Yokohama : la passion chevillée aux racks
Où donc ranger Yokohama ? Dans un pays comme la France qui, culturellement, adore placer les gens et les entreprises dans des catégories, la firme nipponne est un véritable casse-tête et déjoue les logiques habituelles. Une marque premium ? Généraliste ? Grand public ? Oui et non… Synonyme de passion, de technicité et de robustesse, numéro deux d’un marché japonais lui-même considéré comme le premier au monde pour le pneumatique et dotée d’une offre désormais complète, "Yoko" demeure relativement discrète en Europe sur le plan des volumes, avec une image plus connue des spécialistes que reconnue du grand public, et un portefeuille encore très marqué hiver, sport et 4×4.
Patrick Lhoste connaît mieux que quiconque ce côté inclassable de Yokohama. C’est même un peu ça qu’il est venu chercher chez elle il y a déjà deux décennies. Le président de la marque dans l’Hexagone a depuis été "picousé", et le suivre dans la traversée de la plateforme nationale de Yokohama est une aventure en soi.
Situé à Toussieu, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Lyon, l’entrepôt (soutenu par quelques références stockées à Genas) est en effet à l’image de la marque. Il y a de tout, vraiment de tout, des produits les plus courants à quelques trésors bien gardés. Et il faut croire que la passion est contagieuse car le maître des lieux, Daniel Fiorini, qui est aux manettes depuis l’ouverture du site, connaît son affaire au moins aussi bien que son patron.
Du producteur au distributeur
Avec son équipe de six personnes, il gravite sur cet entrepôt aux dernières normes de 5 000 m2 et 10 mètres de haut. Chaque jour, 1 000 à 2 000 pneumatiques entrent dans le site et autant en sortent pour être distribués sur tout le territoire. Le schéma logistique mondial de la firme japonaise a ceci de spécifique que chaque entité nationale est réapprovisionnée directement par les usines japonaise, russe, thaïlandaise ou philippine du groupe, renforçant de facto le rôle stratégique de ce type de plateforme.
"Ici, on retrouve de tout ! C’est propre à Yokohama de pouvoir répondre à tous les besoins."
De façon assez basique, Toussieu est organisé selon la règle des 20/80, les 20 % de références les plus plébiscitées au plus proche de la zone de préparation, le reste s’étalant dans les allées. Les gammes pour voitures légères, SUV/4×4 et sportives (BluEarth, Advan, Geolandar…), en été, hiver et toutes saisons, pour l’équipement d’origine comme pour la rechange, y sont entreposées selon trois formats de racks de 2,30 m, 2,10 m ou 0,50 m. "Ici, on retrouve de tout ! rappelle Patrick Lhoste. C’est propre à Yokohama de pouvoir répondre à tous les besoins."
Dans cet univers, la masse côtoie la rareté, sans jamais prendre en défaut Daniel Fiorini, qui sait toujours dans quelle allée se rendre pour trouver telle ou telle référence, quand bien même est-elle stockée en seulement quelques exemplaires. Lors de notre venue, à la fin de l'automne 2021, les rayons sont clairsemés à certains endroits, et c’est plutôt bon signe. La crise du fret mondial n’a qu’une très faible répercussion sur les approvisionnements de Yokohama France.
Le BluEarth-4S AW21 a trouvé son public
"On a la chance de pouvoir s’appuyer sur une structure internationale. Yokohama a des accords à long terme avec des transporteurs, ce qui nous préserve des inflations du fret et d’un manque de stock", souligne Patrick Lhoste. En réalité, c’est bien un phénomène conjoncturel qui a provoqué ce résultat. La loi Montagne, mesure controversée par l’annonce tardive de l’absence de sanction pour les contrevenants, et surtout le boom du toutes saisons ont permis à la marque de performer.
Une croissance de 15 % a été observée en 2021, grâce notamment au BluEarth-4S AW21 qui, lancé il y a seulement trois ans, rencontre déjà un vrai succès. Aujourd’hui, Yokohama France présente un ratio à l’équilibre entre ses montes été, hiver et toutes saisons.
Au-delà des volumes, c’est aussi la perception de la marque qui évolue "dans le bon sens". Grâce à sa base de tests suédoise de Nattberg, Yokohama s’appuie depuis vingt ans sur un outil de pointe, adapté aux problématiques européennes, qui a grandement amélioré la qualité de ses produits hivernaux.
Dix ans de présence au Trophée Andros
Et comme le savoir-faire n’est rien sans le faire savoir, l’entité tricolore a compris qu’il est utile, voire indispensable, de marketer et valoriser ses atouts à travers une collaboration de premier plan. Depuis plus de dix ans, la marque accompagne ainsi le Trophée Andros et fournit ses pneumatiques à l’ensemble du paddock.
"Le Trophée Andros est conforme à notre image. On est une marque de spécialistes et de passionnés."
"Yokohama France n’a pas les moyens de se payer de grandes campagnes ou un partenariat marketing de très grande envergure, explique Patrick Lhoste, faisant référence à celui à plusieurs millions d’euros noué pendant cinq ans entre le siège du groupe et le club de football londonien de Chelsea. Ceci étant, ce partenariat avec le Trophée Andros est conforme à notre image. On est une marque de spécialistes et de passionnés." Et le dirigeant d’évoquer Muller, Dubourg ou Loeb, autant de stars de la discipline (ou de stars tout court) qui ont gagné en étant chaussés par Yokohama et qui ont indirectement joué le rôle d’ambassadeurs.
"On mise sur l’hiver pour créer des partenariats sur l’été", résume le dirigeant. Ainsi, nonobstant son caractère bien affirmé, Yokohama souhaite prendre de l’épaisseur et se développer plus globalement. Avec seulement 1 % de part de marché et un CA d’environ 10 millions d’euros, Yokohama France est loin de peser aussi lourd que ses homologues anglais et italien, et la marge de manœuvre est réelle.
L’apport du web
Pour accélérer la cadence, la direction a récemment renforcé sa politique commerciale. Si les grands partenariats avec des enseignes nationales demeurent dans la focale, Patrick Lhoste souhaite parallèlement s’ouvrir à de nouveaux acteurs et miser sur des revendeurs indépendants. La vente en ligne s’avère également toujours aussi importante pour la marque, qui réalise 40 % de son activité par ce biais. "C’est assez logique : les sites internet permettent d’étudier les gammes et offrent une plus grande diversité de références. C’est parfait pour nous."
Passionné mais les pieds sur terre, Patrick Lhoste se veut tout de même mesuré à l’heure de se pencher sur 2022. L’inflation du coût des matières premières a contraint le groupe à revoir sa grille tarifaire, avec une hausse de ses prix de 3 % actée en juin 2021, et une autre en début d’année.
"Les sites internet permettent d’étudier les gammes et offrent une plus grande diversité de références. C’est parfait pour nous."
Cela aura logiquement un effet sur le résultat de Yokohama France, dont le chiffre d’affaires 2022 est attendu à +10 %. En parallèle, le renforcement des gammes, la progression du toutes saisons en France et la notoriété croissante de la marque vont nécessairement jouer positivement sur ses volumes.
Reste que tout ceci demeure suspendu à un contexte économique et sanitaire toujours très incertain. "Je suis agréablement surpris par nos résultats qui s’expliquent par une offre adaptée au marché, se satisfait Patrick Lhoste. Cependant, je suis de nature prudente et la situation sanitaire me rend un peu inquiet pour les prochains mois." Certains paramètres ne sont pas maîtrisables. Pour les autres, Yokohama a déjà fait le nécessaire.