Avec le ZSR2, Sailun veut changer de catégorie
De l’importance de dépasser les préjugés. Si elle reste sujette à caution, la présence des firmes chinoises dans l’écosystème du pneumatique tend à se normaliser. Plus que le temps qui commence à faire son effet, c’est surtout la place et le développement de celles-ci qui contribuent à cette évolution. À condition toutefois de faire le tri, comme toujours, entre les bons élèves et les moins bons. Un message que plusieurs distributeurs français portent depuis des années.
Nombreux sont ceux à avoir cédé aux sirènes de l’empire du Milieu pour diversifier leur offre et proposer à leurs clients des solutions économiquement avantageuses. Omniprésent sur le segment premium, également très fort en quality, Distri Cash a fait ce pari. Et pas avec n’importe quelle marque. Depuis 2012, le groupe de Sainte-Soulle (17) est le distributeur exclusif de Sailun. "C’est très appréciable de travailler avec le groupe Sailun. On y trouve de la constance dans l’innovation, dans le niveau qualitatif et dans la dynamique", insiste Laurent Charlé, directeur des achats du distributeur.
Toutefois, Sailun reste encore méconnue dans l’Hexagone. Créée en 2002 par Mesnac, entité spécialisée dans la fabrication d’outils de production industrielle (dont celle du pneumatique), la firme de Qingdao a bien grandi en vingt ans. Classée au 12e rang du secteur, elle affiche une présence dans 180 pays et emploie 18 000 personnes dans le monde.
Structurée autour de quatre centres de R&D (dont un à Francfort), sept bureaux régionaux et autant d’usines, Sailun produit chaque année 83 millions d’enveloppes tourisme et 25 millions pour poids lourds. De quoi lui permettre de revendiquer un chiffre d’affaires de près de trois milliards de dollars et une part de marché mondiale évaluée à 3 %.
La France, deuxième débouché en Europe
Dauphine de ZC Rubber sur son marché domestique, la marque regarde paradoxalement ailleurs que chez elle à l’heure de présenter ses priorités. Y figurent tout en haut l’Amérique du Nord, son premier débouché à l’échelle du globe avec dix millions de ventes, et le Vieux Continent, second marché régional (six millions). À demi-mot, on comprend que ce dernier fait quasiment figure de priorité absolue. Parce que si beaucoup de choses restent à y construire, Sailun peut déjà se vanter d’y rayonner honorablement.
Après la Grande-Bretagne, où la firme écoule ses plus gros volumes, se trouve la France. Grâce à Distri Cash, elle commercialise sur notre territoire 350 000 à 400 000 pneumatiques chaque année. Un résultat complété par un volume similaire généré en poids lourd avec les marques Rovelo et RoadX. Directrice des ventes Europe, Anissa Zaknoune juge qu’il s’agit là "d’une performance vraiment notable, car la Grande-Bretagne est un marché où le segment budget domine assez largement [avec environ 60 % des ventes, ndlr], contrairement à la France où le premium reste majoritaire."
Ce constat aussi lucide qu’encourageant nourrit ses ambitions. Pour voir plus grand, Sailun dégaine un nouveau produit très prometteur. Pneu été UHP (ultra haute performance), le ZSR2 vient compléter l’offre de la marque sur ce segment avec une innovation riche en vertus, fruit d’investissements réguliers en R&D (30 % des profits).
Essai concluant
Avec sa bande de roulement asymétrique et son mélange de caoutchouc basé sur la technologie EcoPoint3, ce produit condense tout le savoir-faire acquis par le fabricant. Longévité accrue, résistance au roulement en baisse, consommation en carburant réduite, impact sonore amélioré… Les grincheux diront que Sailun ne fait que suivre les tendances technologiques. Sauf que les nouveaux standards du pneumatique restent extrêmement difficiles à atteindre.
Par ailleurs, rares sont les marques budget à encore relever ce défi. À l’initiative de Distri Cash, une grande journée de tests était organisée mi-octobre sur le circuit du Grand Sambuc (Vauvenargues, 13). L’occasion de voir ce que valait vraiment le ZSR2. Avant même de s’y frotter, notre instructeur se montrait désarmant de franchise.
