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Manufacturiers

Paolo Pompei, YTWS : "Rejoindre Yokohama était une grande opportunité"

Publié le 10 octobre 2024

Par Romain Baly
5 min de lecture
Il y a deux ans, le suédois Trelleborg Wheel Systems, référence des enveloppes agricoles, a rejoint Yokohama au sein d’un nouvel ensemble majeur du secteur. Avant de quitter son poste d’ici la fin d’année, le PDG, Paolo Pompei, nous a reçu à Rome pour évoquer cette reprise et surtout se pencher sur l’avenir de YTWS.
Après avoir débuté sa carrière chez Pirelli, Paolo Pompei a rejoint Trelleborg Wheel Systems en 1999. 25 ans plus tard, le voilà à la tête d’une entreprise baptisée Yokohama Trelleborg Wheel Systems depuis son rachat par le japonais en 2022. ©YTWS

Début 2022, vous nous aviez accordé une interview quelques semaines avant que Trelleborg Wheel Systems soit repris par Yokohama. Que représente ce changement pour votre entité ?

Rejoindre Yokohama était une grande opportunité. L’opération a été très importante pour nous car nous avons eu la possibilité de rejoindre une entreprise de premier plan dans l’univers du pneumatique. TWS reste une société indépendante à l’intérieur du groupe, avec ses marques Trelleborg et Mitas, mais aussi sa spécificité sur le marché. Mais avec Yokohama, nous avons un actionnaire sur lequel nous pouvons énormément compter.

Entre l'Europe et l’Asie, existe-t-il un monde d’écart sur le plan de la culture et des process de travail ?

Bien évidemment que la culture est très différente entre ces régions mais n’oublions pas que Yokohama est un groupe très vaste et qui, en tant que multinationale, sait s’adapter à ces différences. De ce point de vue, c’est un actionnaire idéal car il inclut des activités en Europe mais aussi en Asie ou en Amérique du Nord ou du Sud. Et puis c’est un groupe dirigé par des managers eux aussi internationaux avec l’expérience et l’ouverture d’esprit qui va avec. Dans une économie globale, nous devons savoir évoluer les uns avec les autres et travailler avec ces différences culturelles.

Le processus d’intégration est désormais totalement terminé ?

Oui, mais en réalité j’ai la conviction que l’intégration ne s’arrêtera jamais parce que le partage et la mise en place de synergies ne s’arrêtent jamais. C’est un travail constant. Chaque nouvelle idée est une opportunité de plus pour le groupe tout entier.

Pour en revenir à votre activité, comment s’est-elle comportée en 2023 alors que le marché du pneu agricole, qui représente 65 % de votre business, a beaucoup souffert à cette occasion dans plusieurs pays européens ?

Il faut faire une distinction entre l’équipement d’origine et le marché du remplacement. L’OE s’est normalisé depuis plusieurs mois après avoir connu une croissance exponentielle. Plus d’un million de machines ont été commercialisées ces deux ou trois dernières années. Je ne me rappelle pas d’un cycle de croissance aussi long par le passé. Aujourd’hui, la réalité n’est pas que le marché recule mais bien qu’il se stabilise avec des niveaux plus "normaux".

Par ailleurs, l’activité remplacement se porte quant à elle très bien. Que ce soit en Allemagne, en France, en Italie ou en Espagne, et même bien au-delà, en Asie ou en Amérique du Nord, ce marché se développe partout dans le monde. C’est peut-être la première fois dans ma carrière que j’assiste à une situation aussi homogène dans le monde.

L’OE guide souvent les stratégies des fabricants de pneumatiques. La situation que vous venez de décrire vous incite-t-elle à revoir cela ?

Encore une fois, l’équipement d’origine est très important pour nous. D’abord en termes d’innovation, puisque nous développons pour nos partenaires – CNH, New Holland, Clas… – des produits toujours plus perfectionnés. Ensuite en termes de positionnement car l’innovation est une force et aussi une manière forte de se différencier. Cependant, dans notre logique, il n’y a aucune opposition entre OE et IAM. L’un de ne peut pas être fort sans l’autre. Il y a une véritable interdépendance entre les deux. Nous avons besoin du remplacement pour suivre nos utilisateurs sur la durée.

