En immersion pour l’UltraGrip 9
Goodyear a ouvert les portes du GIC*L, son centre européen de Recherche & Développement situé au Luxembourg, pour marquer le lancement commercial dans les points de vente de la neuvième génération de son pneu hiver. Cette « première » fut l’occasion de découvrir les nouvelles technologies mises en Tmuvre lors du développement des produits, de la fabrication des prototypes aux essais sur piste. Visite guidée.
La chaleur de septembre ne permit pas d’apprécier ses qualités en conditions réelles. Le thermomètre affchait un 15°C bien loin des préoccupations d’un pneu hiver, qui fait la différence en-dessous de 7°C. Mais sur les pistes du GIC*L, les ingénieurs de Goodyear voulaient démontrer le niveau de performance du nouvel UltraGrip 9 lors de tests sur chaussée époxy mouillée, sur le plat pour le freinage et la reprise d’adhérence, ou en pente pour la traction et le contrôle latéral, en le comparant à des pneus concurrents, ou à des pneus été. Pour le reste, il fallait s’en remettre aux tests de TÜV SÜD Automotive réalisés en janvier à St-Moritz en Suisse et de l’Argus à Tignes en février, qui ont pu évaluer les qualités sur la neige de l’UltraGrip 9 (UG9) en dimension 195/65 R15 sur une Golf VII. Sans citer les concurrents, Goodyear déclare que les résultats de l’organisme allemand étaient sans appel : la voiture équipée de l’UG9 freinait plus court et accélérait plus vite sur la neige de 4%, et que sa résistance à l’aquaplaning en ligne droite sur route mouillée était supérieure de 8%. Pour le magazine français, ils ont montré une domination du nouveau pneu hiver de Goodyear sur les critères du freinage (ex-aequo avec l’UG8) et du comportement sur route enneigée, par rapport aux Continental WinterContact TS850, Michelin Alpin 4, Bridgestone Blizzak LM32, et à son prédécesseur, UltraGrip 8 (UG8). Pas vraiment étonnant. Chaque nouvelle génération de pneumatiques se doit de surpasser la précédente. L’araignée présentant les critères de performance et comparant les niveaux atteints par les pneus UG8 et UG9 atteste d’une domination générale sur les 12 qui ont été retenus. Elle illustre à la fois le cahier des charges et les progrès réalisés d’une génération à l’autre. Ils sont les plus importants dans les domaines du freinage, à la fois sur sols sec et mouillé, et surtout de la résistance au roulement. Clairement, les notes de l’étiquette devaient progresser d’une génération à l’autre en matière d’effcacité énergétique et d’adhérence sur chaussée mouillée. Elles seraient davantage prises en compte par les acheteurs, malgré leur faible pertinence scientifique (les pneus hiver sont notés dans des conditions été). L’enjeu est important. Le marché des pneus hiver a nettement progressé depuis 5 ans en Europe, plus particulièrement en Italie (27%), ainsi qu’en Allemagne et dans les pays nordiques, où les ventes de pneus été sont désormais dépassées (55-60% de pneus hiver). En France, celles de pneus hiver représentent 15% du marché du remplacement, contre 35% moyenne sur le Continent. Les ventes ont plus que doublé de 2008 à 2013, passant de 2,2 à 4,6 millions d’unités. Néanmoins, un pic aurait été atteint en 2011 et les ventes sont restées stables en 2012 et 2013. Elles devraient repartir à la hausse cette année, selon Clémence Roquigny, Brand Manager de Goodyear France, qui table sur « une augmentation de 5% par rapport à 2013 ».
