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Manufacturiers

Continental à Daytona

Publié le 16 avril 2014

Par Jérôme Fondraz
12 min de lecture

Retour gagnant en compétition automobile

Depuis 1955, la course automobile était bannie de la stratégie Continental. On croyait ce dogme inébranlable jusqu’en 2010 où, via sa filiale américaine, le manufacturier de Hanovre a opéré une rentrée fracassante en compétition automobile. Il a complètement pris en charge le championnat d’endurance Grand-AM, des voitures proches de celles courant au Mans. Sans expérience préalable de la course, l’opération aurait été trop risquée sans la collaboration d’un petit manufacturier américain hyper spécialisé dans les pneus racing, Hoosier. C’est lui qui a guidé les ingénieurs de Continental, fabrique les pneus sur place et assure logistique et montage sur les circuits. Ecuries et pilotes ravis de la rapidité et la fiabilité des pneus racing Conti ExtremeContact, succès reconnu et bien exploité, image de Continental et ventes de pneus premium en hausse, tous les voyants étaient au vert lorsque le Grand-AM a fusionné avec un autre championnat, l’ALMS, American Le Mans Series. Il en est résulté en 2014 un « championnat unifié » USC, United Sports Car, mais le mariage des règlements a changé la donne technique. Les essais d’intersaison des nouvelles voitures ont donné lieu à des éclatements, Conti a fait l’admiration de tous en concevant et fabriquant en quelques semaines de nouveaux pneus parfaitement adaptés. Et tout était rentré dans l’ordre pour la première course 2014, les 24 Heures de Daytona, situation à nouveau idyllique sauf que Michelin, fournisseur de l’ALMS, est maintenu dans certaines catégories USC. Voilà le monopole Conti battu en brèche mais l’expérience accumulée pourrait lui permettre d’aller bientôt défier le Français dans sa chasse gardée, les 24 Heures du Mans...

Le 11 juin 1955, la Mercedes SLR du Français Pierre LEVEGH se désintégrait dans la ligne droite des stands des 24 Heures du Mans. Moteur, capot et aileron poursuivaient leur course folle dans une tribune bondée, fauchant de nombreux spectateurs. L’accident fit 84 morts et 120 blessés, et si l’épreuve ne fut pas interrompue pour éviter la panique et permettre aux secours d’arriver, les courses automobiles furent aussitôt suspendues en France et dans de nombreux pays, la plupart du temps pour quelques mois ou un an, sauf la Suisse qui ne leva l’interdiction qu’en 2007 !   Les deux Mercedes SLR encore en course – et en tête avec FANGIO-MOSS – furent retirées de la piste et repartirent dans la nuit pour Stuttgart, créant bien des rumeurs. Ainsi on ne put analyser épave et voitures restantes mais Mercedes fut blanchie par l’enquête officielle, l’explosion n’était pas due à un carburant secret mais à la combustion violente du magnésium des voitures et de l’essence.  

Un silence de 55 ans

Mercedes annonça dans la foulée qu’elle renonçait à la course automobile. Continental, son fournisseur de pneumatiques, le suivit immédiatement. A la réflexion, la décision de Hanovre était fort judicieuse car la société peinait alors à retrouver sa forme d’avant-guerre. Les usines détruites, les problèmes de matières premières et de personnel compliquaient la tâche d’une société en reconstruction, les budgets et les ingénieurs libérés des pneus de course seront mieux employés ailleurs pour accélérer le processus. Evidemment, la remontée rapide de Mercedes, d’ailleurs financièrement plus aidée par ses camions que ses voitures, était évidemment intéressante pour Continental, partenaire des prestigieuses « Flèches d’argent » depuis l’avant-guerre. Mais de toute évidence l’abandon de la compétition par Mercedes imposait de trouver un nouveau partenaire constructeur de premier plan... qui n’existait pas. Ferrari roulait avec Englebert, Maserati et Gordini aussi, les Anglais de Jaguar et Aston Martin ne jurant que par Dunlop, la cause était entendue.

