Bruxelles va déclencher une nouvelle enquête sur les pneus chinois

Les pneus chinois de nouveau dans le viseur de l'Union européenne. Il y a huit ans, une enquête portant sur les enveloppes neuves et rechapées pour camion et autobus provenant de l'empire du Milieu avait abouti en 2018 à la mise en place de mesures antidumping. Aujourd'hui, c'est un segment autrement plus important, sur le plan volumétrique, qui est visé. La direction générale du Commerce de la Commission européenne a annoncé qu'une nouvelle enquête concernant les pneus pour véhicules de tourisme et utilitaires légers allait être amorcée.

Selon certaines sources, celle-ci sera officiellement lancée le 20 mai prochain. Interrogé par Tyrepress, Alfred Graham, président de la British imported tyre manufacturers association, indique que "la représentation chinoise à Bruxelles a été informée par l'UE" de cette démarche. Preuve que le sujet n'a rien d'un feu de paille, l'association chinoise de l'industrie du caoutchouc (CRIA) s'est déjà positionnée déclarant que, si l'UE allait au bout de son initiative, elle inciterait immédiatement les entreprises concernées, et potentiellement impactées, à réagir et à se défendre.

Une croissance de 50 % en six ans

Cités par le site internet Shanghai Metals Market, des avocats spécialisés expliquent que "les entreprises exportatrices doivent faire preuve d'une prudence particulière pour éviter de vendre à bas prix sur les marchés nationaux et étrangers, et ne doivent pas se précipiter pour exporter vers l'UE pendant la période" de l'enquête.

La démarche de Bruxelles n'a rien d'étonnante. Depuis de longues années, plusieurs acteurs du monde de la gomme dénoncent ce qui s'apparente d'après eux à des pratiques anticommerciales et anticoncurrentielles de la part des manufacturiers chinois. Ces derniers bénéficient en outre de substantielles subventions gouvernementales qui, l'un dans l'autre, contribuent à déséquilibrer le commerce de pneumatiques sur le sol européen.

Preuve en est, le poids des manufacturiers chinois n'a fait qu'augmenter ces dernières années. Dans son dernier bilan annuel, l'ETRMA, l'association européenne des fabricants de pneus et de caoutchouc, indiquait que les importations en provenance de l'empire du Milieu avaient bondi de 17 % entre 2023 et 2024 et de 50 % entre 2019 et 2024 ! L'an passé, sur un total de 154 millions d'enveloppes extracontinentales comptabilisées, 110 millions étaient à mettre au crédit des représentants chinois.

Des mesures aux effets limités

Alors que cette enquête pourrait aboutir une nouvelle fois à un encadrement plus strict des pneus provenant de Chine, l'histoire récente donne déjà quelques enseignements, quelles que soient les décisions de Bruxelles. Si les mesures antidumping actées en 2018 ont permis de quelque peu limiter les volumes chinois, la réalité montre surtout que les représentants de Pékin ont su, très vite, s'adapter pour les contourner. Plusieurs manufacturiers chinois ont ainsi ouvert des usines au Vietnam ou en Thaïlande pour continuer de rayonner sur le Vieux Continent.

L'ETRMA dénombrait ainsi 6,3 millions de pneus poids lourds importés hors de l'UE sur les neuf premiers mois de 2024. Un total en hausse de 3 % sur un an et de 23 % sur six ans… À ce petit jeu, c'est d'ailleurs la Thaïlande qui domine, devant le Vietnam (avec des volumes en progression de 23 % entre 2023 et 2024 !) et… la Chine.