L’incroyable 34e et dernière victoire de Dunlop aux 24 Heures du Mans

C'est l’une des multiples petites histoires dans la très grande. Dans Le Journal du Pneumatique n°189 de mars-avril, nous vous avons raconté l’histoire du sauvetage de Dunlop France par les Japonais de Sumitomo, en 1984, et le redressement de la firme britannique à la fin des années 1980 et durant la décennie 1990.
À la baguette de cette opération, Claude Cham, qui dirigea à la fois le sauvetage et la relance, multiplia les initiatives durant cette période pour refaire de Dunlop un nom qui compte dans le paysage de la gomme. En 1986, il fait développer un nouveau pneu et veut un nom qui parle aux automobilistes. Avec l’accord de l’ACO (Automobile Club de l’Ouest), cette innovation s’appelle SP Le Mans.
Il porte l’ADN des célèbres Dunlop SP Sport : une taille basse, des épaules larges et surtout le double canal central, signature de la marque. Le nom est une évidence. Il symbolise l’histoire sportive de la marque, dont la signature à ce moment-là est justement "l’esprit de compétition". Ce choix est d’autant plus pertinent que la relation entre Le Mans et Dunlop est évidente grâce à la célébrissime passerelle éponyme, présente sur le circuit sous différentes formes depuis 1924.
Mazda joue les trouble-fêtes
Déjà vainqueur de la deuxième édition cette année-là, Dunlop détient en 1987 le record de victoires : 32 sur 55 courses ! La 33e est enregistrée en 1988 avec Jaguar pour le centenaire de la marque, justement célébré dans la Sarthe. 1989 voit la victoire de Mercedes sur des Michelin et 1990, celle de Jaguar sur des Goodyear.
La compétition entre ces marques est relancée pour l’édition de 1991. Parmi les concurrents figure le japonais Mazda qui, depuis 1970, voulait démontrer la compétitivité de son moteur rotatif autorisé pour la dernière fois à courir en endurance, puisqu’il sera interdit dès l’année suivante. La Mazda 787B n° 55 se distingue par sa livrée verte et orange qui fera sa notoriété, aussi flashy que peu discrète, et surtout par le son stridant de son moteur, encore moins discret.
Dunlop avait développé pour l’occasion un nouveau pneu racing de 18 pouces. Grâce à sa remarquable régularité, sous la direction de Jacky Ickx, expert des courses d’endurance, la Mazda vient perturber les favoris. À deux heures de l’arrivée, trois Jaguar suivent la japonaise, derrière la Mercedes de tête.
Mais celle-ci est poussée à l’abandon par une avarie mécanique. Les trois Jaguar ne remonteront jamais sur l’équipage Herbert, Gachot, Weidler et la Mazda 787B n° 55 remporte la course de belle manière en battant le record de distance avec plus de 4 922 kilomètres parcourus en 24 heures.
Les dirigeants étaient déjà dans l’avion !
C’est une première pour une marque japonaise et cette victoire a un incroyable retentissement au pays du Soleil-Levant. C’est seulement 27 ans plus tard, en 2018, que Toyota ramènera un autre trophée au Japon. Cette victoire inattendue de 1991 avait surpris tout le monde, même les dirigeants de Mazda qui étaient déjà dans l’avion du retour vers Hiroshima, et la probabilité d’une victoire n’avait pas non plus été envisagée chez Dunlop.
Jaguar et Mercedes, qui avaient mis des options sur les pages de publicité, ont dû les dénoncer et des espaces publicitaires se trouvaient disponibles à bas prix. C’est sur une table de l’hospitality de Dunlop que cette publicité a été improvisée dans l’urgence avec la complicité du chef de pub de L’Équipe, afin de célébrer cette victoire dès le lendemain, et de mettre en exergue les performances et les qualités d’endurance du SP Le Mans…
Cette victoire, pour Dunlop, était la 34e et la dernière ! Depuis, la firme britannique n’a plus gagné au Mans, mais détient encore le record de victoires aujourd’hui. Plus pour longtemps peut-être, puisque Michelin sera en lice le week-end des 14 et 15 juin pour égaler.
Dominique Stempfel
Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°190 de mai-juin 2025.