Le grand saut de Clara Stoop
D'un bureau cossu de La Défense à un atelier aux grands vents de Seine-et-Marne… L’image est un peu caricaturale, mais c’est pourtant ce qu’a vécu Clara Stoop. À défaut d’être tombée dedans petite, elle a plongé dans la marmite de l’après-vente automobile après une longue carrière menée bien loin de cet univers. "J’ai grandi à des années-lumière du monde de l’auto !", abonde-t-elle. Sa trajectoire n’en est ainsi que plus admirable.
Après un BTS de comptabilité, Clara Stoop découvre la vie professionnelle en intégrant un cabinet spécialisé. Elle y passera huit ans avant de rejoindre le groupe Altran, grand nom du conseil en technologies, R&D et systèmes informatiques. Comme tant d’autres Franciliens, elle doit composer quotidiennement avec trois à quatre heures de transports en commun pour rallier le quartier d’affaires parisien depuis son domicile de Seine-et-Marne.
Un sacerdoce qui va durer vingt-deux ans, et dont elle ne garde que le meilleur. "Évoluer chez Altran s’est avéré très enrichissant. J’ai pu notamment apprendre à gérer du personnel dans un environnement très complexe."
Quand, en 2020, le groupe est racheté par Capgemini, l’atmosphère change. Plus grande, plus déliée, plus impersonnelle, la multinationale laisse un goût amer à Clara Stoop. "Dans une structure de la taille de Capgemini, vous êtes toujours cantonné à une case, analyse-t-elle. Or, ce que j’aimais auparavant chez Altran, c’était de pouvoir toucher à tout." Un sentiment qui, progressivement, va faire naître puis avancer une réflexion de fond quant à une éventuelle reconversion. Avec un secteur d’activité tout trouvé.
De l’envie et des doutes
Le monde de l’automobile est entré dans sa vie quelques années plus tôt. Ancien pilote de rallye et totalement passionné par cet univers, son mari Frédéric Stoop baigne dedans depuis longtemps. À l’âge de 24 ans, il intègre un garage dont le patron, séduit par les concepts du groupe Mobivia, ouvrira en 2008 deux centres à Varennes-sur-Seine aux couleurs de Midas et de Norauto. Frédéric Stoop rejoint l’équipe du premier et y restera pendant quatre ans.
En 2012, nouveau chapitre. Il se lance à son tour en tant que franchisé du réseau de fast-fitters et investit dans un centre flambant neuf à Provins (77). Un changement de vie professionnelle et familiale ? "Je ne l’ai pas vécu comme ça, relate son épouse. Je ne voyais pas ça comme une grande aventure, avec tous les risques que ça comporte. Mon mari est très professionnel, très rigoureux, limite maniaque. J’ai toujours eu confiance en lui." S’il lui arrive de donner un coup de main occasionnel au centre pour la gestion administrative, notamment comptable, Clara Stoop ne s’immisce pas dans les affaires de son mari.
Mais son intérêt se développe au fil du temps, et il va se conjuguer aux interrogations que se pose la jeune femme depuis sa tour de La Défense. "Je voulais rejoindre mon mari, rembobine-t-elle, mais avec un seul centre, nous ne pouvions pas nous le permettre." Dans la mesure où celui-ci a su trouver son public, son rythme de croisière et de la croissance en une dizaine d’années, la volonté d’en gérer un second grandit au sein du couple.
L’opportunité du destin
En 2022, une opportunité se dessine. Hasard ou clin d’œil du destin, l’ancien patron de Frédéric Stoop souhaite céder son centre de Varennes-sur-Seine et le propose à son ex-salarié. Les deux hommes se mettent d’accord, et les Stoop s’offrent un nouvel avenir. "On était très heureux, mais aussi très pragmatiques. Si on a investi dans un second, c’est parce que notre premier centre fonctionnait très bien."
Mais la satisfaction n’empêche pas les doutes. Motivée à l’idée de changer de carrière, Clara Stoop n’en demeure pas moins tourmentée. "J’avais un bon poste que j’allais quitter pour un nouveau que je ne connaissais pas ; c’était quand même un gros changement !" replace-t-elle.
