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Manufacturiers

Cataroux : d’usine à vitrine, l’héritage vivant de Michelin

Publié le 23 juillet 2025

Par Romain Baly
5 min de lecture
Implantation historique du groupe située depuis plus d’un siècle en plein cœur de Clermont-Ferrand (63), le site de Cataroux est un trait d’union entre le passé et le futur de Bibendum. Les dizaines d’hectares de bâtiments désaffectés laissent progressivement place à des activités variées où se côtoient formation, innovation et compétition.
Situé en plein cœur de Clermont-Ferrand, le site de Cataroux s’étend sur 42 hectares.

De près comme de loin, Cataroux est indissociable de Clermont-Ferrand. Les célèbres pistes "va-et-vient", longues de 450 m et hautes de 20 à 30 m, fermées depuis 2001, font partie intégrante du paysage local. Du haut du Puy-de-Dôme comme depuis l’autoroute A71, on les remarque au premier coup d’œil. D’une certaine façon, par sa démesure, son impact et sa renommée, ce site caractérise à lui seul ce que représente Michelin dans son bastion de toujours.

Ouverte en 1921, l’usine est l’une des implantations historiques du groupe. Après la Première Guerre mondiale, elle fait figure d’outil de pointe dans l’univers du pneumatique et plus globalement dans toute l’industrie. C’est là que seront développées quelques innovations majeures du pneu, telles que les renforts métalliques ou textiles ainsi que le caoutchouc synthétique. Plus anecdotique mais tout aussi symbolique, c’est aussi là que les bornes kilométriques seront produites, tout comme les fameuses Micheline, ces autorails mis au point par le groupe.

Les célèbres rampes d’essais, fermées depuis 2001, ont contribué à la renommée du site. ©Michelin

Les célèbres rampes d’essais, fermées depuis 2001, ont contribué à la renommée du site. ©Michelin

 

Impliqué dans l’effort national pendant la Seconde Guerre mondiale, Cataroux démontre toute son ingéniosité en fabriquant des remorques pour vélo, des voitures d’enfants, des poêles à bois ou des semelles récupérées dans de vieilles enveloppes. Mais le 17 mars 1944, un déluge s’abat sur Cataroux. Les bombardements détruisent une bonne partie du site, dont le toit des pistes, alors que les cheminées sont sauvées de justesse.

Et déjà à cette époque, le sens du rebond et du renouvellement est au cœur de son évolution. Rapidement rebâtie, l’usine reprend le cours de son histoire. Le Radial y naîtra et y sera industrialisé, faisant de ce lieu un endroit iconique du monde de la gomme. Après le Radial pour voiture en 1949, c’est là que les déclinaisons poids lourds (1952) ou génie civil (1959) seront fabriquées.

Rendre Cataroux aux Clermontois

Sauf que le début du XXIe siècle, marqué par une profonde mutation industrielle dans le pneu comme ailleurs au profit du tertiaire, va amener cette implantation à se vider progressivement de ses activités et de ses représentants. De nombreux bâtiments vont alors fermer leurs portes. Si aujourd’hui Bibendum peine à l’avouer, les friches de Cataroux ont longtemps abîmé le paysage clermontois tout autant que son image dans la métropole des Avernes.

Ce qui a pendant des dizaines d’années été un atout, un exemple, voire une vitrine, devenait alors une tache, un point noir, un problème à résoudre. À la mesure du site, les discussions auront mis du temps à se concrétiser. Beaucoup de temps. Si l’ouverture dans le bâtiment G11 en janvier 2009 de l’Aventure Michelin, que Le Journal du Pneumatique avait eu la chance d’explorer en 2023 (voir n° 178), a posé les bases du renouvellement, tout s’est accéléré avec le programme Parc Cataroux présenté en 2019.

Par celui-ci, Michelin redéfinit alors précisément ce qu’il voulait faire du site en redessinant les espaces, en lui réaffectant certaines activités, en y développant de nouvelles et, plus symboliquement, en le rendant d’une certaine façon aux Clermontois.

"Aucun acteur ne peut à lui seul répondre aux défis collectifs qui se posent au monde. De même, aucun projet ne peut s’envisager sans considérer l’ensemble de ses impacts économiques, sociaux ou environnementaux. Le Parc Cataroux illustre cette double nécessité d’une collaboration devenue indispensable entre acteurs publics et privés, au bénéfice de l’ensemble de la société civile", résumait il y a quelques années Florent Menegaux, président du groupe. Le projet est encore loin d’être terminé, mais ce n’est pas une surprise compte tenu de l’immensité du site.

