Du tout-terrain au tout public
La popularité des SUV et des crossovers ne cesse de croître. Pour séduire un public toujours plus large, ils gagnent tous les segments et toutes les bourses. Mais les différences s’estompent avec les berlines dont elles s’inspirent. Les manufacturiers ne s’y sont pas trompés. Leurs offres de pneus SUV ne couvrent pas des dimensions, pourtant recommandées par les constructeurs pour leurs derniers modèles. Les gammes de pneus tourisme prennent alors le relais. Une étude sur un éventail de dimensions parmi les plus vendues sur le marché français confirme ce rapprochement.
Les SUV contredisent la théorie d’un désamour automobile. Tous les constructeurs exploitent désormais le potentiel commercial de ces véhicules polyvalents, qui s’incrustent dans tous les segments.
Apparus d’abord aux Etats-Unis et déclinés à partir de pick-up, les SUV ( Sport Utility Vehicle) ont fait leur apparition en Europe à la fin des années 90 grâce aux allemands, avec le Mercedes Benz Classe M d’abord, suivi du BMW X5. Ils se sont ensuite démocratisés avec le Toyota Rav4 d’abord et le Nissan Qashqai dans les années 2000. Pourquoi cet engouement ? Les explications sont plurielles. Pour les uns, ce sont des 4x4 moins énergivores sur la route.
Pour les autres, ce sont des voitures à la fois urbaine et rurale, qui conviennent à leur style de vie. « La révolution au départ, c’était d’offrir un véhicule routier qui avait 4 roues indépendantes, et qui convienne à l’Europe, un marché où il était difficile de proposer un véhicule fabriqué sur la base d’un pick-up. Le BMW X5 a été le premier à proposer cette polyvalence », explique Dominique Aimon, Directeur de la communication technique de Michelin. Les conducteurs apprécient le centre de gravité élevé, qui leur permet de dominer la route du regard. Les dimensions plus généreuses de ces véhicules renforcent leur sentiment de sécurité et celui des passagers. Ils bénéficient de plus d’espace pour eux et d’une grande capacité de rangement. La clientèle apprécie leur motricité. Les constructeurs généralistes ont vite compris que ces arguments valaient leur pesant d’or. Ils ont tous sans exception intégré progressivement cette catégorie de véhicules dans leur gamme. « Une voiture avec des grands diamètres de jante et 4 roues indépendantes procure un sentiment de grand confort. Il absorbe mieux les petits obstacles et le fait de dominer la route est sécurisant », ajoute Dominique Aimon.
Les SUV sont généralement des déclinaisons de modèles existants avec une garde au sol rehaussée et un passage de roues agrandi. Ils sont plutôt SUV quand ils sont conçus sur des plate-formes de 4x4 ou de monospaces, et plutôt crossover quand ils tirent leurs gènes des breaks et des berlines. La transmission intégrale qui était un atout majeur des premiers SUV, est devenue progressivement une simple option, en raison de la pression exercée par les États sur les véhiculés énergivore au milieu des années 2000. Les acheteurs, qui sont aussi des citadins, se contentent désormais de modèles à 2 roues motrices. Ils roulent le plus souvent dans un environnement urbain. C’est pourquoi, les SUV tout-terrain qui pouvaient auparavant dépasser les 2 tonnes, sont devenus ce qu’il conviendrait mieux d’appeler des crossovers tout-chemin, ne dépassant pas 1,7 tonne à vide. Ils se déclinent aujourd’hui dans tous les segments, B (Renault Captur, Nisssan Juke,Chevrolet Trax, Ford Ecosport, Peugeot 2008, Audi Q3, Ford Kuga, Citroën C4 Aircross et Cactus), C (Nissan Qashqai, Renault Koleos, Peugeot 3008, Range Rover Evoque, Volswagen Tiguan, Audi Q5, BMW X1), D et supérieurs (Hyundai Santa Fe, Volvo XC 90, Audi Q7, Porsche Cayenne, Mercedes ML/GLE, Volkswagen Touareg, Nissan XTrail). Le BMW X6 se positionne comme un coupé SUV, une déclinaison qui se retrouve aussi chez Mercedes-Benz (GLE Coupe) et bientôt chez Audi dans sa famille TT. L’évolution de la gamme Dacia, la marque à bas coût de Renault, illustre cette tendance forte. Son modèle Sandero est devenu le crossover Stepway pour répondre rapidement à la demande d’une garde au sol plus élevée, tandis que le Duster se positionne comme un SUV, légèrement plus spacieux. Le premier est vendu 11 000 euros et le second 12 000 euros. Derrière le volant, les différences sont quasiment imperceptibles.