Pour se rassurer et trouver des réponses à ses questions, elle se rapproche d’autres femmes du réseau Midas, peut compter sur le soutien de son mari et sur celui d’une enseigne à laquelle les Stoop sont attachés. En une décennie, des liens se sont noués et son époux est même engagé dans la vie de Midas en tant que membre de l’association des franchisés.
Un an et demi après son arrivée à Varennes, Clara Stoop se pose pour regarder dans le rétro. "C’est passé très vite, mais j’ai beaucoup évolué depuis un an, juge-t-elle. C’est toujours stressant de découvrir un nouveau métier. Et puis, ç’a été difficile au départ d’être acceptée. J’ai dû trouver mes marques et faire ma place dans l’équipe. J’ai aussi tout appris sur le tas. Mais ce n’est encore que le début du chemin."
Une organisation millimétrée
Entre la volonté de réaliser un projet et sa concrétisation, il y a parfois un monde, et de quoi déchanter. Dès lors, comment les époux Stoop ont-ils appréhendé le fait de travailler ensemble ? "De la meilleure des manières, car on n’a pas l’impression de travailler ensemble", sourit madame. Une blague à demi-mot car en réalité, le couple a mis au point une organisation extrêmement carrée pour assurer à chacun de pouvoir évoluer dans les deux centres sans que leur présence fasse doublon.
Lui à Provins et elle à Varennes en première moitié de semaine, et l’inverse en seconde partie. Une rigueur qui leur permet aussi de dissocier plus facilement les cadres professionnel et familial. "Il nous arrive de parler boulot à la maison, mais c’est finalement assez rare." Ils préfèrent se consacrer à leur fils de 11 ans qui, bien malgré eux, les ramène souvent au boulot en étant lui aussi mordu de mécanique et d’automobile !
"Il baigne dedans depuis tout petit et il lui arrive de nous rendre des petits services. En ce moment, sa lubie, c’est les pneus ; il attend avec impatience de pouvoir en monter", sourit sa maman. La question de lui transmettre cet héritage n’en est pas une, assure-t-elle. "Quand elle se posera, s’il veut reprendre l’entreprise alors ce sera très bien, mais l’important est ailleurs. Il fera le métier qu’il veut, pourvu qu’il soit épanoui."
Des objectifs très terre-à-terre
Professionnelle, épouse et mère accomplie, Clara Stoop partage sa joie d’avoir "sauté le pas". Sans le moindre regret, malgré les obstacles. Grâce à l’engagement de toute son équipe, le centre Midas de Varennes-sur-Seine avance sur une pente ascendante et dépassera bientôt celui de Provins. De quoi satisfaire le couple de dirigeants… et l’inciter à en ouvrir un troisième ? Rien n’est moins sûr. "Il y a dix ans, en avoir deux paraissait impensable. Alors pourquoi pas, mais on est vraiment loin de ça, développe-t-elle. On a des objectifs beaucoup plus terre-à-terre. On aimerait pouvoir prendre davantage de recul et de repos. On ne s’octroie que deux semaines de congés par an."
Même pragmatisme à titre individuel : "Je veux continuer d’apprendre pour être plus autonome. Je me donne encore trois ans pour être totalement opérationnelle." Son parcours prouve ainsi qu’aucune barrière n’est infranchissable. Dans un secteur d’activité qui peine à trouver des talents, son exemple montre qu’il est possible d’y faire carrière même en venant de loin. Pourvu qu’on soit doté de solides convictions et d’une sacrée force de travail. De quoi susciter des vocations ?
BIO EXPRESS
Clara Stoop (Midas)
- Entre dans un cabinet comptable.
2001. Intègre le groupe Altran.
2012. Son époux Frédéric ouvre son premier centre Midas à Provins (77).
2022. Elle le rejoint dans l’entreprise familiale après la reprise d’un second centre à Varennes-sur-Seine (77).
Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°183 de janvier-février 2024.