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Manufacturiers

Pneus militaires Michelin et Continental : chacun sa stratégie

Publié le 8 octobre 2014

Par cynthia
5 min de lecture
Grande première à Eurosatory 2014, Continental y disposait enfin d’un stand. Celui qui, depuis des années, est le plus gros fournisseur de pneus à l’armée française, marche enfin à visage découvert. Ce changement de stratégie suit la création, il y a un an, d’une « division militaire » au plan mondial et l’arrivée d’une communication plus ouverte, avec vendeurs et clients sur le stand. A l’opposé, exposant de toujours à Satory puis Eurosatory, Michelin montrait la nouveauté attendue, le révolutionnaire pneu « anti mines » conçu pour les engins Souvim de déminage rapide.

Déception, on n’en a pas appris plus sur cette merveille qu’à la présentation d’avant Eurosatory. En revanche on a vu réapparaître une autre innovation « civile », largement commercialisée mais jusque là réservée en exclusivité à l’Amérique, le Tweel. Ce pneu « sans air », en fait une roue souple en plastique ceinturée d’un peu de caoutchouc, y réalise déjà une belle carrière sur les petits skidsteer, Bobcats et autres. Sa technologie progressant régulièrement, Tweel dépasse maintenant largement en performance, confort et durabilité les pneus bias ou pleins qui lui sont opposés.
Un coup de projecteur à Villepinte pour rafraichir les mémoires avant une possible arrivée en Europe ?

ll ne manquait qu’une information sur le pneu « anti-mines » de Bibendum, son nom. Depuis l’expo militaire Eurosatory 2014 on le connaît, il se nomme LX-Psi, qui se décompose aisément en pneu X (radial) basse (L/low) pression (Psi). Ce pneu, qui pèse moins sur le sol qu’une patte de lapin mérite bien ce vocable, un examen à la loupe de l’unique pneu exposé à Villepinte renforce l’idée qu’il s’agit bien d’un tour de force technique. D’abord la mousse, sachant qu’il y en 10 cm d’épaisseur et qu’elle permet le passage sur les mines sans les déclencher, résiste à l’analyse. On s’attend à ce que le doigt s’y enfonce comme dans du beurre, erreur : la surface est certes plus souple qu’une bande de roulement ordinaire mais résistante au toucher. Un examen des flancs montre, sous une mince couche de gomme, une sorte de résille, un filet, comprimant la mousse sur les flancs et la bande de roulement. En clair, ce n’est pas un examen visuel superficiel qui va livrer les secrets du LX-Psi, 710/75 R34, les technologies de pointe sont là, et bien cachées. On mesure aussi l’habileté des spécialistes qui construisent – à la main – ces merveilleux pneus venus d’ailleurs.

Un Tweel à redécouvrir d’urgence

Reste que l’essentiel du stand Michelin, était consacré à un revenant, le Tweel. Historiquement, il a été présenté aux Etats Unis en même temps que le PAV, devenu PAX (1996) et quasiment abandonné depuis, sauf pour quelques rares voitures blindées de VIP. Les démonstrations d’alors avec des Audi ont surpris le monde du pneu. Depuis tous les manufacturiers ayant montré de semblables produits ont tout juste renouvelé la performance, puisqu’ on vous montre chaque fois des voitures hyper légères roulant à faible allure. Même si certains annoncent 60 km/h, cette caractéristique « basse vitesse » semble, pour l’instant, coller aux basques du principe même de « la roue bâton en plastique ». Ainsi le Tweel est commercialisé aux États- Unis avec succès sur des mini chargeuses, les fameux skidsteer, avec l’obligation de ne jamais dépasser 40 km/h. Fabriqués en dimensions 12x16.5 dans l’usine de Greenville, cette vitesse s’avère largement suffisante pour concurrencer les pneus bias et solides (pleins et alvéolés) chaussant les mêmes machines. La vitesse limitée n’est donc, dans ce cas, pas un désavantage fondamental. En revanche, l’avantage décisif du Tweel est d’offrir deux fois plus d’heures de service que les meilleurs bias, surclassant de peu les plus performants des pneus solides, mais cette fois avec bien plus de performances aux plans du confort, de la maniabilité et de l’usure du matériel (une video le démontrait sans aucun doute possible sur le stand).
Cette merveille de Tweel est vendue 1100 $ pièce, comme les pneus solides haut de gamme, un prix élevé tout de même certes concurrentiel mais qui ne doit pas laisser une grosse marge à Bibendum. Outre la technique très particulière d’injection des « bâtons » des roues en plastique de très haute qualité, il faut savoir que la bande de roulement caoutchouc en contact avec le sol comprend plusieurs nappes métalliques bobinées à zéro degré, cousines ( mais pas filles ) de la très réputée technique Infinicoil des pneus PL. Autre avantage, ces bandes de roulement sont rechapables et rechapées. Sachant que les Tweel actuels peuvent porter chacun 4400 livres, que les 5 tonnes à l’essieu sont possibles, une conclusion s’impose : le Tweel est en train de se rapprocher des pneus PL. Pour certains engins spéciaux, comme le véhicule de nettoyage urbain de John Deere, c’est déjà chose faite. D’où une seconde question, pourquoi le Tweel n’est-il pas homologué en Europe ? Interrogation sans réponse pour l’instant mais la présence du Tweel à Eurosatory n’est pas fortuite, il y a forcément anguille sous roche ou, pour le moins, volonté de tester un marché ou des solutions voisines commencent à exister...

