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Distribution

« Les réseaux ne sont pas prêts »

Publié le 5 décembre 2014

Par Jérôme Fondraz
8 min de lecture

Avec 50% de part de marché et 300 millions de capteurs en circulation, Schrader est le numéro un mondial dans le domaine des TPMS. Frédéric Maurin, Responsable après-vente Marketing et Communication, et Raphaël De Morais, Responsable technique pour la France, exposent les enjeux de la nouvelle directive européenne aux négociants spécialistes.

Quand est-ce que les TPMS ont fait leur apparition en France ?

Frédéric Maurin : En France, les premiers véhicules équipés étaient les Peugeot 607 et la Renault Laguna, qui sont arrivés sur le marché en 1999. Les TPMS étaient d’abord montés en série sur ces véhicules, avant d’être proposés ensuite en option.

Raphaël De Morais : Aujourd’hui, ce sont surtout les véhicules haut de gamme qui disposent de ce système.

Quel est le niveau d’équipement des véhicules en TPMS aujourd’hui ?

F.M. : Sur le marché français, où le parc est d’un peu plus de 31 millions de véhicules, nous estimons à 1,8 million environ le nombre de véhicules équipés de TPMS à mesures directes.

Comment se répartit le marché entre TPMS à mesures directes et indirectes, et voyez-vous ce rapport évoluer ces prochaines années ?

F.M. : La technologie directe est utilisée par 70% des véhicules équipés. Cette répartition devrait se maintenir à ce niveau les 3 prochaines années. Certains constructeurs ont fait le choix de se tourner vers les TPMS à mesures indirectes, mais aucun n’a décidé d’avoir recours uniquement à cette technologie. Je pense en particulier aux groupes PSA Peugeot Citroën, Fiat et Volkswagen, qui utilisent les deux technologies de manière équivalente à travers leurs gammes. 

Alors que la nouvelle directive est entrée en vigueur le 1er novembre dernier en Europe, à partir de quand pensezvous que l’activité va se développer dans les ateliers ?

F.M. : Nos TPMS sont conçus pour fonctionner pendant toute la durée de vie du véhicule, soit 10 ans ou 160 000 km. Leur remplacement ne devrait pas intervenir d’ici là, sauf pour les gros rouleurs. Cependant, les ateliers vont aussi devoir assurer l’équipement de jeux de roues complètes pour l’hiver. Dans ce cadre, les ventes seront évidemment plus importantes dans les pays où la législation oblige les automobilistes à s’équiper de pneus hiver.

Est-ce que ceux qui voudront monter des pneus hiver cette année devront se plier à cette nouvelle réglementation ?

F.M. : Tout à fait. Si le véhicule est équipé d’origine, son TPMS à mesures directes devra aussi fonctionner avec ses pneus hiver. Il n’est pas envisageable de rouler plusieurs mois avec le voyant allumé sur le tableau de bord.

Est-ce que les forces de l’ordre pourront verbaliser les contrevenants ?

F.M. : Puisque la nouvelle directive est en vigueur depuis le 1er novembre, logiquement, ce devrait être le cas, mais nous n’avons pas de visibilité sur le sujet. A chacun de se montrer responsable. On ne coupe pas sa ceinture de sécurité parce qu’elle nous gène. La règle vaut aussi pour les TPMS. Si un équipement de sécurité est installé sur le véhicule, il n’y a pas de raison de vouloir le désactiver.

Est-ce que les TPMS seront pris en compte dans le contrôle technique ?

F.M. : C’est effectivement prévu qu’ils soient pris en compte dans les points de contrôle, mais nous ne savons pas encore à partir de quand. Pour l’instant, la législation impose que lors d’un contrôle technique, le technicien s’assure au moins du bon fonctionnement des témoins au tableau de bord.

Comment jugez-vous le niveau de préparation des réseaux vis à vis des TPMS ?

F.M. : Les réseaux ne sont pas prêts et ils vont devoir s’adapter. Jusqu’alors, c’était Schrader qui mettait la pression sur les professionnels. Maintenant, c’est le TPMS qui met les professionnels sous pression. Depuis le mois de septembre, les réseaux commencent à nous solliciter. Ils font des tests sur des centres pilotes. Ils se posent la question de savoir quels sont les bons outils. Certains ne sont pas équipés du tout. Les professionnels doivent pourtant intégrer le fait que cet équipement est en train de se généraliser et que ce mouvement ne s’arrêtera pas. Il va faire partie à part entière de leur activité et, au final, représenter une nouvelle source de revenus. Cette étincelle pour l’instant, n’a pas eu lieu. Les mentalités doivent changer. Jusqu’à maintenant, le TPMS est souvent considéré comme un problème... L’Allemagne a peut-être un train d’avance, mais les réseaux français ne sont pas les seuls concernés par ce manque de préparation. Même aux États-Unis, où cet équipement est obligatoire depuis 2008, il reste encore beaucoup de travail à accomplir en termes de formation et d’informations.