Né dans l’urgence, le temps passant le concept est devenu dogme. Contrairement aux vues des techniciens qui affirment (toujours et encore) qu’on invente pour la compétition les pneus tourisme de demain, les financiers se réjouissent que les investissements aléatoires de la course soient employés ailleurs à coup sûr. La réussite « calme » de Conti montre qu’il existe une voie autre que les victoires en course pour monter progressivement en notoriété. La voie du pneu hiver sera royale pour montrer que la recherche technicienne permet de se forger une réputation de premium. Cette voie n’est pas non plus sans danger, très en avance sur la baisse de la consommation des PL, Conti se plantera avec des pneus pas encore au point...

Il faudra donc attendre la fin du 20ème siècle pour voir une inattendue et timide ébauche de retour à la compétition. Opportunément signalée par son équipe française, Conti reprend la fourniture de pneus du Trophée Andros, des courses sur glace fréquentées par d’excellents pilotes et juste abandonnées par Michelin ! La manoeuvre était habile et justifiée car Conti domine effectivement le marché du pneu hiver en Europe. Faire étalage de ses capacités était une opportunité à saisir, Michelin ayant mis un certain temps à maîtriser l’implantation et le collage des crampons de ces pneus très spéciaux pour voitures puissantes à 4 roues directrices. Pour Conti, ce fut un succès technique immédiat, avec dans la foulée la mise au point de pneus hiver sans clous pour les voitures de course électriques. Hélas, la réputation de l’Andros restant franco-française et sans retombées évidentes, Conti a discrètement stoppé sa fourniture de pneus.

Alors pourquoi ce retour en « vraie » compétition aux Etats-Unis 2010 ?

Être ou ne pas être premium ?

Dès la naissance de l’automobile, la course était le meilleur moyen de donner au public la « preuve » des progrès en vitesse et fiabilité des véhicules. Les pneumaticiens faisaient de même, on ne compte plus les affiches, articles et même cartes postales vantant les exploits des voitures, des carburants, lubrifiants, jusqu’aux carburateurs et éclairages... alors qu’il fallut attendre 1923 et les 24 heures du Mans pour des courses nocturnes ! Après la seconde guerre mondiale, la recomposition de la hiérarchie mondiale des manufacturiers a relancé l’importance de la compétition. Si la domination sportive de Dunlop n’était pas globalement contestée après-guerre, on devra bien admettre que Firestone l’a surpassé en Formule 1, avant d’être mis sur la touche par Goodyear. Dominateur, le n° 1 américain et mondial de l’époque servira de sparring partner à Michelin, qui le vaincra et parviendra à imposer sur ce créneau une technologie radiale qu’on supposait inefficace dans ce domaine. Tout le monde finira par imiter Bibendum et passer au radial, Michelin a gagné mais se fera éjecter par Bridgestone lorsque le Japonais mettra en oeuvre son plan de conquête mondiale du statut de premium. Tant que le duel existe tout va bien, restés seuls en F1 Michelin puis Bridgestone souffriront d’être fournisseur unique, position de tous les dangers : on se fait insulter en cas de problème, on ne parle pas de vous le reste de l’année ! Ecueil qu’évitera Pirelli en reprenant la F1 avec un système complexe de pneus s’usant plus vite, imposant des changements en course, et l’utilisation obligatoire de deux qualités de gomme. Cette garantie de spectacle et d’indécision dans les résultats n’est pas simple à gérer, mais Pirelli vient de re-signer pour 3 ans avec la FIA. En deux ans, son « press book » ridiculise ceux de son prédécesseur et l’image élitiste de Pirelli profite, plus que toute autre, de cet accrochage à la discipline n° 1 de la course auto.

