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Etiquetage des pneus rechapés: "le rôle de la carcasse n'est pas neutre"

Publié le 5 octobre 2013

Par Jérôme Fondraz
4 min de lecture

Étiquetage des pneus rechapés : « le rôle de la carcasse n’est pas neutre »

Le premier rechapage représente la plus grande partie des volumes. Michelin en a fait une de ses spécialités. En Europe, le Groupe investit régulièrement dans ses usines pour maintenir leur compétitivité. Alors que l’étiquetage des pneus rechapés est discuté en haut lieu en vue de sa mise en application d’ici 2017, Jean-Luc Marchet, directeur marketing des activités rechapage de Michelin, s’interroge sur sa faisabilité. 

Que représentent les activités rechapage de Michelin ?

Sur le marché du remplacement en poids lourds, le ratio en volume pour le Groupe est de  1/3 de pneus rechapés pour 2/3 de neufs. Nous avons 5 usines en Europe (France, Allemagne, Espagne, Italie et Angleterre). En France et en Allemagne, les sites ont une capacité de production équivalente. Les autres unités sont un peu plus petites, mais des capacités de production supplémentaires peuvent être activées si nécessaire. Michelin essaie de localiser ses ateliers au plus près des besoins de ses clients et veut éviter que ses carcasses soient rechapées ailleurs. Pour le rechapage à froid, Michelin a un atelier en France à la Combaude et un autre en Angleterre à Stock-on-Trent. Nous faisons appel à cette technologie principalement pour démarrer des produits de niche ou terminer des produits qui sont en fin de vie. Les  autres sites européens ne proposent que le rechapage à chaud.

Les usines européennes de Michelin n’ont donc pas toutes les mêmes compétences…

Les pneus pour les petits poids lourds ne sont pas traités dans toutes les usines. Certaines produisent uniquement du 22.5 et disposent d’un éventail dimensionnel plus réduit. C’est le cas pour les unités de production espagnole, anglaise et italienne, dont le catalogue comprend une petite trentaine de références. Nous gardons en revanche beaucoup de mixité sur les 2 usines française et allemandes en raison des volumes.

Le rechapage à chaud est plus complexe à gérer industriellement. Comment font les usines pour gérer l’éventail dimensionnel de vos gammes ?

Nos usines sont flexibles. Elles sont capables de passer d’une série à l’autre de manière très rapide. C’est en fait la contrainte moule en fin de fabrication, où le choix de passer d’une gamme régionale à une gamme chantier à cause de gommes très différentes, qui vont décider des priorités du planning amont. Le reste des processus est très automatisé.

Avez-vous prévu d’investir dans cette activité ?

Les derniers investissements sont allés en Angleterre l’année dernière pour mettre le site Stock-on-Trent au niveau des autres usines du Groupe. Nous avons renouvelé toutes les presses de cuisson, automatisé la logistique interne, installé de nouvelles cardeuses numériques, des  machines à habillage à micro extrusion. Ce renouvellement des équipements avait été anticipé dans les autres usines ces dernières années. Michelin met à disposition un budget annuel d’investissements pour l’ensemble des usines, afin de s’assurer que les machines évoluent technologiquement, au même rythme que celles utilisées pour la fabrication de pneus neufs.

Quel pourcentage de pneus sont rechapés 2 fois, voire plus ?

Le deuxième rechapage pèserait 6 à 8% du rechapage en Europe. En France et en Angleterre, cela représente un peu moins de 15% et cette pratique concerne surtout les pneus chantiers et urbains. C’est même un peu le cœur de métier de Pneu Laurent de faire du second rechapage en régional. Le rechapage à froid est aussi très courant dans les pays nordiques, sur toutes les gammes de produits. Certaines flottes de bus, très consommatrices de gomme, vont rechaper jusqu’à 3 fois, lorsqu’elles ont bien intégré le modèle multi-vies.

Est-ce que la longévité d’un pneu rechapé est inférieure à celle d’un pneu neuf ?

Tout dépend de la qualité des gommes et du profil qui sont utilisés. En Remix, les performances sont à 98% proche du neuf. Nous reconstituons le produit à l’identique, même après un deuxième rechapage, car nous faisons appel aux mêmes matériaux. Une carcasse Michelin recuite deux fois ne pose pas de problème sur la durée de vie et la performance kilométrique du pneu rechapé. 

Dans le cadre du nouvel étiquetage, la question se pose de savoir quel rôle joue la carcasse dans le niveau de performance des pneumatiques…

Lorsque les ingénieurs de Michelin développent un nouveau pneu poids lourds, ils prennent en compte qu’il sera rechapé. Bien évidemment, ils se sont penchés sur la question de l’étiquetage d’un pneu rechapé, pour savoir si ses performances sont équivalentes à celles d’un pneu neuf, notamment pour les 3 critères. Ils ont conclu que tout ce qui était lié au freinage sur sols sec et mouillé, et au bruit, était d’avantage lié à la qualité de la gomme et au profil du pneu. La carcasse joue un rôle mineur sur ces performances. En revanche, son rôle est important en ce qui concerne la résistance au roulement.

Est-ce que ces conclusions sont partagées par les autres grands manufacturiers ?

Michelin participe activement à une étude pilotée par l’ETRMA sur le sujet. Elle consiste à analyser l’état du marché, identifier les générations de carcasses qui peuvent être rechapés, évaluer et comparer leurs performances avec une même bande de roulement. Nos résultats montrent que la carcasse n’est pas neutre. Le nombre de rotations, le poids des charges transportées, le niveau d’exposition au soleil, sont autant de facteurs de vieillissement, qui dégradent au final l’efficacité énergétique des pneus. Les procédés de rechapage sont aussi plus ou moins impactant. Cela va poser pas mal de problèmes si la Commission Européenne veut imposer un critère lié à la résistance au roulement sur l’étiquette des pneus rechapés, parce que la carcasse n’est pas neutre. C’est encore plus vrai pour les nouvelles générations de pneus verts, où un gain très significatif en termes de résistance au roulement est amené aussi par la carcasse.

C’est un mauvais signe envoyé aux rechapeurs indépendants…

Le problème est bien réel. Deux carcasses différentes en termes de conception, d’âge et d’origine, sur lesquelles on a appliqué une bande Recamic, peuvent indiquer des écarts de performances qui peuvent être très importants. Si on reconnait que la carcasse joue un rôle, cela va être compliqué de normaliser l’évaluation de la résistance au roulement. Nous n’avons pas vraiment de solution idéale. Toute la question est de savoir si on veut labelliser l’acte de rechapage ou le pneu complet, dans une logique de manufacturier.

 

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