Siligom : Vincent Lagrange, au nom des siens

Pourquoi aller chercher plus loin un bonheur à portée de main ? Telle était la réflexion de Vincent Lagrange il y a plus de vingt ans en entamant sa carrière. Peut-être était-ce même la réflexion d’une vie pour le Nordiste. La sienne a toujours été bercée par le son des cliquetis, l’odeur de la gomme et la rudesse de l’atelier. C’est dans cet environnement que le jeune Vincent a grandi et a trouvé son équilibre.
Comme tant d’autres enfants d’entrepreneurs acharnés, la société et la maison familiales ne faisaient qu’un chez lui. Déjà parce que la seconde jouxtait la première. Ensuite, parce que le quotidien rendait la frontière entre l’une et l’autre bien difficile. Voire impossible. Mais contrairement à d’autres, lui n’en garde ni déception, ni amertume. "Très sincèrement, c’était le bonheur. Chez nous, il n’y a jamais eu d’un côté la vie de famille, de l’autre celle de l’entreprise. On a toujours été portés par ce qu’on fait sans jamais ressentir un quelconque besoin de mettre des barrières."
Une harmonie qui tient peut-être dans l’histoire de ses aïeux. Car en prenant la tête de Lagrange Pneus en 2018, Vincent Lagrange a reçu en héritage un riche passé. Son entreprise a ainsi vu le jour en 1932 à Abbeville (80), là même où se trouve toujours le site principal, grâce à l’investissement de l’oncle de son grand-père.
Durant l’entre-deux-guerres, le boom de la production automobile en France comme ailleurs a fait naître quantité de spécialistes de la réparation et du pneumatique. Sentant le bon coup, Pierre Lagrange décide alors de monter son affaire dans le centre-ville de la sous-préfecture de la Somme.
De génération en génération
L’histoire est lancée, l’entreprise trouve son public et le succès ne s’étiolera jamais. Le grand-père puis le père ou encore l’oncle de Vincent prendront successivement la relève de leurs aînés. Le dirigeant s’est donc construit auprès d’eux sans vraiment se poser un jour ou l’autre de question sur son avenir. "Dans ma tête, c’était assez simple. Enfant, je traînais dans l’atelier. Adolescent, je donnais quelques coups de main. Alors, jeune adulte, au moment de choisir ma voie, tout s’est fait très naturellement", se rappelle-t-il.
C’est tout aussi naturellement qu’il réalise, durant son BTS, son alternance auprès des siens, et plus particulièrement aux côtés de son oncle. Alors gérant de Lagrange Pneus, ce dernier aura valeur de mentor, accompagnant la relève dans l’apprentissage du métier de pneumaticien et, plus globalement, de celui de chef d’entreprise. Officiellement intégré à la structure en 2004, le jeune homme fait ses armes et grandit dans un environnement qualifié de serein où "la bonne entente" a toujours été de mise.
Et c’est sans doute aussi l’une des grandes forces de cette épopée familiale : ne jamais avoir eu besoin de "tuer le père", intégrer les nouvelles générations sans les prendre de haut, miser sur le bien commun… Vingt ans plus tard, Vincent Lagrange est un patron bien dans ses baskets. La dernière succession, il y a sept ans, s’est passée comme toutes les autres. Sans perte ni fracas, dans le calme et la sérénité.
Véritable référence locale, son entreprise n’a jamais quitté Abbeville. On vient chez les Lagrange comme on va voir son médecin de famille. "C’est toute la force d’une entreprise de proximité, analyse le dirigeant. On a de nombreux clients qui ont connu mon grand-père ou mon oncle. Avec le temps, les enfants ou les petits-enfants de ces mêmes clients ont pris l’habitude de continuer à venir chez nous… Alors bien sûr, dans les années 1980 ou 1990, nous étions les seuls sur notre zone de chalandise. Avec le temps, la concurrence s’est développée, mais les liens très forts que nous avons toujours cultivés avec nos clients nous ont permis de pérenniser notre place."
Parmi les pionniers du réseau Siligom
Une place d’autant plus incontournable que Lagrange Pneus a dupliqué son modèle en 2018 avec l’ouverture d’un second centre en périphérie de la ville dédié à l’industriel (poids lourd et agricole). Une activité qui s’inscrit elle aussi, et peut-être même encore plus qu’en tourisme, dans une logique de service client.
