Les Delestre, un couple et une référence

Passion n’est pas (forcément) raison. Mais délaisser l’une au profit de l’autre n’empêche pas de trouver sa voie et de s’y épanouir pleinement. Celle de Christophe Delestre pouvait paraître toute tracée. Ce dernier est un enfant du pneu et de la mécanique. Dans ses jeunes années, il baigne ainsi dans cet univers après que ses parents ont fondé en 1980 leur entreprise à Ancenis (44). Toute la structure familiale s’articule autour de cette bien nommée Clinique du Pneu.
Christophe, lui, accompagne régulièrement son père dans l’atelier ou en intervention pour monter des pneus. Mais quand vient l’heure de l’envol, le jeune homme vise tout autre chose. Il songe à quitter le nid et nourrit l’ambition de faire carrière dans un domaine très différent. Il s’en trouve quelques années plus tard titulaire d’une maîtrise en pâtisserie, chocolaterie et glacerie. Alors qu’il commence à construire son chemin, le sort s’en mêle.
Fin 1994, son père rencontre un pépin de santé, ce qui incite son fils à mettre ses projets en pause pour venir soutenir ses parents. "À ce moment-là, je n’avais rien d’autre en tête que de les aider. C’était une situation provisoire qui s’est finalement prolongée. Au bout d’un an, la réflexion a fait son chemin et j’ai décidé de rester." L’idée de retrouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle, de ne plus se lever aux aurores et de pouvoir profiter des week-ends font partie intégrante de cette réflexion.
D’une génération à l’autre
D’autant que Christophe n’est désormais plus seul. Auprès de lui, celle qui deviendra rapidement son épouse. Anne-Laure, elle, s’oriente vers le monde de la gestion, mais garde un œil avisé sur la trajectoire de sa moitié qu’elle encourage à persévérer. Un soutien d’autant plus précieux que les premiers pas de Christophe à la Clinique du Pneu n’ont rien d’évident.
"Déjà, c’était compliqué de découvrir un nouveau métier, j’ai dû passer par un apprentissage avec mon père et me former complètement. Ensuite, c’était difficile de travailler en famille. Mes parents me considéraient comme n’importe quel employé et moi, dans le même temps, je voulais leur prouver que je pouvais réussir." Entre force de caractère et force de travail, le fiston va trouver sa place auprès de ses aînés.
Anne-Laure rejoint quant à elle l’entreprise en 2000. Avec finalement le même cheminement. Jusque-là très proche de ses beaux-parents, elle se heurte à cet environnement où la maison et le travail se confondent. "Pour mes beaux-parents, ma place était évidente. Ils avaient réussi à deux et il fallait qu’on réussisse à deux. Sauf que je me suis perdue dans ce nouveau schéma familial. En 2005, je voulais partir et c’est mon beau-père qui m’a retenue." Un épisode houleux mais salvateur. Un an plus tard, la première génération enclenche la succession de son affaire à la deuxième.
Seuls aux manettes
Si Christophe deviendra le seul et unique gérant en 2011, c’est bien à deux que la Clinique du Pneu est gérée. Un vrai luxe tout autant qu’un confort au quotidien. "C’est plus facile de travailler avec son épouse qu’avec ses parents" juge Christophe Delestre, alors que son épouse fait remarquer que les discussions de boulot ne dépassent pas le seuil de la porte chez eux.
Les mains libres, le duo mène à bien plusieurs projets importants. Le garage étriqué situé en centre-ville d’Ancenis déménage au sein du bâtiment annexe, situé en périphérie et plus vaste. Ce changement permet à l’entreprise d’accélérer en entretien et en pneumatiques tourisme pour rééquilibrer progressivement une activité trop dépendante de l’industrielle (par le biais de laquelle le centre travaille avec Manitou et Toyota).
"C’était fondamental de faire évoluer l’entreprise en ce sens, justifie le patron. Nous avons aujourd’hui une activité qui repose à 60 % sur l’industriel et à 40 % sur le tourisme, et c’est grâce à cet équilibre que nous pouvons faire face aux variations du marché."
Ce qui permet aussi à la Clinique du Pneu de passer au travers des turbulences, c’est le soutien sans faille de son réseau. À moins que ce ne soit l’inverse. Car ce centre a été l’un des premiers à arborer dès 1987 le logo Arc-en-Ciel, feu enseigne qui deviendra en 2010 Eurotyre. Au cours des dernières décennies, un lien très fort s’est développé entre chacun.
