Achat de pneumatiques en ligne : bien, mais peut mieux faire
Tandis que la Fevad (Fédération e-commerce et vente à distance) plaçait, en 2023, la France au deuxième rang des plus gros marchés du e-commerce européen (en chiffre d’affaires), derrière le Royaume-Uni mais devant l’Allemagne, la place du digital dans nos habitudes de consommation est aujourd’hui incontournable. La crise sanitaire de 2020 a eu pour effet de booster un phénomène qui ne s’est, depuis, jamais altéré.
Dans ce contexte, il est intéressant d’étudier comment se sont adaptés les principaux acteurs de ce secteur pour répondre à la fois à une demande grandissante mais aussi aux besoins pratico-pratiques des consommateurs. Un sujet que maîtrise sur le bout des doigts Rémi Rivière. Pionnier d’internet, ce dernier a développé dans les années 90 un site e-commerce dans l’univers de l’horlogerie avant de découvrir l’automobile.
Recruté par Renault, il travaille sur les premières plateformes web internationales du constructeur au losange avant de gérer le marketing digital de Nissan, puis la stratégie digitale d’Europcar. Devenu en 2014 consultant, et fort de son expertise, il a l’idée quelques années après de créer un référentiel sur le parcours d’achat en ligne proposé par les principaux représentants du secteur.
Deux études vont alors évaluer l’e-commerce après-vente de sites spécialisés, de constructeurs ou encore de réseaux. Aujourd’hui, Rémi Rivière récidive en ciblant son analyse sur l’activité pneumatique.
Un spectre d’étude très large
Six mois de travail ont été nécessaires pour passer au crible 45 sites selon la même logique. Des plateformes spécialisées dans la gomme, des enseignes de centres autos, de réparation rapide, de pneumaticiens, des réseaux multimarque, des constructeurs automobiles… le spectre est large. Il comprend même deux enseignes internationales pour challenger les représentants tricolores avec d’autres étrangers.
Tous ont obtenu une note sur 100 sur la base de plusieurs items. Le cœur de cette étude (80 % de la note finale) porte sur le parcours client avec un tunnel d’achat qui comprend l’accès aux produits, le mode de recherche (par références des pneus ou immatriculation du véhicule), les filtres de recherche, le montage des enveloppes (prestataires) et enfin les solutions de paiement (oui ou non, si oui, de quels types).
Le reste de la notation s’arrête sur des éléments indirectement liés au parcours d’achat, mais tout aussi important pour la satisfaction de l’internaute. Sont notamment analysées la longueur du processus d’achat, la qualité du responsive design (l’expérience est-elle aussi fluide sur un ordinateur que sur un smartphone, avec une plateforme adaptée à chaque outil ?), ou encore les aides proposées au consommateur (informations, comparatifs, service d’hivernage, montage à domicile, spécificités des pneus pour VE…).
Si Rémi Rivière réserve le détail de cette étude à ses clients, il nous livre les principaux enseignements de son QualiScore ABS Pneumatique.
Une note moyenne de 59,9/100
"Globalement, nous avons en France plutôt de bons élèves avec un marché mature, fait-il remarquer. 27 des 45 enseignes étudiées sont ainsi considérées comme bonnes, très bonnes ou excellentes sur cette question du parcours digital". La note moyenne s’établit à 59,9/100 et celle médiane à 61.
Dans le haut du panier, figurent notamment Allopneus, spécialiste et leader incontesté du pneu sur Internet dans l’Hexagone, mais aussi des enseignes comme Euromaster, Feu Vert, Vulco ou encore Norauto. L’exemple du réseau détenu par Mobivia est assez significatif, car celui-ci pointait aussi parmi les meilleurs lors des études après-vente.
Rémi Rivière souligne en outre que, à l’échelle d’un groupe, les stratégies digitales peuvent varier du très bon au beaucoup moins bon "car il n’y a pas ou peu de synergies. On est dans une logique de mise en concurrence plus que de partage de valeur". Chez Mobivia, les réseaux Norauto, Midas et Carter-Cash ne performent donc pas tous autant sur cette problématique.
Toujours sur les tendances générales, l’étude QualiScore ABS Pneumatique met en exergue des résultats globalement bons en matière de recherches et de prises de rendez-vous en ligne. En revanche, les pratiques sont plus décevantes, et en deçà des attentes de notre époque, sur la question du paiement.
Certaines enseignes sont très en avance avec des outils variés et perfectionnés, d’autres beaucoup moins. Rémi Rivière relève même que plusieurs sites dissocient l’achat de pneus et celui de prestations comme le montage. Un non-sens qui nuit à l’expérience utilisateur.
Proposer des pistes d’amélioration
Véritable enjeu du e-commerce, l'expérience utilisateur s’avère assez bonne avec un parcours court et fluide. Toutefois, quelques obstacles demeurent. Par exemple, la plupart des sites passés au crible n’aident pas l’internaute à trouver les dimensions de ses pneus. L’étiquetage européen, bien que systématiquement mis en avant, ne fait jamais l’objet d’explications plus détaillées.
Enfin, le parcours d'achat ne s’accompagne que très rarement en parallèle d’un parcours "informationnel". Seule l’enseigne Auto Leclerc fait cet effort de conseils. "Souvent, les fiches d’informations sont difficiles à trouver et les FAQ, les foires aux questions, sont peu développées ou peu pertinentes", complète Rémi Rivière.
Pour en revenir au classement, l’étude ne met pas particulièrement en valeur les constructeurs automobiles. On pourrait ainsi y trouver une forme de normalité, le pneumatique n’étant pas leur spécialité, sauf que "leurs résultats décevants sont davantage liés à un manque d’information généraliste et à la faiblesse des services de paiement".
Autre enseigne pas vraiment gâtée par l’étude QualiScore ABS Pneumatique, Point S figure parmi les moins bons élèves. Une incongruité pour le premier réseau indépendant du marché français ? Pas vraiment, à entendre Rémi Rivière, qui note qu’il n’y a chez Point S aucune stratégie digitale. "C’est difficile de comprendre ce désintérêt" note-t-il.
Ce dernier espère désormais que son référentiel trouvera écho auprès du marché. Car tout l’intérêt de ce travail, matérialisé sous forme de fiches détaillées, est d’offrir aux parties prenantes un état des lieux de la situation, avec les points forts et faibles, et des pistes d’amélioration. Un appui incontournable pour grandir sur le digital.
Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°184 de mars-avril 2024.