Science de la neige
Le développement de l’UltraGrip 9 est le fruit de plus de deux ans de travail. C’est peu au regard des moyens mobilisés : plus de 10 000 heures de travail, près de 200 collaborateurs impliqués à un moment ou à un autre dans la conception du produit. Parmi eux, des Docteurs en Chimie, en Physique, en Mathématique, des chercheurs, des ingénieurs, des designers, des essayeurs, etc. Ils ont passé au crible quelques 50 critères, réalisés 10 000 modèles et testés 70 combinaisons différentes de construction, de dessin et de gommes. Goodyear a également examiné plus d’une dizaine de pneus de la concurrence, pour s’assurer des niveaux de performance à atteindre pour tenir son rang. La recherche fondamentale devient nécessaire à ce stade. Pour progresser dans la conception du pneu, les ingénieurs doivent pouvoir expliquer au plus près la physique complexe qui régit l’adhérence des pneumatiques sur la neige ou sur la glace. Leurs observations doivent servir à établir des modèles numériques fiables du pneu et de la neige, grâce au concours des Universités du Luxembourg et d’Alto (Helsinki) en Finlande, ainsi que de l’IRSTEA à Grenoble. Cette modélisation dynamique en est encore aux prémices de son développement, mais elle ouvrira de nouvelles perspectives, selon les ingénieurs du GIC*L. Pour l’UG9, les résultats de ces recherches auraient été prises en compte pour définir la densité des lamelles, leur orientation, le développement de la nouvelle gomme et les performances à viser. Mais, parce que la neige est constamment changeante, et que le répétabilité des tests n’est jamais vraiment homogène, les phases de tests pour les pneus hiver de Goodyear se déroulent à plusieurs endroits du Globe, aux États-Unis, en Chine, en Finlande ou en France, ou pour l’hémisphère sud, en Nouvelle-Zélande. De son côté, le studio de design de Goodyear a travaillé près de 9 mois et produit 26 propositions de dessins de bande de roulement au crayon « pour sauvegarder l’émotion », souligne Sébastien Fontaine, directeur du Design. Pour chacune, un processus de sélection en a retenu 5 dans un premier temps et 3 autres dans un second, qui seront finalement modélisées et testées ensuite. Au mur, deux bandes longues de plusieurs mètres retracent l’évolution graphique des deux bandes de roulement au dessin directionnel de l’UG9.
Car il en a été décidé ainsi. La recherche de performances optimales et d’une usure homogène de la bande de roulement ne pouvait s’accomplir que de cette manière. A partir d’une largeur de 185mm de la bande de roulement, les ingénieurs, qui ont commencé par travailler sur la dimension 205/55R16, ont estimé que pour pallier la baisse du nombre d’angles en contact avec le sol, une rainure centrale permettrait d’ajouter plus d’arêtes. La limite de 185 a été décidée à la suite de vérifications en sessions de tests et étendue apparemment à 195. La taille 195/65R15 reste néanmoins une dimension charnière et, les constructions étant différentes en 91T, elle serait plus performante sans rainure (idem pour la dimension 175/60R15 81T). La structure de la carcasse diffère donc selon les dimensions, les indices de charge et de vitesse. Pour les pneus rapides, une nappe sommet plus souple réduit ainsi la résistance au roulement et améliore le confort de conduite. La densité des lamelles sur la bande de roulement directionnelle est élevée, comme il se doit pour un pneu hiver. Goodyear a innové avec des lamelles 3D Bis, en forme de gaufre. Elles sont situées sur les blocs des épaules et renforcent leur ancrage mécanique en phases de sollicitation. Un atout pour le freinage avant d’aborder un virage. Au total, Goodyear a prévu 35 dimensions pour l’UltraGrip 9, dont 33 sont déjà disponibles depuis mai dernier. Les tailles 205/60R15 en indices 91H et 91 T arriveront en 2015. La gamme devrait donc être moins large que celle de l’UltraGrip 8. Car pour l’instant, Goodyear n’a pas prévu de remplacer 6 dimensions qui ont tendance à décliner sur le marché français (165/70R13 79T, 165/65R14 79T, 175/70R13 82T, 185/70R14 88T, 155/70R13 75T, 215/65R16 98T).