Plus qu’un réseau, une famille
"Il y a un attachement sincère, juge Anne-Laure. Il existe entre nous, avec les gens du siège comme avec les autres membres du réseau, une grande proximité. Certains sont devenus des amis." "Ce qui nous rapproche aussi, ce sont les valeurs qu’on partage, abonde son époux. La simplicité, la réactivité, cette capacité à se développer… C’est ce qui nous porte." Aujourd’hui, la Clinique du Pneu est un maillon essentiel du réseau Eurotyre.
"Anne-Laure et Christophe sont des adhérents historiques avec toutes les valeurs qui font la force du réseau. On peut dire qu’ils font partie de la grande famille Eurotyre et sont le reflet de son ADN : confiance, convivialité, proximité, transparence, partage… Ils sont de véritables piliers et moteurs dans la réalisation de nos actions tant sur le plan commercial que marketing. Anne-Laure et Christophe ne manquent jamais une réunion régionale, un groupe de travail ou une convention et sont toujours volontaires pour nous accompagner dans les projets de l’enseigne" étaye Maxime Chatillon, responsable marketing et communication.
L’adhérent ancenien a d’ailleurs servi de site pilote lors de la mise au point de la nouvelle identité de l’enseigne. Déployée début octobre, celle-ci s’appuie sur un smiley souriant et jovial, visible sur les devantures, et une nouvelle baseline. "Avoir été les premiers à tester cette identité était un honneur. C’est toujours très gratifiant d’être sollicité pour faire évoluer le réseau" complète le patron.
Un collectif savamment entretenu
Toujours avec Eurotyre, le couple Delestre entend continuer d’avancer. Et le faire collectivement. Car, en règle générale et avec eux tout particulièrement, on n’est rien sans les autres. Leur affaire compte treize salariés que Christophe nomme affectueusement ses "gars". Pour eux, il donne beaucoup, et surtout le meilleur, se disant toujours à l’écoute, le moins possible sur leur dos et toujours là pour eux. Il aimerait les récompenser encore plus en fin d’année, "parce qu’ils le méritent", mais déplore le poids des charges et des taxes qui pèsent sur des entreprises comme la sienne.
Anne-Laure, quant à elle, défend les moments de convivialité. Chaque anniversaire, chaque moment important dans l’année constitue une occasion de se rassembler. "On a une entreprise où il y a du sourire, c’est ce que disent nos clients" se félicite le dirigeant.
Désormais âgés de respectivement 55 et 50 ans, monsieur et madame Delestre cultivent encore de grandes ambitions. L’idée de dupliquer leur entreprise avec un second site germe progressivement dans leur esprit. Sans trop en dire, on comprend que la réflexion est en cours. À plus longue échéance, la transmission de leur héritage agite aussi, un peu, leurs méninges. Sans que le sujet fasse pour l’instant consensus.
Trop consciente des difficultés de son métier, Anne-Laure ne souhaite pas voir l’un de leurs trois enfants prendre la suite. Christophe, lui, se montre plus tiraillé. S’imaginer vendre à quiconque une affaire longuement construite par ses aïeux n’est sans doute pas facile. Mais ce dernier a déjà prouvé dans le passé qu’il était capable de trancher dans le vif et d’opter pour la voie la plus factuelle.
D’ailleurs, pour revenir au début de l’histoire, garde-t-il un éventuel regret de cette carrière avortée dans la pâtisserie ? "Un léger, oui, affirme-t-il. Être pâtissier, chocolatier ou glacier, c’est créer, c’est imaginer sans cesse. Faire du pneu, c’est être dans la gestion…" Pas de quoi entraver l’expertise et la réussite du chef d’entreprise qui, avec son épouse, continue de tracer sa route.
Complémentaire pour gérer son entreprise, le couple travaille main dans la main depuis maintenant près d’un quart de siècle.
BIO EXPRESS
Christophe & Anne Laure Delestre (Eurotyre)
- Création de la Clinique du Pneu à Ancenis (44).
- Adhésion au réseau arc-en-Ciel qui deviendra Eurotyre en 2010.
- Christophe Delestre rejoint ses parents dans l’entreprise familiale.
- Anne-Laure Delestre intègre la Clinique du Pneu avec son époux et ses beaux-parents.
- La seconde génération prend seule les manettes.
- Regroupement des activités sur un seul et même site.
Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°188 de janvier-février 2025.