"Typiquement, sur l’agricole, il faut être à l’écoute et se montrer très réactif. On a trois personnes qui se concentrent sur cette activité avec des astreintes de début avril à fin octobre et une disponibilité 24 h/24 pendant les moissons." Preuve que ce développement valait la peine, le poids de l’industriel n’a cessé d’augmenter ces dernières années jusqu’à atteindre aujourd’hui 60 % du chiffre d’affaires.
Mais la réussite du pneumaticien tient également dans d’autres paramètres. À commencer par un management fidèle à l’ADN de la société, c’est-à-dire familial et proche des équipes. Résultat, même si Lagrange Pneus manque de compétences comme partout ailleurs dans le secteur, son effectif est stable, rendant de fait le quotidien plus facile à gérer avec des collaborateurs qui maîtrisent leur sujet.
Autre atout, l’entreprise peut compter depuis un quart de siècle sur le soutien du réseau Siligom. À moins que ce ne soit l’inverse ? L’oncle de Vincent a été parmi les premiers à rejoindre l’enseigne à la fin des années 1990. Depuis, les générations se sont succédé mais la conviction d’avoir fait le bon choix ne s’est jamais démentie. "Siligom est une famille qui rassemble des indépendants, résume-t-il. C’est très important pour nous. Ensuite, l’enseigne nous apporte de la reconnaissance, de la visibilité, un support en marketing et en communication, ou encore de nouveaux services."
Le dernier en date, GlassAuto, enseigne spécialisée dans le vitrage reprise au printemps 2023, a permis à Lagrange Pneus d’ajouter une nouvelle corde à son arc. Le centre d’Abbeville propose ce nouveau service depuis l’automne 2024, avec des résultats déjà intéressants à en croire la direction.
Voir plus grand avec Blard Pneus
En parallèle, le pneumaticien a aussi finalisé un autre développement, toujours avec l’appui de Siligom. Le 1er mars 2025, Lagrange Pneus a repris son homologue Blard Pneus, à Rouen (76). L’expérience d’un groupe multisite avait déjà été tentée par les aïeux de Vincent dans les années 1980 et 1990. Pour différentes raisons, l’activité s’est recentrée dans la Somme, mais l’idée n’a jamais réellement quitté les esprits des Lagrange. Siligom le savait bien et a été moteur pour inciter le dirigeant à sauter le pas.
"M. Blard partait à la retraite, cherchait un repreneur, et le réseau était intéressé pour que je reprenne." 2025 marque donc un tournant, vécu, une fois encore, dans la plus grande des sérénités. "Il va falloir relancer la machine, réaménager le site, faire quelques investissements, mais Blard Pneus est une belle affaire, et avec mon bras droit nous essayons d’être le plus présents possible en y venant deux fois par semaine."
Posé et méthodique, Vincent Lagrange ne laisse transparaître aucun doute. À vrai dire, les seuls qui l’animent sont au-dessus de lui. À 43 ans, il sait que son chemin professionnel sera encore long mais sa solide expérience du monde du pneumatique lui permet de poser un regard lucide sur celui-ci. Papa de deux jeunes filles de 9 et 12 ans, il n’est pas question pour lui de penser à une quelconque transmission. Ce qui ne l’empêche pas de partager ses interrogations pour le futur.
"Je ne sais pas ce que mes filles voudront faire plus tard et si elles souhaiteront prendre la relève. Mais quoi qu’il arrive, je me demande si c’est un avenir pour elles. Notre métier évolue fortement avec de nombreux défis à relever et le futur me paraît très compliqué." Le dirigeant continue néanmoins d’avancer en poursuivant l’écriture de l’histoire familiale. Il se pourrait bien que d’autres sites viennent renforcer Lagrange Pneus. "Je ne les cherche pas forcément, mais si d’autres opportunités se présentent, pourquoi ne pas les saisir…", conclut-il.
BIO EXPRESS
Vincent Lagrange, 43 ans
- Entre dans la société familiale.
- Succède à son père et ouvre un second site.
- Reprend Blard Pneus, à Rouen.
Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°191 de septembre-octobre 2025.