Un avenir radieux
Au niveau mondial, les SUV représentaient 18% de la production de véhicules légers en 2012. Cette part devrait atteindre 20% en 2018 selon PriceWaterHouseCooper. Elle est aujourd’hui la plus importante sur le segment C (43%, soit un peu plus de 6,3 millions de véhicules en 2013), devant les segments E (29%, 4,1 millions), D (16%, 2,3 millions), B (9%, 1,2 millions) et F (3%, 350 000), selon des estimations 2014 fournies par Inovev. Les projections de IHS Automotive indiquent que les ventes de SUV devraient encore augmenter de 32% d’ici 2020, pour atteindre 4,93 millions d’unités, dopés par la croissance chinoise. Le segment A ne sera pas épargné, comme le démontrent Volkswagen avec le Taigun attendu pour bientôt, et Citroën qui a présenté au dernier Mondial de l’Automobile un concept C1 Urban Ride pour chasser sur les terres du Mini Countryman. Car pour les constructeurs, ces silhouettes sont les seules à résister en temps de crise. Elles ont même conquis près de 20% des grands marchés européens. En 2014, sur le Continent européen, près d’un véhicule neuf vendu sur cinq est un SUV, alors que ce rapport était encore de un sur 10 en 2008. Ce taux est similaire dans la plupart des grands marchés à quelques différences près. Il est légèrement inférieur en Allemagne (18% de SUV), et légèrement supérieur en Espagne (21%). Mais c’est en France que les SUV ont la part de marché la plus importante, selon Inovev, soit 23% des ventes de véhicules légers (61% de voitures compactes et berlines, 13% de monospaces). Ce sont les Renault Captur, Nissan Qashqai et Peugeot 3008 qui se partageaient le podium en 2013. Sur ces plus de 400 000 ventes l’année dernière, celles des SUV sur les segments C et B sont les plus nombreuses. En comparaison, aux Etats-Unis, les ventes de SUV (31% en 2013) se concentrent sur le segment E, loin devant celles des segments C et D. En Asie (19% en Chine en 2013), c’est le segment C qui domine, devant les ventes des segments D, E et B.
Tous les segments sont porteurs
Les petits crossovers connaissent même un dynamisme exceptionnel, en Europe de l’Ouest. Leurs ventes ont encore augmenté de 89% au premier semestre 2014 pour atteindre les 390 000 unités selon JATO Dynamics et elles devraient passer la barre du million en 2020 pour IHS Automotive. Les salons automobiles reflètent ce succès commercial à chacune de leurs éditions. Au dernier Mondial de Paris, on pouvait voir le nouveau Cit roën C4 Cactus et un DS6 WR, en plus du concept C1 Urban Ride sur le stand de la marque aux chevrons. Peugeot exposait un concept Quartz remarquable, qui pourrait redonner des ailes au 3008. Volkswagen avait lui décliné sa Golf VII en Golf Alltrack, tandis que Fiat lançait le 500X, pour succéder au Sedici. Les SUV premium se portent bien également. Ils devraient avoisiner les 890 000 unités vendues en Europe l’année prochaine, augmentant de 4,7% par rapport à 2014, selon LMC Automotive. Même Bentley a confirmé le lancement de son premier SUV pour 2016, pour concurrencer les Mercedes- Benz GLA, Porsche Cayenne et Macan, Maserati Levante, et peut-être le Lamborghini Urus, dont la commercialisation est envisagée pour 2018.