux vertus originelles de son métier. Proximité et service client ont ainsi valeur de maîtres mots. S'il admet que le monde du pneumatique a "beaucoup évolué en 25 ans de carrière", il voit plutôt d'un bon œil cette mutation progressive.
Et d'étayer son propos : "On entend régulièrement que les clients sont moins fidèles qu'avant. C'est peut-être vrai mais je crois surtout que leurs priorités ont changé. Dorénavant, ils sont moins attachés à une marque et plus aux personnes. Si on fait bien notre métier, si les équipes sont disponibles, si le discours est professionnel et si le service suit derrière, il n'y a aucune raison que le client ne revienne pas".
Deux roues et vitrage pour se diversifier
A l'entendre, le contexte actuel, marqué à la fois par une flambée des cours du caoutchouc, une hausse logique des prix des pneumatiques, ou encore le déploiement en France de la loi Montagne, permet de recentrer le débat sur le savoir-faire des pneumaticiens. "On a un rôle de conseil et d'accompagnement", résume-t-il.
Fort de ses convictions, comment voit-il l'avenir ? Prudence étant maître de raison, François Bayan n'imagine pas voir encore beaucoup plus grand. Avec ses multiples implantations, la Sofrap maille très bien son territoire et grandir n'est donc plus un objectif en soi.
"Pour éviter de mourir, il faut trouver des solutions"
En revanche, optimiser son fonctionnement et diversifier son portefeuille font figure de priorités. Dans cette logique, une enseigne dédiée aux deux roues et aux mobilités douces a vu le jour. Dénommée Kerbike, celle-ci est déployée à date sur trois sites et présente, dans le contexte actuel, un potentiel indéniable.
En parallèle, la Sofrap s'est lancée dans le vitrage grâce au concept S Glass. Déployé fin 2020, celui-ci a passé l'été dernier le cap des 100 baies dans l'Hexagone, dont une quinzaine portées par son adhérent de l'Ouest. Jugeant qu'il y a eu "une prise de conscience dans la profession" sur cette question de la diversification alors même qu'il n'y a "moins de marges à faire sur le produit", François Bayan se montre optimiste. Et de conclure : "Pour éviter de mourir, il faut trouver des solutions. Elles existent et elles viennent d'ailleurs souvent des équipes".
BIO EXPRESS
François Bayan (Sofrap), 44 ans
1995 : intègre le groupe Michelin comme commercial.
2003 : rejoint le groupe Legros, adhérent Point S.
2012 : rejoint la Sofrap aux côtés d'Erwann Monvoisin.
2018 : prend seul les rênes de la société.