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Distribution

Véhicules électriques : les réseaux s’adaptent encore et toujours

Publié le 17 avril 2024

Par Romain Baly
4 min de lecture
Le boom des ventes d’électriques est désormais une réalité avec près d’un million de véhicules sur les routes en France à fin 2023. Les réseaux de réparations secondaires doivent donc adapter leurs centres à cette nouvelle technologie, sans oublier le véhicule thermique qui représente encore 97 % du parc roulant français.
Le réseau Speedy a noué des partenariats pour l’entretien des voitures électriques du constructeur américain Fisker, ainsi que des scooters électriques de Zeway. ©Speedy

Ce n’est plus une nouveauté. Le véhicule électrique est en pleine effervescence. Avec les ZFE, le malus et la fin annoncée des ventes de véhicules thermiques pour 2035 dans l’UE, les constructeurs doivent se tourner vers le tout-électrique. En conséquence, les automobilistes français n’auront à terme d’autre choix que de se tourner vers cette technologie.

Les chiffres témoignent déjà de ce phénomène. La Plateforme de l'automobile (PFA) a enregistré une multiplication par deux du nombre de VE immatriculés entre 2020 et 2022, passant de moins de 200 000 à presque 500 000 unités. D’après une enquête menée il y a dix-huit mois par le spécialiste de la recharge Virta, ces nouvelles mobilités représenteraient 40 % des intentions d’achat des Français en 2024.

S’il est encore trop tôt pour confirmer ces chiffres, les véhicules électriques commencent à vieillir et les automobilistes précurseurs sont désormais contraints d’entretenir leur moyen de déplacement. La part de véhicules réparés dans ces réseaux reste toutefois encore marginale. Pour l’année 2023, Norauto a comptabilisé 4 % de véhicules électriques dans ses centres.

Lionel Haberlé, directeur du marketing et de la communication de Point S, explique ces disparités : "Avec l’électrique, les automobilistes restent méfiants et ont pour premier réflexe d’aller dans les réseaux constructeurs plutôt que dans les réseaux secondaires." Alors, en attendant que les habitudes des automobilistes changent, les enseignes en profitent pour former leurs collaborateurs.

L’impératif de la formation

Dans les centres, les réparateurs connaissent l’entretien du véhicule thermique jusqu’au bout des doigts. Vidanges, filtres à huile et essence… Toutes ces prestations de maintenance disparaissent totalement avec l’électrique. Si de nombreuses opérations, notamment sur le freinage, les pneumatiques et les trains roulants, restent inchangées, le cœur de ces technologies nécessite de s’adapter.

D’autant plus que quiconque ayant une formation de réparateur automobile n’a pas forcément l’habilitation nécessaire à la réparation d’un VE. Pour ce faire, les réseaux doivent employer les grands moyens et déployer des formations pour des centaines, voire des milliers de personnes. Une opération coûteuse, mais nécessaire au futur des ateliers.

Matthieu Catteau, leader des prestations atelier électroniques et électriques chez Norauto France, a été appelé pour s’occuper de cette vaste opération. Le réseau a mis en place un centre de recherche et développement dédié. Les collaborateurs des centres Norauto ont été formés pendant un mois d’abord sur les prestations électroniques, Adas et autres technologies embarquées, puis sur le volet électrique avec une partie consacrée aux réparateurs et une autre aux vendeurs.

Des technologies à appréhender

"Nous formons les collaborateurs au niveau des prestations atelier, mais également sur la partie management et vente. L’objectif est de démystifier le véhicule électrique autant pour le vendeur que pour le client. Il doit pouvoir conseiller sur les produits dédiés au véhicule électrique tels que les solutions de câblage, l’installation de bornes de recharge à domicile ou encore les pneus spécifiques", explique-t-il.