De plus en plus nombreuses, ces situations de monopole s’imposent pourtant, essentiellement pour des raisons économiques. Si plusieurs manufacturiers se battent, il leur faut beaucoup de techniciens, au labo et sur le terrain, des écuries et des pilotes de développement, d’où d’énormes frais. Les autorités sportives restent favorables au mono-fournisseur, même si certains manufacturiers poussent pour conserver çà et là un affrontement avec leurs concurrents. Mais si Dunlop peut donner une réplique honorable à Michelin aux 24 Heures du Mans, qui donne une chance à D Mack ou Pirelli face à l’expérimenté Bibendum en WRC, Championnat mondial des rallyes ?  

Inévitable

Ces situations de monopole n’empêchent pas l’ascenseur premium de fonctionner, tout le monde le sait et investit dans le sport automobile. Aujourd’hui, il n’est pas une firme au monde – même les petits Asiatiques – qui n’ait pas de course automobile dans sa stratégie d’image et de notoriété, parce que ça marche ! Regardez les progrès de Hankook grâce au DTM, Kumho avec la F3, Yokohama en WTCC, mais considérez aussi combien Pirelli verrouille les championnats internes Ferrari ou Lamborghini, Michelin toutes les formules Renault ou Porsche Cup. Partout dans le monde, il existe de nombreuses formes de compétition automobile qui sont toutes investies par les manufacturiers. La compétition est aussi indispensable à ceux qui veulent progresser dans la hiérarchie que ceux qui y sont déjà bien installés. Ce n’est pas un hasard si, aux Etats-Unis, Firestone reste le fournisseur attitré de l’Indy Light (monoplaces) ou si Goodyear fête ses 60 ans de mariage avec la Nascar, les courses de berlines les plus populaires. Voir disparaître ces piliers du sport auto US serait une catastrophe pour ces marques, il n’est pas question de renoncer car ce serait dire « je n’ai plus le niveau de performance « pour ces voitures qui battent des records du tour à plus de 340 km/h … »   Car là est le second avantage de la compétition, elle fait réellement avancer la technique. Matériaux, gommes, architectures, tout doit être mis en oeuvre pour que telle voiture soit efficace à 400 km/h, sur la glace ou dans les déserts africains. Les ingénieurs sur le terrain remontent des demandes ultra-précises qu’il faut satisfaire au plus vite, le rythme des épreuves impose des améliorations rapides et parfois continues. Elles obligent à trouver des solutions particulières, dont on vérifie l’efficacité avant de les mettre à la disposition des ingénieurs qui travaillent sur les  pneus grand public, ce qu’on nomme le stockage des innovations « sur étagère ». Sans parler des pneus Nascar qui utilisent des puces RFID depuis des années (pour identification et éviter les trucages), les pneus moto à bandes de roulement à deux ou trois gommes sont nés sur les circuits des Grands Prix. Même si on peut progresser autrement, la course booste les techniques de façon certaine. A quel prix répliquent les financiers ? Pas autant qu’on ne le croit depuis la multiplication des formules avec pneumaticien unique exclusif, puisque les coureurs paient leurs pneus. Alors, et si le pneu racing était un marché plutôt qu’un mécénat ? Tandis qu’il hésitait à remplacer BS en Formule 1 avant de finalement déloger Dunlop du DTM en Allemagne, Hankook évaluait à 22 millions le nombre de pneus racing vendus de par le monde, « A d’excellents clients qui paient le prix sans rechigner et les usent très vite ». Bien vu. Même si elle reste coûteuse, la compétition à haut niveau est aujourd’hui un élément incontournable du statut de manufacturier premium.

