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Manufacturiers

Accidents mortels : Goodyear sera bientôt entendu par la justice

Publié le 17 avril 2025

Par Tristan Baez
2 min de lecture
Trois accidents impliquant des poids lourds, quatre morts et un point commun : l’éclatement de pneus Goodyear soupçonnés de présenter un défaut de fabrication. Le 13 mai 2025, les représentants juridiques de deux entités du groupe américain se présenteront devant un juge d’instruction à Besançon en vue d'une possible mise en examen pour homicides involontaires et tromperie.
Deux entités de Goodyear sont convoquées le 13 mai 2025 par le juge d'instruction de Besançon. ©Goodyear

Le géant américain du pneumatique Goodyear est rattrapé par une série d’accidents mortels survenus en France entre 2014 et 2016. Le 13 mai prochain, deux de ses entités juridiques seront entendues par un juge d’instruction de Besançon, dans le cadre d’une enquête qui pourrait aboutir à une mise en examen pour homicides involontaires, tromperie sur la marchandise et pratiques commerciales trompeuses. En toile de fond : des pneus défectueux, dont la défaillance aurait provoqué plusieurs drames sur la route.

Selon les expertises techniques versées au dossier, les trois accidents mortels au centre de l’instruction trouvent tous leur origine dans une défaillance interne des pneumatiques concernés. Aucun élément extérieur n’a été identifié comme cause possible. Les mots employés par les experts sont sans appel : "défaillance intrinsèque", "déstructuration interne profonde", "décollement de la bande de roulement". Ces conclusions renforcent les soupçons portés sur un défaut de fabrication affectant certains modèles produits au Luxembourg, notamment les Marathon LHS II et LHS II+.

Trois drames aux conséquences lourdes

Le premier accident, survenu le 17 juillet 2014 près de Roye (Somme), a coûté la vie à Luis Lesmes, alors qu’il circulait avec sa femme enceinte et leur fille de 9 ans sur l’autoroute A1. Le pneu avant gauche d’un poids lourd MAN explose alors que la famille dépasse le camion : leur véhicule est percuté de plein fouet. Les deux passagères sortent indemnes, mais Luis Lesmes décède sur le coup. La famille, domiciliée à Londres, a obtenu un règlement à l’amiable confidentiel avec Goodyear au Royaume-Uni.

Quelques jours plus tard, le 25 juillet 2014, un second accident se produit sur l’autoroute A36, à hauteur de Blussans (Doubs). Cette fois, deux chauffeurs routiers, Jean-Paul Rollet et Pascal Rochard, trouvent la mort dans une collision frontale. Un pneu du poids lourd de Pascal Rochard éclate, puis le véhicule franchit la glissière centrale et percute le camion-citerne de Jean-Paul Rollet qui ne survivra pas. L’affaire, initialement classée sans suite, est relancée en 2016 par la veuve du défunt, qui transmet ses propres recherches à la justice. Les expertises confirment alors un défaut de fabrication du pneu.

Troisième drame : le 25 avril 2016 à Ecquevilly (Yvelines). Le chauffeur Gilles Bonneau perd le contrôle de son camion lorsque son pneu avant gauche éclate. Le véhicule franchit la séparation centrale de la route et percute cinq voitures. Le conducteur est tué, une autre personne gravement blessée. Une fois encore, les analyses pointent une déstructuration interne avancée du pneumatique comme seule explication plausible.

Soupçon d'une possible dissimulation

Ce qui aggrave encore la situation de Goodyear, c’est la suspicion de dissimulation. Le parquet de Besançon évoque une "pratique systémique" de non-divulgation du défaut supposé. L’entreprise aurait été au courant du problème sans alerter ses clients ni initier de programme de rappel.

Les deux entités convoquées par le juge sont Goodyear France SAS, qui assure la distribution des pneus, et Goodyear Opérations SAS, responsable de leur production depuis le Luxembourg. Elles devront répondre de leurs éventuelles responsabilités dans cette affaire sensible, dont l’issue pourrait entraîner des sanctions pénales et financières majeures – jusqu’à 10 % du chiffre d'affaires du groupe.

En parallèle, quatre accidents supplémentaires, survenus entre 2011 et 2014 dans l’Hérault, l’Indre et l’Isère, ont été répertoriés. Ils ont causé la mort de trois personnes. Bien que prescrits, ces cas ont été versés au dossier d’instruction à titre informatif, renforçant la piste d’un défaut structurel affectant certains pneus de la marque.

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