Jean-Pierre Gosselin, fondateur du Journal du Pneumatique, nous a quittés

C'est avec une infinie tristesse que nous avons appris le décès de Jean-Pierre Gosselin, ce lundi 6 janvier 2025. Née le 28 mai 1942, cette figure bien connue du monde de l'automobile s'est éteinte à l'âge de 82 ans. Aussi passionné qu'exalté par tous les sujets touchant à la "bagnole", Jean-Pierre Gosselin a connu mille et une vies professionnelles. Travailleur infatigable, capable de sauter d'un avion à un autre au nom de l'information, il était passé par L’Équipe, avait longtemps pigé pour Ouest-France, avant de forger sa réputation un peu plus tard dans la presse spécialisée.

Son parcours a ainsi été marqué par Le Journal du Pneumatique. Un titre qu'il chérissait autant que son sujet. À la fin des années 1980, alors qu'il évoluait chez Auto Hebdo, c'est lui qui fonda Le Pneumatique (nom initial du titre), persuadé que l'univers de la gomme méritait un relai d'information à la hauteur de sa mesure. Au début des années 1990, il quitta le groupe dirigé par Michel Hommell pour rejoindre VB Éditions et Daniel Pfrimmer, tout en négociant de pouvoir garder son journal, avec lequel il cultivait une véritable filiation.

Technicien pointu et observateur avisé

Chez les fabricants et dans les réseaux, tout le monde le connaissait. "Engager une conversation avec lui donnait la garantie de passer une bonne soirée à refaire le monde du pneu" évoque au sujet de cette "véritable encyclopédie", le président du Syndicat du Pneu, Dominique Stempfel. "Il avait toujours des anecdotes et des histoires à raconter" confirme Bertrand Gay, journaliste qui a débuté à ses côtés chez VB.

Technicien pointu de par sa formation initiale d'ingénieur, et observateur avisé, il aimait s'adonner à un rituel très personnel. Sur une présentation ou sur un salon, Jean-Pierre analysait les dessins des pneumatiques, regardait chaque détail et humait la gomme. Dans une usine, la visite devenait épique et il s'échappait souvent du groupe "pour aller voir ce qui se cachait derrière un paravent ou pour soulever une bâche dans le but de découvrir quelques secrets de fabrication" se souvient encore Dominique Stempfel.

"C'était ça Jean-Pierre, se souvient Bertrand Gay. Il avait en lui cette passion du pneu, de la technique et pas uniquement automobile, mais pour toutes les formes de mobilité. Et c'était un formidable observateur." Doué avec les mots, Jean-Pierre l'était tout autant avec les images. Son appareil photo toujours en main, il mettait un point d'honneur à capter le moindre cliché, plaçant au même niveau le texte et les illustrations.

Le sens de la transmission

Sur le plan relationnel, chaque rendez-vous du secteur lui permettait de s'adonner volontiers au vagabondage, dissertant avec untel, se rappelant de bons souvenirs avec un autre pour, in fine, poser les bonnes questions. Celles qui fâchent, parfois, celles qui ont du sens, souvent. "Il prenait un malin plaisir à titiller les ingénieurs et parfois à les mettre en difficulté en les questionnant sur l’évolution de leurs technologies et en les comparant avec celles de leurs concurrents" raconte encore le président du SdP.

Plus qu'un jeu, ce mode de fonctionnement relevait bien davantage d'un objectif ayant valeur de maître mot. "La transmission était fondamentale pour lui. Il voulait transmettre son métier de journaliste à tout le monde, et notamment aux plus jeunes, et il voulait aussi transmettre de l'information aux lecteurs" souligne Bertrand Gay. "Il avait hérité du surnom de Professeur, plutôt honorifique, dans la mesure où il n’avait pas son pareil pour transmettre de bonne grâce sa science du pneu à de nouveaux confrères et plus globalement à des confrères moins au fait que lui du secteur qui lui était si cher" se souvient Marc David, journaliste et autre compagnon de route de longue date.

La corporation pouvait d'ailleurs souvent s'appuyer sur son sens de l'engagement. Jean-Pierre présida ainsi dans les années 1990 l'Afpa, l'Association française de la presse automobile. Il fut également pendant longtemps membre du jury de la Voiture de l'année et de celui de l'Homme de l'Année du Journal de l'Automobile. Il partagea également un temps son expertise sur les ondes de France Info, station qui avait choisi de lui confier sa rubrique automobile.

Un précieux compagnon de route

Mais c'est bien connu, les histoires d'amour, à défaut de toujours mal finir, sont souvent tourmentées. Pour Jean-Pierre, le JDP était son bébé. Un nourrisson qui en grandissant lui a apporté, tous les parents le savent, son lot de tracas. Différents rachats, certains plus compliqués que d'autres, avaient conduit à l'émancipation de ce titre et contraint son fondateur à un autre rôle. "Il sentait que le journal prenait une autre direction" confirme Bertrand Gay.

Conseiller de la rédaction, Jean-Pierre a accompagné notre équipe pendant encore de longues années. Son œil avisé, son esprit alerte, sa connaissance inaltérable de cet univers en faisaient un précieux compagnon de route. Début 2022, il décida de prendre un recul définitif. La passion demeurait intacte, mais ce métier demandait un investissement de plus en plus difficile à assumer. L'heure des "au revoir" sonna. Jean-Pierre signa un dernier papier (une saga, lui qui en mériterait bien une) consacré justement à Dominique Stempfel, qui lui rend ici hommage.

Jean-Pierre emporte donc aujourd'hui ses innombrables souvenirs. Il a ainsi rejoint quelques-uns de ses copains qu'il aimait faire revivre au gré d'histoires et d'anecdotes dont on ne savait jamais trop si elles appartenaient à la réalité ou à la légende, mais qu'on appréciait écouter. À sa compagne, ses proches et ses amis, Le Journal du Pneumatique adresse ses plus sincères condoléances.