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Pirelli Cinturato All Season : une double première

Publié le 19 avril 2015

Par Jérôme Fondraz
7 min de lecture
Spécialiste du sport et de la performance, Pirelli a eu du mal à passer aux pneus verts basse consommation : aujourd’hui c’est fait, la survie en OE était à ce prix. Et voici que la firme milanaise prend un second virage en attaquant une « niche » autrement petite, celle du pneu All Season. Certes […]

Spécialiste du sport et de la performance, Pirelli a eu du mal à passer aux pneus verts basse consommation : aujourd’hui c’est fait, la survie en OE était à ce prix. Et voici que la firme milanaise prend un second virage en attaquant une « niche » autrement petite, celle du pneu All Season. Certes elle devrait grossir mais Pirelli se rassure en « blindant » son offre, rajoutant à son pneu un système anti-crevaison Seal Inside pour séduire une clientèle urbaine et plutôt féminine.  

Pirelli vendant de la « tranquillité totale » pour des voitures petites et moyennes voilà qui est nouveau, moins surprenante est la réussite technique de ce All Season. Au plus près des été et hiver de la marque, on a pu apprécier ses performances en une seule journée lors du plus réaliste des essais, à 13°C au bord de la Méditerranée et à 0°C dans la neige fondante des pentes de l’Etna. Pneu et lancement, deux grandes « premières » qui montrent la volonté de Pirelli d’élargir son offre : le « tout haut de gamme » a-t-il vécu ?

Mauvaise réputation du toute-saison

Lorsqu’on invite Presse européenne et gros clients pour une opération de plusieurs jours, c’est que le nouveau pneu est d’importance ! Le Cinturato All Season arrivait donc précédé d’une aura de pneu « différent et important » pour Milan, ce que Gregorio Borgo, General manager, affirmait d’emblée. Il marquait bien les limites de l’opération, qui n’implique aucun changement de la philosophie technique de la maison : « Pour les grosses voitures puissantes qui sont notre clientèle habituelle, il n’est pas question de changer quoi que ce soit : pneus été en été, pneus hiver en hiver, le All Season n’est pas techniquement qualifié pour ces véhicules performants ». Boudé par les grands manufacturiers, à l’exception de Goodyear tiré par le marché US, le All Season n’est encore qu’une niche en Europe. Les revendeurs boudent pour deux raisons. La première, c’est qu’il sera toujours un compromis inférieur en performance à un vrai été en été ou un vrai hiver en hiver. D’où un problème de sécurité aux limites, une position totalement en phase avec Pirelli qui interdit son All Season aux voitures puissantes. Ce type de pneu aussi nommé « Tout temps », All Weather », « 4 saisons » a aussi mauvaise réputation après des tests en Allemagne et Suisse où il s’est affirmé beaucoup trop sensible à l’usure : certains ont même écrit qu’il était plus économique de rouler avec deux trains, été et hiver, plutôt que de rouler avec un seul All Season... en fait deux puisqu’il faudra le changer rapidement vu son usure ! Le second argument – non avoué la plupart du temps - des négociants est qu’ils préfèrent voir leurs clients au moins deux fois l’an pour les changements de monte, et accessoirement leur offrir services annexes et gardiennage.