8000 formulations
La qualité de la gomme joue également un rôle prépondérant dans le développement d’un nouveau pneumatique. L’UG9 comprend 17 ingrédients : de la matière première (caoutchouc naturel et synthétique), des charges renforçantes (comme de la silice ou du noir de carbone), des plastifiants (huiles végétale et minérale), des agents anti-vieillissement (anti-oxydants) et de vulcanisation (soufre). Lors des mélanges des gommes hiver, les ingénieurs surveillent particulièrement 2 propriétés clés que sont la dureté (sous l’effet de la température) et la génération de chaleur (sous l’effet de la sollicitation). Ils font en sorte que la gomme ne durcisse pas trop, malgré l’antagonisme de ces exigences. Car à 7° et en dessous, une gomme classique va connaître une phase ascendante de dureté. En introduisant des plastifiants, il est possible de repousser ce processus. Ce sont des huiles d’origine végétale, comme le Tournesol, et aussi minérale. Un grade spécial dont la composition reste évidemment bien secrète, a ainsi été mis au point pour l’UG9. Au final, sa gomme s’avère plus souple que l’UG8 à basse température et plus rigide lorsqu’elle oscille entre 5 et 10°C.
Prototypes à la chaîne
Malgré les progrès de la simulation par ordinateur, la réalisation de prototypes reste une étape obligée afin de pouvoir ensuite les tester en dynamique. Dans le cas de l’UG 9, il a fallu en concevoir près de 3 000 au sein du laboratoire d’innovation et de prototypage (IPL), pour mettre au point la gamme. C’est là qu’ils sont fabriqués. Les travaux concernent tous les composants structurels du pneu, comme la gomme, les renforts, les matériaux de la structure radiale, le talon, etc. Les ingénieurs travaillent avec Catia V5 pour tester et évaluer toutes les nouvelles technologies, visualiser la forme de l’empreinte sur le sol, qui doit être plus carrée pour accroître ses performances sur sol sec et plus ronde pour mieux résister à l’aquaplanage. Goodyear a également levé le voile sur une machine inédite de production de prototypes. Il l’appelle FETA (Flexible Experimental Tire Assembly). Elle est entièrement automatique pour toutes les étapes de la fabrication, de l’application des premières gommes intérieur et d’étanchéité, à celle de la bande de roulement. Le robot qui porte le tambour sur lequel le pneu va prendre forme, circule sur un rail devant 14 stations différentes. A chacune, son opération spécifique (pose du talon et de l’Apex, application du chauffer, de la gomme des flancs, des ceintures radiales, des bandelettes de la bande de roulement après extrusion, etc). La valeur ajoutée de la FETA réside aussi et surtout dans sa flexibilité. L’opérateur est en mesure de modifier les paramètres et d’effectuer des réglages à chaque étape pour optimiser encore le prototype. Le temps de cycle n’a pas été donné. Il est évidemment un peu supérieur à celui d’une machine utilisée pour la production en série. Le pneu encore lisse est ensuite cuit dans un moule pendant une dizaine de minutes à 160°C. Au centre une vessie gonflée à 1 bar au début verra sa pression s’élever à près de 20 bars pour imprimer le dessin du moule sur la bande de roulement. Une fois cuit, un convoyeur emporte directement le pneu, qui sera ensuite inspecté et nettoyé, puis son équilibrage sera vérifié.
A l’épreuve des pilotes
Chaque prototype doit être testé par les pilotes de Goodyear. Leur contribution est cruciale pour apprécier les pneumatiques en conditions de roulage appuyé, afin d’évaluer combien ils contribuent à rendre la direction plus précise, et s’ils transmettent fidèlement l’effort au volant. Dans les virages, ils testent la rigidité latérale, la linéarité de la réponse, le décrochage du train avant, ou du train arrière, etc. Tout est noté, comparé. Rien n’est laissé au hasard. C’est ainsi qu’on reconnaît la signature d’un grand manufacturier. Pour améliorer la résistance à l’aquaplanage des pneus, les ingénieurs de Goodyear ont eu l’idée d’installer une « glass plate ». Sous une vitre épaisse situé sur la piste, une caméra est en mesure de capturer une photo instantanée d’un pneu roulant à grande vitesse sur un film d’eau. Cette image de l’empreinte est analysée en temps réel. Il est alors possible de visualiser la qualité de l’écoulement de l’eau au travers des rainures sculptées dans la bande de roulement. Des tests d’usure aussi sont prévus. Ils sont réalisés sur piste et sur route, totalisant plusieurs milliers de kilomètres. C’est au prix de tous ces efforts que Goodyear met au point chaque nouveau pneumatique. Et l’UG9 n’a pas dérogé à cette règle.