Michelin : Florent Menegaux en appelle au sursaut de l'industrie européenne

Face aux acteurs de la filière automobile, Florent Menegaux n’a pas mâché ses mots : "Si on s’endort, on est mort !" Le patron du groupe clermontois estime que l’industrie européenne, et plus particulièrement le secteur du pneumatique, se trouve aujourd’hui dans une impasse. "Nous faisons face à une concurrence de très haut niveau, pas seulement sur les coûts, mais aussi sur la qualité et l’innovation", a-t-il rappelé.
Pour Michelin, les droits de douane fluctuants et la multiplication des contraintes réglementaires créent un environnement industriel erratique, dans lequel la compétitivité devient un exercice d’équilibriste.
Des règles environnementales déconnectées de la réalité du terrain
Florent Menegaux ne remet pas en cause les objectifs climatiques, mais la manière dont ils sont freinés par la loi. Il cite notamment le report du règlement sur la déforestation qui vise à interdire le caoutchouc ayant contribué à la dégradation des forêts, alors que le manufacturier avait préparé chaque élément nécessaire à la traçabilité. Il regrette aussi que la norme Euro 7, censée mesurer l’abrasion des pneus, "ne reflète pas la réalité de l’usage" à cause d'une méthodologie de calcul inadaptée.
Selon lui, ces mesures risquent de pénaliser les acteurs européens sans réellement servir l’objectif écologique : "Elles créent de la complexité là où nous avons besoin de cohérence."
Compétitivité industrielle : la France en première ligne
Le poids de la France dans l’équation Michelin reste pourtant considérable : 8 % du chiffre d’affaires, mais 16 % des effectifs et des impôts, répartis sur 14 sites industriels. Problème : plus de la moitié de ces usines tournent en sous-capacité, et 75 % de la production sont exportés. "Si je protège un outil qui n’est pas compétitif, j’accélère sa dégradation", prévient le dirigeant, tout en affirmant qu’aucune fermeture n’est à l’ordre du jour.
Le site de rechapage d’Avallon (Yonne) illustre parfaitement cette tension : il ne tourne qu’à 40 % de sa capacité, faute de débouchés face à des pneus asiatiques neufs vendus moins cher que des enveloppes rechapées. Un paradoxe pour une activité pourtant centrale dans la stratégie de circularité du groupe.
Rompre avec la spirale des "prix bas"
Pour Florent Menegaux, l’erreur serait de s’aligner sur le modèle asiatique des prix cassés : faire des produits de plus en plus qualitatifs à des coûts de plus en plus contraints.
Une logique qui, selon lui, appauvrit la chaîne de valeur et détruit des emplois à long terme. Le président de Michelin plaide pour un modèle fondé sur la montée en compétences, la qualité et la rémunération juste : "Nous devons rompre ce cercle vicieux et revaloriser le travail industriel."
Réhabiliter l’industrie et reconstruire un dialogue
Le patron du Bibendum déplore un manque d'esprit d'équipe à l'échelle de la France et a fortiori de l'Union européenne : "Les mondes économique et politique sont trop disjoints pour construire une vision commune." Au nom de tous les membres de son écosystème, il appelle à une coopération plus étroite entre les entreprises, les pouvoirs publics et les territoires pour redonner à l’industrie automobile un cadre stable et durable qui tirera l'ensemble de la filière vers le haut.