Comment se traduit le manque de professionnalisme des ateliers ?

R.D.M. : Certains hésitent à intervenir sur les véhicules et recommandent à leur client de s’adresser au réseau constructeur. Dans certains cas, ils peuvent changer les capteurs, mais demanderont à ce que leur reprogrammation s’effectue chez le concessionnaire. Une autre tendance consiste à remplacer le capteur et la valve et faire en sorte que le client puisse repartir au plus vite, quel que soit le problème, alors qu’il peut suffire de remplacer l’obus ou le corps de valve, par exemple. Un de mes clients en est arrivé à refuser de vérifier la pression de particuliers qui se présentent à l’atelier avec un véhicule équipé de TPMS, s’il s’aperçoit qu’un bouchon métal a été mis sur une valve métal. Plusieurs fois, il lui est arrivé de briser le nez de valve avec une pince parce qu’il n’arrivait pas à dévisser le bouchon. Dans ce cas, la bonne procédure consiste à mettre la voiture sur le pont et de dire au client qu’avec ces bouchons chromés, le risque de casse est élevé. Cela montre à quel point il est important de mettre en place une méthodologie afin que les techniciens puissent travailler plus professionnellement que jusqu’à présent sur les TPMS.

Est-ce qu’une mise en conformité des ateliers est nécessaire pour intervenir sur les TPMS ?

T.M. : La formation est essentielle pour comprendre le produit, pour savoir cequ’on peut ou ne peut pas faire avec les capteurs. Les spécifications diffèrent d’un véhicule à l’autre. Un outillage dédié est nécessaire pour la maintenance, car il faut appliquer des couples de serrage spécifique lorsqu’on remonte un capteur. Aujourd’hui, tout le monde n’avance pas à la même vitesse. Les ateliers ont besoin d’être mis en confiance. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui. Pourtant, les 15 à 20 minutes supplémentaires que les techniciens vont passer en plus par véhicule, représentent une nouvelle source de revenus. A eux de valoriser cette prestation auprès des clients. Une mise en conformité des ateliers me semble justifiée et cela passe donc par une formation et un minimum d’équipements.

Quel est le premier conseil à suivre selon vous ?

T.M. : Dans notre formation, nous insistons sur une procédure qui consiste à « tester avant de démonter ». Cette préconisation comporte plusieurs étapes : il faut regarder au tableau de bord l’état du témoin, vérifier l’état du bouchon et de la valve en raison des incompatibilités possibles des matériaux, scanner les valves afin d’interroger les capteurs sur leur état. Nous conseillons aussi d’imprimer un rapport afin d’informer le client sur les interventions à effectuer ou pas. Le professionnel doit aussi délivrer le bon message au client, de manière à ce qu’il comprenne les bénéfices en matière de sécurité, d’économie et de respect de l’environnement.

R.D.M. : Les mécaniciens réparateurs ont déjà pris l’habitude de faire le tour du véhicule avec le client. Ils sont attentifs au niveau d’usure des pneus, passent la main sur la bande roulement pour s’assurer qu’il n’ y pas de problème de géométrie. Ils vont devoir intégrer une étape supplémentaire qui consiste à vérifier l’état de la valve.

Cette procédure doit-elle aussi être appliquée lorsque le client vient uniquement à l’atelier pour changer ses pneus ?

R.D.M. : Si on a détecté la présence d’un TPMS, c’est essentiel. Ces pièces coûtent cher. Il faut avoir la preuve que si une valve ou un capteur a été remplacé, c’est parce qu’ils étaient défaillants.

Aujourd’hui est-ce qu’on change plus souvent un ou 4 capteurs ?

R.D.M. : La tendance est plutôt de changer un capteur, parce qu’il est défaillant. Mais bien souvent, lorsqu’un véhicule arrive au bout de 8 ans avec un capteur d’origine qui ne fonctionne plus, la probabilité pour qu’un autre capteur s’éteigne quelques mois plus tard est assez élevée.

Comment reconnaît-on au premier coup d’oeil une valve avec un capteur de pression d’une valve sans capteur de pression ?

R.D.M. : Avec l’expérience, le nez de valve, le bouchon, la forme de la valve peuvent fournir des indications. Les valves métalliques sont plus rares sur les anciens véhicules. Elles sont alors souvent associées à un capteur.

Qu’est ce qui prévaut au choix d’une valve métal plutôt que caoutchouc, ou d’une valve solidaire du capteur ou non ?

