S'abonner
Innovation

Le projet Bioproof sort de l'ombre

Publié le 25 janvier 2016

Par Alexandre Guillet
2 min de lecture

Libérer l'industrie française du caoutchouc de sa dépendance à la pétrochimie, et remplacer de façon durable les matières premières fossiles par des produits biosourcés ou recyclés, tel est l'ambitieux programme de Bioproof.

Dans la cadre du CFCP (Centre Français du Caoutchouc et des Polymères), un consortium d'une dizaine d'industriels se sont groupés -avec deux parrains de poids, Michelin et Hutchinson- et ont confié les recherches au LRCCP. Ce Laboratoire de Recherche et de Contrôle des Caoutchoucs et des Plastiques, totalement indépendant, emploie 40 chercheurs. L'étude Bioproof dispose d'un budget de 4,6 millions d'euros (dont 40% d'aides publiques) sur 5 ans et est découpée en 3 phases : 2013/15 recherche pure 100% confidentielle, 2016 essais et développement dans les filières industrielles, mi-2018 fin du projet. L'actuelle pléthore de pétrole à des prix historiquement bas ne remet pas Bioproof en cause, tôt ou tard, on en aura besoin... 

L'année 2016 marque donc la sortie au grand jour et la publication des premiers résultats. Ils portent sur 12 familles de matières premières testées, sur 66 identifiées, de 35 fournisseurs. Ils sont encourageants, avec des élastomères biosourcés proches des molécules pétro-sourcées, des charges biosourcées à partir d'amidon, de cellulose, lignine, biomasse, qu'on trouve dans les déchets alimentaires et les sous-produits de l'agriculture. Les plastifiants biosourcés sont en avance, l'interdiction des huiles aromatiques il y a quelques années ayant obligé les industriels à se ruer sur des huiles végétales de substitution.

 La seconde voie d'approvisionnement non pétrolier concerne le recyclage des pneus en fin de vie, 17 millions de tonnes chaque année dont 3,4 millions de tonnes en Europe. Des granulats de plus en plus fins (100 microns), peuvent être directement réutilisés, mais à un taux limité à 10-15%, l'autre solution étant le recyclage. La voie idéale est la dévulcanisation, qui vise à "casser" les seules liaisons soufre pour récupérer une gomme pure, mais on n'y est pas encore. On se contente de "casser" toutes les liaisons de façon aléatoire, c'est la régénération, mais les produits sont de moins bonne qualité. C'est aussi le cas pour les noirs de carbone recyclés, mais leurs performances baissent dans certains domaines (renforcement) : on peut tout de même en utiliser jusqu'à 50% dans certains produits neufs.

En revanche, il est plus facile de recycler les autres caoutchoucs "non pneumatique" (type EPDM), mais seulement pour produire un caoutchouc de même nature. En théorie, on pourrait même recycler à l'infini ces produits, mais la réalité fait qu'ils perdent un peu de leur "punch" à chaque renaissance...

L'année 2016 verra la poursuite des évaluations au LRCCP, la création de nouveaux produits et l'approfondissement de formules multi-matériaux, modifiés pour tirer un meilleur parti des nouvelles matières premières biosourcées ou recyclées. En même temps, les industriels commenceront chez eux des essais spécifiques, Bioproof entre dans sa phase finale.

Au passage, on a appris que les recherches tant médiatisées sur le guayule (Bridgestone) ou le pissenlit kazak (Conti) pour remplacer le latex d'hévéa étaient loin de toucher au but, avec seulement 20% de rendement et des prix encore trop élevés. En clair, personne n'a encore la solution miracle, la course continue...

Jean-Pierre Gosselin

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager : 

Sur le même sujet

cross-circle