Continental pavillon haut

La grosse surprise d’Eurosatory 2014, il fallait la chercher du côté de Continental. Pour la première fois, un stand – minimal – représentait celui qui ,depuis très longtemps, est le principal fournisseur de pneumatiques de l’Armée française. « Avec les deux marques, Uniroyal et Continental, nous équipons 80% de l’Armée française, confirme Jean-Marc Veaux, responsable ventes militaires depuis 5 ans, en première monte comme au remplacement nous sommes n°1 en volumes. L’Armée fait partie du Top 5 des clients de Conti en France ». La nouvelle ne surprendra que les non initiés, il y a 20 ans Uniroyal occupait déjà cette position et faisait rechaper les pneus « Qui roulent très peu mais se dégradent vite avec l’immobilité et l’âge » chez Escoffier, à Nîmes. « Aujourd’hui, l’Armée ne veut plus de rechapés », confirme Jean-Marc Veaux, ce qui génère par ricochet d’autres problèmes. Par exemple pour les pneus remorque de Jeep, il a fallu ressortir les vieux moules et refaire des pneus neufs !
Tout ceci est secondaire par rapport à la grande nouvelle de la première expo Continental à Eurosatory, justifiée par l’équipement à 100 % en OE et 100 % au remplacement du nouveau canon automoteur Caesar. Cette merveille remarquée par le monde entier, exploitée avec succès en Afghanistan, sera exclusivement chaussée par Continental et Jean Marc-Veaux n’en est pas peu fier : « Nous avons subi les mêmes tests DGA que notre concurrent (NDLR, devinez lequel?), nous étions au même niveau pour les performances mais nettement mieux placés en prix ». Le principal défi technique pour ces pneus est qu’ils doivent servir, et parfois du jour au lendemain, sur des terrains très variés, dur et rocailleux, sable, boue, parfois avec d’énormes écarts de température. La solution unique est de dessiner une bande de roulement polyvalente et de faire varier la pression, hyper basse pour la sable, élevée pour le rocher. Il faut donc concevoir des carcasses particulièrement étudiées pour résister à ces conditions extrêmes. C’est le cas des HCS et HSO Military qui tronaient sur le stand. Autre problème inhérent aux véhicules militaires, les spécifications techniques qui évoluent au fil de la mise au point du projet. Ainsi le VBCI, véhicule blindé à 8 roues qui devrait remplacer certains VAB, est-il passé en cours de gestation de 26 à 32 tonnes, aux pneus de suivre...
Tout ceci n’est pas nouveau, l’humour militaire disait autrefois que Michelin ne s’intéressait qu’aux protos et Uniroyal aux ventes, mais le changement c’est que Continental parle enfin et expose ses produits en public. « C’est normal, assure Jean-Marc Veaux, car depuis un an Continental a mis en place une structure militaire mondiale. Il s’agit bien d’une volonté affirmée qui change notre façon de communiquer » . Et pour confirmer ses dires il ajoute : « Allez voir Hutchinson, ils font des études pour de nouveaux dispositifs de roulage à plat, et nous leur avons confié des pneus ».
Effectivement, le Français n°1 mondial du bead lock et des équipements de roulage à plat, montrait ses nouveaux matériels allégés installés dans des pneus PL Continental. La firme de Hanovre a vraiment réussi son entrée médiatique à Eurosatory...

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