F.M. : Aujourd’hui, les valves métal sont aussi nombreuses que celles en caoutchouc. En revanche, pour les voitures qui ont une vitesse de pointe supérieure à 210 km/h, les constructeurs préconisent toujours la valve métal. Le montage et le démontage seront plus rapides et moins coûteux pour le client, si la valve peut se séparer du capteur (snap-in ou clamp-in). Mais attention, il existe 5 modèles de valves snap-in différents sans interchangeabilité. Il faut donc absolument respecter la valve d’origine lors d’un entretien, si on ne veut pas se retrouver avec un mauvais angle sur le trou de valve, par exemple. Cela peut aussi avoir des conséquences dangereuses d’utiliser des valves « exotiques ». Les normes de fabrication imposées par les constructeurs aux grands équipementiers sont très sévères. Les caoutchoucs résistent à une large amplitude de températures, ainsi qu’à toutes sortes d’agression.

Une fois les nouveaux capteurs installés, ils doivent être reconnus pas le système du véhicule. Ce mode d’apprentissage peut être automatique et dans ce cas il est nécessaire de rouler une quinzaine de minutes avant que le voyant s’éteigne au tableau de bord. Est-ce qu’il est envisageable en France de laisser repartir le client avec le témoin allumé ?

F.M. : Le risque est de le voir revenir mécontent et de devoir passer en revue tout le TPMS pour s’assurer que le travail de remplacement a bien été effectué. Aux États-Unis, les ateliers ont finalement été contraints de rendre le véhicule avec le voyant éteint. Si le mécanicien réparateur touche au capteur, il en est responsable. Heureusement, une bonne partie des véhicules à reprogrammation automatique donnent accès à une reprogrammation manuelle, via l’outil de diagnostic.

Schrader fabrique des capteurs d’origine mais vous avez aussi développé l’EZ-Sensor pour l’après-vente. Est-ce que c’est un succès commercial ?

F.M. : En Europe, où la législation vient tout juste d’imposer les TPMS, les ventes de EZ-Sensor sont encore balbutiantes. En revanche, aux États-Unis, où ils sont obligatoires sur tous les véhicules neufs depuis 2008, nous réalisons 50% de nos ventes avec ce produit, 3 ans seulement après son lancement.

Qu’est ce qui le distingue d’un TPMS d’origine ?

F.M. : L’EZ-Sensor est un ensemble capteur/ valve breveté par Schrader, destiné à l’après-vente auto, et d’une qualité équivalente à la première monte. Il peut se substituer à un TPMS d’origine, car le capteur est programmable. Le professionnel peut soit lui créer un nouvel identifiant, soit le cloner à partir d’un capteur existant, pour un ensemble de roues complètes hiver, par exemple.

Faut-il plusieurs modèles pour couvrir l’ensemble des besoins du parc automobile ?

F.M. : Nous avons pris la décision d’avoir un seul modèle de l’EZ Sensor, avec une valve métal en version clamp-in. Il se monte à la fois sur jante tole et jante alu, et il répond à tous les véhicules en terme de vitesse. Nous avons une option avec valve caoutchouc, mais avec des restrictions de vitesse pour les véhicules. L’EZ Sensor permet de couvrir 65% du parc de véhicules équipés de TPMS, et notre objectif est de porter cette part à 90% mi-2015. Ce sera toujours plus que nos concurrents, qui peuvent annoncer des taux de couverture plus importants, mais leur calcul est souvent biaisé. Il s’appuie non pas sur la quantité de véhicules équipés en circulation, mais sur le nombre de modèles équipés dans les gammes.

Pour vous fabricant, quel défi pose la conception d’un capteur « universel » ?

F.M. : Il faut pouvoir rentrer tous les protocoles des constructeurs dans les capteurs. Nous devons donc fixer des priorités en fonction des modèles du marché. Nous privilégions les nouveaux véhicules, parce que ce sont eux qui sont les plus susceptibles d’adopter des pneus hiver. Nous nous intéressons de fait moins à ceux dont les volumes sont faibles, ou dont les protocoles sont âgés de plus de 8 ans.

Pour un atelier, combien de références de capteurs et de kits de remplacement sont nécessaires pour couvrir son marché ?

R.D.M. : Les ateliers ne peuvent pas se permettre d’avoir 70 capteurs en stocks. Ils doivent se concentrer sur les véhicules les plus courants qu’ils voient passer. S’ils ont les bons outils, un tournevis et un clé dynamométriques, une quinzaine de kits, des capteurs universels, et une dizaine de capteurs d’origine doivent suffire.

Comment voyez-vous évoluer la technologie de vos capteurs à l’avenir ?

F.M. : Nos TPMS sont déjà très performants. Les nouvelles générations de capteurs seront probablement plus petits et les piles devraient durer encore plus longtemps.

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