"Quand on a vu débarquer ce ZSR2, un pneu chinois, on s’est regardé et on s’est dit qu’au bout de trois jours, l’affaire serait réglée… Sauf qu’en réalité, on a été très étonnés, et en bien, de nos premiers tours de roue, note-t-il. On a fait quelques kilomètres, on les a beaucoup sollicités et on s’est aperçu qu’ils répondaient très bien. C’est vraiment une belle surprise !" À notre tour, nous avons eu l’opportunité de vérifier cette sensation.
La proposition premium de Sailun
Trois exercices étaient proposés, à réaliser chacun à cinq reprises histoire de s’y familiariser. Le premier consistait à réaliser un freinage d’urgence en ligne droite, sur sol sec, à 80 km/h puis à 100 km/h. Quelle que soit la vitesse, notre véhicule, une Megane RS Trophy-R, n’a jamais dévié. Deuxième atelier avec un slalom entre dix cônes effectué à une vitesse constante de 40 km/h. Là encore, ce nouveau produit se montre difficile à prendre en défaut. La voiture s’engage bien, aucune perturbation n’est ressentie et la trajectoire est tenue.
Le dernier exercice portait sur un autre freinage d’urgence, à 80 km/h et sur surface humide. En dépit d’un léger sous-virage, le ZSR2 fait étalage de son assurance. Les instructeurs du Grand Sambuc ne mentaient pas ! Notée B en consommation, A en freinage sur route mouillée et A en impact sonore (69 dB), cette innovation est une réussite qui se décline de 16 à 20 pouces avec 75 dimensions disponibles depuis cet automne, et d’autres annoncées pour le printemps 2024.
Pour compléter le spectre, une variante, le ZSR2 EV, a été conçue pour les véhicules électriques. Une façon pour Sailun de répondre à une demande grandissante, mais aussi de gagner en crédibilité avec l’étiquette de "celui qui sait faire". À court comme à moyen terme, cette innovation va porter sa croissance. Car le ZSR2 ne vient pas remplacer, mais compléter le ZSR. "Il est le produit premium de Sailun", précise Anissa Zaknoune. De 10 à 15 % plus cher que son prédécesseur, il reste largement en dessous des standards tarifaires des premium (de l’ordre de 60 %).
Un pneu budget, vraiment ?
Ce qui interroge forcément certains pneumaticiens également présents sur cette journée d’essais. Sailun demeurera-t-il encore longtemps une marque budget ? Une question difficile à trancher pour ses représentants. Ce nouveau produit va aider la firme de Qingdao à changer son image et peut-être aussi son positionnement.
Au vu de ses qualités intrinsèques, le ZSR2 peut légitimement prétendre occuper un créneau assez unique, une sorte de budget premium ou de Tier 3 haut de gamme. Un ersatz qui pourrait être un véritable atout pour les revendeurs. Au client qui voudra une enveloppe économique, ils pourront ainsi proposer cette option plus qualitative pour un surcoût de quatre ou cinq euros.
À plus grande échelle, d’autres défis se présentent. Si la marque s’appuie déjà sur une démarche régionalisée, avec des produits pensés depuis la Chine pour chaque marché, il conviendra à Sailun d’assimiler encore davantage les spécificités européennes. La création d’une usine sur le continent est dans les tuyaux. Toujours dans une logique de crédibilité, la question de l’équipement d’origine devrait logiquement arriver sur la table.
Si Sailun n’accompagne actuellement en sortie d’usine que des constructeurs chinois (BYD, Nio…), son arrivée auprès de concurrents européens constituerait assurément un développement majeur. Enfin, pour se faire connaître du grand public, des investissements seront consacrés au marketing et à la communication, comme c’est le cas en Amérique du Nord. Si aucun chiffre n’est avancé pour l’Europe, la marque ambitionne d’atteindre "à moyen terme" 10 % de part de marché dans le monde.
Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°182 de novembre-décembre 2023.