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Marché

Le marché des pneus rechapés au plus bas

Publié le 16 février 2024

Par Romain Baly
3 min de lecture
Si en 2023 les ventes de pneus poids lourds ont été globalement très décevantes en France, le segment des produits rechapés a particulièrement souffert. Avec un recul de près de 20 % sur un an, sa part s'établit désormais à un niveau historiquement bas de 25 %.
Pénalisé par son modèle, le marché du pneu rechapé continue de dégringoler d'année en année avec des produits certes riches en vertus, mais de plus ne plus coûteux. ©Soreval

Loin d'être positive sur le plan des pneumatiques TC4 (tourisme, 4x4/SUV, camionnette), la situation du marché français est encore pire du côté des enveloppes poids lourds. Premier constat : il s'est écoulé en 2023 davantage de produits en sell-out (des revendeurs aux utilisateurs) qu'en sell-in (des manufacturiers aux revendeurs). Ce qui signifie que le marché a vendu plus de pneus qu'il n'en a produit. Preuve du ralentissement ambiant. Mais l'essentiel est ailleurs.

Ventes sell-in et sell-out pour le marché PL en France en 2023 (x1000). ©SdP/GfK

L'an passé, d'après Europool, les volumes neufs PL ont fondu de 16,4 % en sell-in, à hauteur de 983 500 unités. En sell-out, selon les données du Syndicat du Pneu (SdP) et de GfK, la décroissance s'élève au global à 12,7 % pour 1,589 million de pneus. Un total qui se décompose de la façon suivante : 1,192 million de pneus neufs, soit une perte annuelle de 10 %, et 398 000 pneus rechapés, segment qui plonge de 19,9 %.

Un produit vertueux mais coûteux

"La baisse observée en 2023 est la plus forte de toute la décennie, précise Régis Audugé, directeur général du SdP. Si on se concentre sur le sell-in, les volumes sont même inférieurs à ceux enregistrés pendant la crise sanitaire". Et le responsable de faire ce constat : "La grande conclusion c'est qu'on vend aujourd'hui beaucoup plus de pneus exotiques qu'il y a quelques années…" Et ce malgré l'instauration en 2018 par Bruxelles de mesures antidumping concernant l'importation de produits chinois.

À vrai dire, la situation est surtout préoccupante pour le segment rechapé. "Ce marché est en grand danger", complète Régis Audugé, pointant une tendance baissière depuis cinq à six ans. Riche en vertus sur le papier (car reposant sur un concept de pneu multivie pour lequel on remplace la bande de roulement et on conserve la carcasse, avec une utilisation dans la durée très vertueuse sur le plan écologique et économique), cette technologie souffre paradoxalement de son modèle. Miser sur le rechapé nécessite d'avoir recours à des pneus premium, donc coûteux. Un choix difficile à faire pour de plus en plus de transporteurs.

Les marques exotiques avancent leurs pions

©SdP/GfK

Par ailleurs, sur le plan industriel, ce segment est confronté, à l'instar du neuf, aux fluctuations des matières premières et des cours de l'énergie. Dans un contexte tendu, son avantage concurrentiel se réduit de facto. Un œil sur ses prix moyens en donne la preuve. En 2023, le tarif d'une enveloppe neuve a diminué de 4,1 % à hauteur de 620 euros TTC. Dans le même temps, celui d'un rechapé a augmenté, bien que légèrement, de 1,8 % (497 euros).

Président du Syndicat du Pneu, Dominique Stempfel tire la sonnette d'alarme. "Ceux qui commercialisent des pneus exotiques commencent à faire remarquer que ces marques, sur leur marché domestique, savent faire du rechapé. Du moins, c'est ce qu'elles affirment. Elles disent qu'elles ont les compétences pour le faire et qu'elles ont, elles aussi, une conscience écologique." Et ce dernier de pointer un danger. "La barrière qui pouvait être mise par les manufacturiers européens et la législation continentale risque potentiellement de tomber…"

Un problème aussi culturel

Mais la problématique de la concurrence n'est pas la seule explication avancée par le président. Pour lui comme pour d'autres observateurs, le marché français souffre aussi d'un problème culturel. "Chez nous, un transporteur veut faire rechaper ses propres pneumatiques. Cela oblige son prestataire à avoir notamment des stocks tampons qui coûtent cher, ce qui alourdit au final la facture. En Allemagne, par exemple, on a davantage recours à de l'échange-standard."

A lire aussi : Le marché du rechapage à la peine

Inverser la tendance actuelle est un défi autant qu'un impératif. Comme le rappelle Régis Audugé, les pouvoirs publics ont fixé au secteur l'objectif d'écouler autant de pneus neufs que de rechapés à horizon 2030. En l'état actuel des choses, on se demande bien comment cette ambition pourrait être atteinte. "Il faut urgemment faire quelque chose" conclut-il.

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