Ces derniers mois, Norauto a installé 130 points de recharge dans ses centres et propose un service d’installation de bornes à domicile. ©Norauto

 

L’enseigne du groupe Mobivia s’est fixée un objectif de 150 centres habilités d’ici à la fin de l’année. Le directeur général de Midas France, Julien Gourand, vise encore plus grand : "On souhaite que 100 % de nos centres soient habilités à recevoir des véhicules électriques". Les équipes du fast fitters sont aussi formées en interne en suivant le même schéma.

"Il faut d’abord s’accaparer les technologies électroniques qui sont omniprésentes sur les véhicules neufs, avant de pouvoir recevoir une voiture électrique avec encore plus de technologie embarquée. Pour qu’il y ait une formation continue et apprenante, nous avons procédé à des investissements massifs avec un centre de recherche pour maîtriser toutes les technologies et mettre ces connaissances à disposition des réparateurs avec un call center. Pour ce dernier point, nous avons recruté des ingénieurs spécialisés dans ces technologies."

In fine, tous s’accordent à dire que s’adapter au véhicule électrique revient à monter tout un écosystème autour de la formation des collaborateurs.

Un investissement matériel obligatoire

En outre, cette technologie engendre un autre type d’investissement pour les centres. L’équipement devient ainsi un impératif. Avant chaque opération, la consignation du véhicule, autrement dit sa mise hors tension, est obligatoire. Les voltages sont très importants et manipuler la voiture sans passer par cette étape constituerait un risque mortel. Les centres ont donc dû s’adapter en équipant les électromécaniciens à même de travailler sur ces véhicules.

"La contrainte, c’est l’investissement matériel, on l’estime à environ 10 000 euros", évalue Lionel Haberlé. Outre l’outil diagnostic, ce sont notamment des équipements de protection individuelle et collective normés qu’il faut ajouter à chaque atelier. Mais certains outils spécifiques ne sont pas encore nécessaires au vu des prestations réalisées sur ces véhicules encore récents.

"Dans le futur, on devra s’adapter à des opérations nécessitant plus de main d’œuvre, de technique et d’outils en raison du poids des batteries ou encore de leur climatisation", ajoute le responsable de Point S. La plupart de ces véhicules bénéficient de la garantie constructeur, et les prestations réalisées par ces réseaux se résument à des révisions ou des changements de pièces d’usure.

Les prestations se montrent équivalentes en termes de prix, voire plus économiques. Bien que les pièces d’usure soient relativement plus chères et plus spécifiques, les véhicules électriques ont un freinage plus puissant, mais aussi un couple présent à bas régime pouvant user anormalement les pneumatiques. "Une révision sur un véhicule électrique, hors consommables, coûte en moyenne 130 euros, ce qui est inférieur à une simple vidange", appuie Matthieu Catteau.

Un service qui peut rapporter

Un dernier point entre en jeu avec les bornes de recharge où les stratégies divergent. Le réseau Point S a préféré en faire l’impasse. Norauto, de son côté, a déployé un réseau conséquent, avec 130 équipements déjà installés, ainsi qu’un service de vente et d’installation de bornes à domicile.

Mais le précurseur sur le sujet reste Speedy. L’enseigne de Bridgestone a d’abord mis à la disposition de ses clients de la recharge gratuite, mais le besoin de rentabilité s'est fait sentir. Romain Vancappel, directeur marketing, achats, stratégie et innovation, explique : "Avec l’augmentation des coûts de l’énergie en 2023, on est passé à une facturation au kilowatt pour absorber ces surcoûts."

En 2023, le cap des 100 000 points de recharge fixé par le gouvernement français a été dépassé, mais il reste encore du chemin à parcourir pour que l’offre soit équivalente à la demande.

Toujours est-il que les réseaux de réparations s’adaptent à l’évolution de la technologie : "On prend le véhicule électrique comme une opportunité de business positive, qui permet d’assurer la pérennité de notre métier et la confiance de nos clients", conclut Romain Vancappel.

 

Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°184 de mars-avril 2024.

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