La bonne réaction

Au plan mondial, Continental s’est engagé depuis longtemps dans une communication globale, universelle devrait-on dire, basée sur le football. C’est le sport le plus pratiqué sur la planète, régulièrement rythmé par de grands évènements, brassant aujourd’hui beaucoup d’argent, avec des vedettes mondialement connues, de véritables idoles dans certains pays. Le football est aussi un ascenseur social un peu partout dans le monde, apprécié pour cela et tout serait parfait s’il ne souffrait aux Etats-Unis d’un grand déficit d’image. En dépit de performances internationales souvent de bon niveau, le « soccer », football « européen » n’a pas la cote. Face aux prestigieuses équipes de foot américain, basket-ball ou base-ball, le « soccer » reste un sport de second ordre, plutôt pratiqué par les émigrés, Italiens au départ et Latinos plus près de nous. Qu’on ne s’y trompe pas, les « monospaces » sont là-bas des véhicules bas de gamme, ironiquement destinés aux « ma soccer », les mamans qui emmènent au terrain de foot une partie de l’équipe de leurs enfants !

Ce trou d’air n’a pas échappé à l’équipe de Continental Tire qui cherchait justement à développer aux Etats-Unis son image dans le segment du haut de gamme ! Autrement dit, les sommes investies dans le foot avaient peu de chance de booster à terme les ventes de pneus haut de gamme, d’où la demande polie à Hanovre de trouver autre chose de plus efficace, la course automobile par exemple !

Ce que le complice historique, Mercedes, avait fait graduellement, en motorisant Sauber et la F1 avant de recréer des flèches d’Argent, cette fois pilotées par Michaël SCHUMACHER.

Voilà comment, en 2010, près de 55 années d’abstinence, la raison et l’efficacité ont gagné, le dogme a volé en éclat. Très logiquement, Continental a pris en charge à 100 % l’un des deux championnats US d’endurance, le Grand-Am et ses curieuses voitures. Afin de favoriser les constructeurs locaux de châssis, qui disposent de nombreux moteurs de course performants et pas chers, le règlement est assez souple. Ainsi on sera étonné de retrouver des Corvette issues de la berline de série mais aussi des Corvette Prototypes Daytona dotées de moteurs en position centrale arrière !

Techniquement, il n’y avait aucune difficulté pour Continental. En effet, la recherche de pneus hyper sportifs pour les Super Cars du marché, avait accouché de pneus capables de 400 km/h, testés avec succès à Nardo : à Hanovre on était prêts. Mais sur place ? L’astuce a été de confier l’exploitation à un spécialiste américain, Hoosier. Fondée en 1958, cette petite compagnie de l’Indiana était à la base un rechapeur. A partir de 1963, il devint un manufacturier exclusivement producteur de pneus racing pour les multiples compétitions, des dragsters aux Midgets des courses en cendrée. Sa réputation grandissant, elle passa au Nascar (tourisme), à l’IMSA (sport prototypes), et devint le « poil à gratter » des grands manufacturiers : on se souvient de la saison Nascar 1988 où elle domina Goodyear avant que le n° 1 ne « mette la gomme » pour reprendre l’avantage (Voir Le Pneumatique n° 1 !). Les ingénieurs venus de Hanovre ont donc réalisé leurs moules et organisé la production chez Hoosier, dont l’équipe assurait logistique et montage sur les circuits sous les couleurs Continental Tire.