Mini marché en croissance

Fort de son grand succès aux Etats-Unis, le Vector Goodyear a toujours peiné à imposer en Europe un concept All Season qui attire aujourd’hui un peu plus les manufacturiers. En juillet, Vredestein a renouvelé son Quatrac 5, Nokian va faire de même avec son Weatherproof All Weather, on n’oublie pas les Kleber Quadraxer, Hankook Optimo S, etc, l’offre est en train de grossir. En France, on estime qu’il roule 1 million de All weather/ 4 saisons, d’après Pirelli le marché européen ne dépasse pas 4 millions de pneus en 2015 mais devrait atteindre 9 millions en 2019 : on retiendra plus l’accélération de la demande que le volume... Cette croissance provient principalement de législations hivernales de plus en plus contraignantes dans certains pays. Pirelli publie son étude sur les marchés italien et allemands, premiers servis en All Season avant la France et l’Angleterre, elle révèle de grandes disparités de comportement. Si 35 % des transalpins changent leurs pneus en hiver, ils sont 74 % Outre Rhin, soit respectivement 65 % et 26 % qui conservent leurs pneus été toute l’année : en France on doit faire pire que l’Italie, car celle-ci impose des 3PMSF dans des régions montagneuses ciblées alors que rien n’existe chez nous. Reste que 60 % des européens ne chaussent pas de montes hiver, et s’ils estiment aussi qu’il faut respecter les législations locales ils sont aussi 68 % à ne pas vouloir « perdre de l’argent et leur temps deux fois par an ». Ce « oui mais » à propos du pneu hiver se vérifie par les enquêtes, on estime que les +16 % gagnés par les pneus 4 saisons le seront aux dépens des pneus été. Par rapport au pneu hiver admis (quoique souvent à contre-coeur) voilà la spécificité d’un pneu unique All Season, dont la croissance repose sur la peur du gendarme, le porte monnaie et la flemme !

Limites en tous genres

Expert en pneus « haute performance », Pirelli a d’emblée borné de façon précise le domaine du Cinturato All Season « Il n’est pas capable d’assurer un service fiable aux véhicules puissants et/ou sportifs ». Le manufacturier impose donc de façon impérative de conserver le binôme été/hiver pour les voitures hors des segments A, B, et C. Cellesci représentent un marché plus qu’intéressant de 172 millions d’unités, soit 74 % sur les 232 qui roulent en Europe, de quoi largement consoler Pirelli... La caractéristique principale du conducteur A, B, C tient à ce que dans ses préoccupations il classe la sécurité en n°1. L’enquête Pirelli sur les « commuters », automobilistes qui roulent chaque jour en ville ou en banlieue, précise qu’à 63 % ils donnent la priorité à la sécurité, au sens large du terme puisqu’à 90 % ils redoutent aussi la crevaison, « La plus traumatisante expérience de leur vie lorsque les conditions de route sont mauvaises ». Et sachant aussi que les crevaisons comptent pour 50 % des véhicules arrêtés au bord de la route, Pirelli empile toutes ces données pour définir le cahier des charges le plus séduisant possible pour ces affamés de « sécurité-tranquilité ».

Le pneu doit être « sécure » en toutes circonstances, en règle avec les forces de l’ordre à tout moment quelle que soit la saison, et insensible aux crevaisons. Il devra donc rester au top des performances en toute saison, rassurer sur ses capacités hivernales avec un label 3PMSF et offrir la technologie anti-crevaison Seal Inside. Certitude décisive, 89 % des sondés par Pirelli acceptaient de payer jusqu’à 20 % de plus pour acheter un All Season performant complété par un Seal Inside anti-crevaison...

Une technique rassurante

Comme ses confrères, et les pneus hiver en général, le Cinturato All Season est basé sur une carcasse été dérivée du Cinturato P1 été pour baisser tant que faire se peut la résistance au roulement. Extérieurement, on voit un pneu directionnel, proche des pneus hiver à ceci près que la bande centrale leur ressemble à 100 %, avec de fines lamelles 2D, alors que les parties extérieures offrent des lamelles 3D, moins nombreuses, beaucoup plus épaisses et interconnectées entre elles pour le roulage sur le sec. Ce design « mixte », en fait un hiver dégradé, ne serait rien sans des gommes silice et des polymères nouveaux qui donnent à la bande de roulement un bon fonctionnement sur une large plage de températures. Elle se montre efficace entre – 10°C et +30°C, alors qu’une hiver le serait entre entre -15°C et +7°C, et une été entre +10°C et +40°C.

