Luc Chatel, PFA : "Il est minuit moins une pour l'industrie automobile"

Comme il en a pris l'habitude deux fois par an, le Syndicat du Pneu organisait à Paris, le 3 juillet 2025, ses Rencontres du Pneu et de l'Innovation. Et pour sa septième édition, le grand rendez-vous du monde de la gomme accueillait plusieurs invités prestigieux. Outre l'ancien président du Medef, Pierre Gattaz, l'après-midi a été animée par l'intervention de Luc Chatel. Le président de la Plateforme de la filière automobile (PFA) a posé une analyse aussi sévère que piquante sur l'état actuel de l'industrie automobile française et européenne.
"L'automobile a connu des crises dans le passé mais elle a toujours su faire preuve de résilience en trouvant des solutions, a rappelé en préambule l'ancien ministre de l'Éducation nationale. Cependant, la crise que nous traversons aujourd'hui est beaucoup plus complexe et dangereuse car elle peut remettre en cause l'existence même de cette industrie. L'automobile peut connaître ce qu'ont connu d'autres industries dans le passé."
"La France est désormais une petite nation automobile"
Un constat qui résulte de plusieurs phénomènes, à commencer par la baisse des volumes, "nous n'avons jamais vendu aussi peu d'automobiles en France" a-t-il rappelé, la hausse des prix, ou un contexte technologique et réglementaire bien trop flous pour les ménages. "L'UE a décidé qu'il n'y aurait qu'une seule solution, l'électrique, mais encore trop peu d'automobilistes y adhèrent. Et aujourd'hui, ils sont perdus. Le système est devenu horriblement compliqué. Les bonus ont changé 17 fois en cinq ans !"
Et si cela a un impact sur les immatriculations de véhicules neufs, ce phénomène pèse aussi lourdement sur la situation de la production nationale. "La France est désormais une petite nation automobile, juge ainsi Luc Chatel. Ce dernier note que 40 000 emplois ont déjà été perdus dans le secteur depuis cinq ans et 75 000 de plus le seront d'ici 2035, soit un tiers des effectifs en moins sur 15 ans. Un bilan "effrayant" qui pousse le président de la PFA à tirer, une nouvelle fois, le signal d'alarme.
S'inspirer des Chinois
"Plusieurs centaines de milliards ont été investis dans l'électrique, tout ça pour se rendre compte que les consommateurs n'achètent pas. Tout cela remet en cause la pérennité de notre chaîne de valeur. Auparavant, celle-ci était pleinement maîtrisée avec le thermique, alors qu'elle ne l'est plus du tout avec l'électrique. C'est un sabordage économique et industriel" pointe encore le président de la PFA. "Il est minuit moins une pour l'industrie automobile. Il faut agir vite !" juge ce dernier avant de détailler, devant l'assemblée du Syndicat du Pneu, son plan de bataille.
"On a coutume de dire que les Américains investissent, les Chinois innovent et les Européens règlementent. Et bien il faut changer ça. Déjà, en appliquant le rapport Draghi. Il va falloir s'adapter, assouplir les règles, redonner de la diversité technologique. Ensuite, en faisant comme les Chinois il y a 25 ans avec l'arrivée d'industriels dans le pays et la création de joint-ventures. Désormais, il faut leur dire que leur stratégie est tellement bonne que nous allons l'appliquer chez nous ! Mais à nos conditions", conclut Luc Chatel.