Nouveau départ à Daytona 2014

Prendre en charge un Championnat à 100 % est une bonne solution mais pas sans contraintes ! D’abord il faut créer 2 familles de pneus, une pour les prototypes, l’autre pour les GT, prévoir plusieurs dimensions, au moins deux qualités de gomme plus une gamme « pluie » qui doit être testée. Tout s’est très bien passé, les écuries étaient ravies du service offert par Conti qui a opportunément baptisé son pneu racing ExtremeContact, le nom d’un pneu haut de gamme all season, un des best-seller de Conti aux Etats-Unis. Au fil des épreuves, la routine s’installe, Conti « fait partie des meubles » en Trans-Am lorsque l’ensemble du Championnat décide de fusionner avec l’autre Championnat d’endurance, l’ALMS, American Le Mans Series. Cette fusion en un Championnat unique United Sports Cars, sponsorisé par Tudor, relance l’intérêt du public, la première course – les Tudor 24 (heures) – a rassemblé 60 000 personnes et 67 voitures à Daytona, il y a longtemps (7 ans !) qu’on n’avait vu une telle affluence ! Restait à modifier les règlements techniques pour que ces voitures, visuellement proches mais différentes sur bien des points, puissent rouler ensemble, et éventuellement traverser l’Atlantique pour participer aux 24 Heures du Mans. Parmi les modifications proposées, celle concernant l’aérodynamique allait booster les performances des DP, Daytona Prototypes, bien plus rapides qu’auparavant. Sauf que lors des essais préliminaires deux Corvettes se sont envolées après un tête-à-queue, lui-même provoqué par des problèmes de pneus, déchapage et éclatement. Les essais aussitôt arrêtés, Conti a pris les choses en main. Bruce FOSS, Product manager (responsable de l’équipe terrain) raconte : « Du fait des virages relevés et la vitesse augmentée dans le « banking », les charges aérodynamiques améliorées ont créé une pression supplémentaire de 2800 livres sur les pneus, qui ne pouvaient résister longtemps à ce traitement. Nous avons aussitôt réagi et résolu le problème dans les plus brefs délais ». Modeste, Bruce FOSS ne dit pas quel tour de force Conti a réalisé en concevant en une semaine 17 modèles alternatifs, dont deux ont été retenus et testés dans les 10 jours suivants. Ouf de soulagement des concurrents, les nouveaux pneus tiennent parfaitement le coup, Conti s’est comporté en « Grand patron » de la compétition, justifiant de belle façon un monopole rassurant, mérité sur le plan technique et pas seulement acheté.. Principale modification ? En l’absence de John DESALLE, responsable de l’ingénierie de Conti Tires, Bruce FOSS ne se fait pas prier : « Nous avons renforcé les nappes sommet, d’abord avec une double ceinture acier, mais si la résistance était satisfaisante la production interne de chaleur était trop importante. Nous avons préféré une ceinture unique en nylon, qui offre autant de résistance et ne chauffe pas ».

Une mini équipe

A Daytona, épreuve phare de l’année, Conti doit fournir des pneus aux 67 concurrents du Rolex 24, course principale de 24 heures, mais aussi aux participants d’une course spécifique de lever de rideau, le Continental Tire Sports Challenge (2,5 heures de course maxi). Il lui faut donc mobiliser 17 semi remorques pour apporter 12 000 pneus, 7 200 slicks et 4800 wet (mouillé). C’est plus de deux fois le volume d’une course ordinaire, 5 500 pneus, avec 85 personnes dans l’équipe au lieu de 20/25 d’habitude. C’est qu’une course de 24 heures peut réserver des surprises, Bruce FOSS annonce qu’en temps normal il ne se déroule pas plus de 2 minutes entre la roue usée qui arrive et son départ, chaussée à neuf et équilibrée, pression à 2,5 bars à ajuster ensuite aux désirs du pilote ! Sauf qu’en cas de « presse » extrême, on est déjà grimpé à 240 montages/heure ! L’installation comprend 3 lignes principales, 100 % équipées de matériels Hunter reliés par des convoyeurs à rouleaux, servies par un personnel parfaitement rôdé pour synchroniser l’arrivée du pneu usé avec celle du neuf, sorti de magasins pas forcément proches. Une seule voiture disposait cette année d’une faveur, la Delta Wing dont les pneus étaient stockés juste à côté du montage. Avec ses pneus étroits de 120 mm de large à l’avant, en 15 pouces, et ses 285 mm en 18’’ « normaux » à l’arrière elle aurait pu compromettre le classement des pneus en attente et provoquer quelques erreurs, on l’a mise à part. Cette voiture expérimentale – très rapide, conduite par Katherine LEGGE, à 1 sec seulement   de la pôle position – ayant été auparavant chaussée par Michelin et Bridgestone, comment a opéré Conti : « On n’allait pas refaire une étude à chaque fois, précise Bruce FOSS, entre manufacturiers on s’est transmis les données ». De même, tout ce qui peut être simplifié l’est : « On a deux types de gommes, une pour les protos, l’autre pour les GT. Pour la sécurité on a deux types de pneus, un pour les ovales avec virages relevés, Daytona, Indianapolis, et parfois Kansas, un autre pour les circuits routiers ». Le développement ? « Hormis celui imposé par le changement de réglementation, on n’en a plus besoin. C’est l’avantage d’être manufacturier unique, on ne va pas tout casser et dépenser des fortunes pour gagner un dixième de seconde ». Et pouvoir faire deux relais au lieu d’un ? « Aucun intérêt, nos pneus peuvent faire 25 tours à Daytona, et comme on ravitaille tous les 22 tours on a le temps de changer les pneus pendant le plein, sans rien perdre. L’important est que tout le monde dispose du même pneu, et que la qualité soit constante d’un train à l’autre ». A propos, combien coûte-t-il ? « 2000 dollars le set de 4 pneus montés, prix stable et définitif ». Et l’adaptation des pneus aux véhicules, suspensions et aérodynamique ? « Pas besoin non plus, conclut Bruce FOSS, nos concurrents sont suffisamment bons techniciens pour trouver les réglages convenant à leurs voitures, regardez les temps progresser entre les séances d'essais...".