Le monde du pneu agricole était ressorti de la crise sanitaire a priori sans gros dégâts. En revanche, on a l’impression que la crise économique a été beaucoup plus impactante pour lui. Est-ce aussi votre sentiment ?

Ma lecture est quelque peu différente. J’ai le sentiment profond que, dans la vie, le besoin de se nourrir n’évoluera jamais. Nous aurons toujours besoin de l’agriculteur. Par ailleurs, il paraît évident que la crise économique a un impact sur les professionnels de ce secteur. Toutefois, je ne pense pas qu’ils voient leurs dépenses en pneumatiques comme un coût mais plutôt comme un gain, comme une opportunité, pour leurs dépenses et pour leur productivité.

En matière de pneumatiques, quelles sont les principales attentes des agriculteurs ?

Dans une économie globale, surtout pour les agriculteurs européens, ce qui compte fondamentalement c’est d’être plus productifs. Contribuer à cela est notre objectif. Par exemple, un pneu avec une plus grande traction permet de faire plus de travail en moins de temps, avec une consommation de carburant moindre. Un pneu tassant moins le sol implique un meilleur rendement des cultures et donc une meilleure productivité. Enfin, un pneu plus fiable limite les soucis et donc les temps d’inactivité.

Quelle place occupe le digital dans votre stratégie ?

Une place très importante. C’est un sujet crucial. Tout l’enjeu de la digitalisation est de réussir à développer des produits et des solutions qui donnent des infos importantes pour que les machines soient plus productives et plus efficaces. Par exemple, le système ATMS de gonflage adaptatif et automatique permet de changer la charge sans aucune intervention de l’opérateur. C’est une façon de mettre le digital au service de nos clients.

La problématique de la durabilité, du respect de l’environnement, est-elle omniprésente dans votre stratégie ?

Réussir à produire des pneumatiques plus respectueux de l’environnement est un défi pour notre industrie dans son ensemble. Nous voulons contribuer à sauvegarder la planète. Le travail de nos ingénieurs est incroyable car ils voient loin et raisonnent large. Dans certaines applications, nous utilisons par exemple de la poudre de coco ou encore des bouteilles recyclées. À date, nous avons des produits qui intègrent 65 % de matériaux renouvelables, recyclés ou biosourcés. L’objectif est d’atteindre les 100 % à horizon 2035. Mais nous voulons aussi relever ce défi en créant une économie locale vertueuse. Il faut réussir à utiliser des fournisseurs locaux plutôt que d’autres provenant du bout du monde.

À propos des solutions de gonflage adaptatif, les agriculteurs ont-ils les moyens d’investir dans des technologies certes très perfectionnées mais aussi très onéreuses ?

Je ne sais pas si ces solutions sont réelle ment si onéreuses. Tout est une question de calcul. Quel est le rendement réel de cet investissement ? Les gains sont indéniables pour eux. Et je ne pense pas que ce soit difficile de leur faire comprendre cela. La vraie difficulté est d’aller à leur rencontre. Ça demande du temps. Il faut aller sur le terrain pour leur montrer les gains concrets de ces solutions.

Que représente le marché français pour YTWS ?

La France est un marché majeur pour nous car c’est l’un de nos deux principaux avec l’Allemagne en Europe. Depuis notre siège de Compiègne (60), notre équipe comprend environ 40 personnes connaissant parfaitement les spécificités locales. Nous avons en France une présence forte et nous sommes fiers du chemin par couru dans ce pays. Nos clients com prennent vraiment notre message. Ce sont aussi de formidables ambassadeurs qui nous facilitent le travail et donnant la preuve que notre discours et nos solutions ont beaucoup de sens pour les utilisateurs.

Comment voyez-vous l’avenir ? Avec optimisme ?

Je suis né optimiste ! C’est nécessaire de l’être. L’être humain a besoin de se nourrir et a donc besoin de l’agriculture. Or, aujourd’hui, nous avons de moins en moins de terres pour nourrir les populations mondiales. Il faut donc trouver de nouvelles solutions. Par rapport à notre secteur, je suis très optimiste. Nous avons les solutions pour répondre à ces enjeux. Je suis également dans ce même état d’esprit concernant l’univers de la construction. Peut-être qu’il y aura à l’avenir des voitures volantes mais cela ne concernera pas les machines agricoles ni les engins de construction !

 

Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°186 de septembre-octobre 2024.

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