Le PIC, future référence en Europe

Au printemps, Michelin a proposé à la presse tricolore de découvrir ce lieu en pleine mutation. Preuve en est, notre guide nous rappelle en préambule que les activités purement industrielles n’occupent plus aujourd’hui que 17 des 42 hectares. Le reste se partage entre quatre pôles, certains dédiés à Bibendum, d’autres ouverts à une multitude d’entreprises et d’acteurs économiques.

L’une des plus symboliques peut-être se concentre sur la formation. La belle endormie qu’était devenue Cataroux se pose en acteur de la vie locale et régionale. Entre la Manufacture des talents, université d’entreprise du groupe Michelin ouverte en 2022, et le Hall 32, centre de formation aux métiers de l’industrie créé en 2019 par plusieurs entreprises dont Michelin et en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, le site entend développer l’employabilité de tous, des plus ou moins jeunes, tout au long de la vie.

Illustration de la transformation qui s’opère à Cataroux, le pôle d’innovation collaboratif (PIC), opérationnel d’ici la fin 2025, rassemblera quotidiennement plus de 2 500 personnes. ©Michelin

Illustration de la transformation qui s’opère à Cataroux, le pôle d’innovation collaboratif (PIC), opérationnel d’ici la fin 2025, rassemblera quotidiennement plus de 2 500 personnes. ©Michelin

 

Autre sujet stratégique pour l’avenir, l’innovation, présente à Cataroux depuis toujours, prend forme aujourd’hui autour de grandes initiatives. La première porte sur le Centre des matériaux durables qui, comme son nom l’indique, vise à soutenir le développement de matériaux innovants dans une démarche d’économie circulaire. La société Carbios, spécialisée dans le recyclage de PET, a été la première à s’implanter dans ce pôle en 2021. Elle a été rejointe l’an passé par une start-up baptisée Bobine qui développe une technologie permettant la production de plastiques recyclés à partir de déchets aujourd’hui non valorisables.

Non loin de ces jeunes pousses, Cataroux abritera aussi d’ici fin 2025 le PIC, pôle d’innovation collaboratif, qui rassemblera quotidiennement plus de 2 500 personnes avec des associations, des universités ou des réseaux professionnels intégrés. Pour Michelin, le PIC constituera à terme l’un des plus grands espaces de coliving et de coworking d’Europe.

Un bel avenir pour le quartier des pistes

Côté production, si Cataroux ne constitue plus le poumon industriel du groupe, le site accueille toujours une activité clé. C’est en effet là que se trouvent les lignes de fabrication des pneus de compétition. L’usine en question a gardé le patronyme d’École du Pneu, un faux ami qui renvoie à la vocation première du lieu, mais se concentre désormais bel et bien sur les enveloppes de haute technologie pour la MotoGP, le WEC (endurance), le GT3 ou encore l’ERC (championnat d’Europe des rallyes).

Cet atelier rassemble 450 personnes. À contrecourant des volumes et de l’automatisation qui prévaut partout ailleurs, ici la production relève plus de l’artisanat que du mass market. De l’assemblage à la cuisson, certaines unités demandent jusqu’à un jour et demi pour être totalement finalisées. Les 300 000 pneus qui en sortent (avec un ratio à 75/25 entre le marché des particuliers et celui du corporate) s’avèrent ainsi une goutte d’eau dans l’écosystème de Michelin, mais une goutte qui a valeur de vitrine de son savoir-faire.

Bien lancé, le projet de transformation de Cataroux est encore loin d’être terminé. Le Centre des matériaux durables prendra prochainement une nouvelle envergure en accueillant la future Biotech open platform. Aux côtés de Michelin, Danone, le Crédit Agricole et la start-up américaine DMC Biotechnologies, soutenus par l’université Clermont Auvergne, la société Greentech, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et Clermont Auvergne Métropole, ont choisi de s’engager collectivement.

En parallèle, c’est toute la réhabilitation du quartier des pistes qui sera finalisée. Michelin ambitionne de faire naître d’ici 2028 un quartier de dix hectares qualifié de "vivant, inclusif et fédérateur", mais aussi "attractif pour les habitants et les visiteurs de Clermont-Ferrand".

Une grande halle, une salle de spectacle de 1 600 places ou encore un lieu de découverte gastronomique verront le jour. Les rampes seront quant à elles ouvertes au public "avec l’intention d’y développer une expérience immersive". Enfin, l’Aventure y installera aussi ses nouveaux quartiers dans un espace plus vaste qui permettra d’améliorer la mise en valeur du patrimoine du groupe. Moyennant une enveloppe de 130 millions d’euros, Michelin espère achever son projet d’ici début 2028 et accueillir à terme 400 000 visiteurs.

 

Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°190 de mai-juin 2025.

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