C'est bien parti

Continental a donc joué et bien joué en reniant fort à propos ce qu’il a adoré pendant 55 ans. Au prix d’un investissement limité, et avec beaucoup d’astuce, il a vite acquis une vraie légitimité dans le petit monde du pneu de haute compétition. Alors que l’engagement dans le football le desservait, grâce à la course son image s’impose en haut de gamme, entraînant des ventes UHP en énorme croissance, de 23 à 31 %. Dans la durée, Conti s’inscrit parfaitement dans la philosophie à long terme du sport automobile américain, qui multiplie les monopoles, non seulement dans le pneumatique mais aussi pour les châssis et les moteurs. En découle une baisse drastique des coûts qui permet aux petites écuries de vivre et de rouler pas trop loin des plus nanties. Cette formule du relatif nivellement, imposé pour plus de « sport spectacle », choque un peu la conception européenne de la course pure et dure, la seule qui permet de progresser. Ce débat de fond risque de rattraper Conti et l’USC car une catégorie présente à Daytona, les GT Le Mans, était chaussée par Michelin. C’est le reliquat d’un contrat ALMS, qui assure une liberté totale en matière de pneumatiques, qui oppose cette année en GTLM Michelin à Falken. A Daytona, seul le Français était présent mais il ne le sera plus à Sebring (en mars) et, peu habitué aux strapontins, il plaide pour une ouverture totale de l’USC. Il n’est pas sûr qu’il soit écouté mais, a contrario, fort de ses bons résultats en terre américaine, Conti pourrait-il aller chatouiller Michelin dans son pré carré, Le Mans ? « Ce n’est pas dans nos projets, répond Bruce FOSS, tout sourire car il attendait la question, tout dépend de nos clients USC. S’ils veulent un jour y aller, il faudra bien les suivre... ».

En attendant, grâce à son engagement sportif Conti cartonne au plan commercial. L’usine de Mount Vernon, Illinois, ne suffit plus, on a inauguré le 28 janvier, deux jours après Daytona, une nouvelle unité à Sumter, en Caroline du Sud. Plus proche du siège social de Fort Mill, au prix d’un investissement de 500 millions de dollars, construite en 2 ans sur un million de mètres carrés, elle emploiera 1600 personnes pour produire 5 millions de TC4 à l’horizon 2017 et 8 millions en 2022. Un programme alléchant mais qui doit beaucoup à la petite et très performante équipe compétition. Le vainqueur 2014 du Rolex 24 de Daytona, à 166 km/h de moyenne, Joao BARBOSA (avec le Français Sébastien BOURDAIS) n’était-il pas celui qui, quelques semaines plus tôt, s’était envolé avec sa Corvette ?

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