Rassurant pour l’acheteur, la bande de roulement dispose d’indicateurs hivernaux d’usure à 4 mm d’épaisseur restante, les flancs arborant le M+S (traditionnel mais très dévalué) et le 3PMSF garantissant un grip hivernal minimum après essais. Le même compromis vaut pour l’évacuation de l’eau à 60 kmh, 31 l/sec contre 30 au pneu été et 32 litres à l’hiver, tout comme pour le bruit : à 60 kmh, été à 56 dBA, All S 56 dBA, hiver 57 dBA, à 90 kmh été et All S 61 dBA, 62 pour l’hiver. En bon avocat, Maurizio Boïocchi, Directeur Technique, a bien marqué les limites modestes de son produit, cependant polyvalent et très efficace pour des voitures moyennes, par des températures moyennes et des conducteurs ordinaires, donc moyens.

Astucieux, le Seal Inside

Quant au Seal Inside « réparateur de crevaison », comme ses rivaux il offre une couche pâteuse en supplément, collée à l’inner liner sous la bande de roulement. Un clou, diamètre maxi 4 mm, pénétrant dans la bande de roulement voit sa pointe totalement « engluée » dans le produit, aucune fuite d’air ne se produit, de nombreux tests effectués devant les journalistes l’ont prouvé. Si l’on retire le clou, chassé par l’air sous pression du pneu le produit comble le trou et polymérise à l’air. Comparable à ses rivaux (sauf clou de 6 mm pour le Michelin) le Seal Inside ne peut rien pour les crevaisons touchant les flancs, très importantes en France, il n’est donc pas d’une efficacité absolue. Pour l’instant, il n’est disponible que sur 3 des 21 tailles proposées en 14’’, 15’’, 16’’et 17’’, qui couvrent 76 % des segments A, B et C.

Pour un set de quatre 205/55/R16, Pirelli recommande un prix public de 330 € et de 365 € avec le Seal Inside. Ce faible supplément de prix n’est possible que grâce à une astuce technique. Alors que la plupart de ses rivaux étalent leur couche anti-fuite après cuisson du pneu, ce qui est peu commode et coûteux, Pirelli l’installe en premier lors de la confection et bâtit le pneu par dessus. Pour qu’elle ne colle pas au tambour, elle est recouverte d’une feuille de plastique transparent. Celleci reste après cuisson, protégeant très efficacement des salissures la gomme, ainsi isolé le Seal Inside craint moins les transports, les poussières et stockages que ses rivaux. Dernier problème du Seal Inside, il faut enlever le produit pour coller sur la chambre une puce TPMS. De même, on doit effectuer semblable opération si l’on veut réparer le pneu après crevaison car le rebouchage Seal Inside n’est pas considéré comme définitif. En revanche, le fait d’avoir une couche régulière posée avant cuisson améliore l’uniformité, le Cinturato All Season ne souffre pas de balourd comme certains de ses concurrents.

Le meilleur essai ?

Pour tester en février son All Season, Pirelli a choisi le meilleur terrain d’essai possible, la Sicile. Au bord de l’eau le thermomètre affichait entre 10 et 15°C selon l’ensoleillement, tandis que les pentes du Volcan Etna - 3350 mètres - étaient recouvertes de neige avec des températures négatives. Lorsque la flotte d’essai des Golf, Audi, Volvo, Mercedes et BMW (de base) a atteint les stations de ski, la neige fondait mais la couche tombée la veille était si épaisse qu’elle a emmuré des voitures de test sous la poudreuse ! Elles n’ont pu participer aux comparatifs mais la route – sèche, puis mouillée, puis avec neige fondante (gros sel) suffisait. Rouler en convoi impose d’être un peu désobéissant (ou astucieux?) pour tester freinage d’urgence et comportement limite en virage, le All Season s’en sort bien à vitesse modérée, mieux qu’un hiver et un peu moins bien qu’un été. Un test à vive allure sur circuit (de karting, avec des virages très serrés), a montré ses limites, sur sec et mouillé, à ces vitesses il n’échappe pas à un comportement de pneu hiver.

Le All Season est bien là où Maurizio Boïocchi situe ses limites, silencieux, un poil moins bien en motricité neige mais aussi un poil moins bien en freinage et virage sur le sec qu’un pneu été. Voilà un bon produit, qui dit ce qu’il est et fait ce qu’il dit, restera à le vendre sans attendre le secours d’une législation hivernale qui traîne depuis des années...

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