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Distribution

Barrial Pneus : la passion partagée

Publié le 6 novembre 2023

Par Elodie Fereyre
11 min de lecture
Depuis sa création sous l’impulsion de Michelin à Valence (26), en 1950, à son nouveau départ en 2005, en passant par des incursions dans le monde de la moto et du quad, l’histoire de Barrial Pneus est riche. Avec comme dénominateur commun, la passion des vieilles autos et de la moto, que père et fils continuent aujourd’hui de partager.
Dominique Barrial (à gauche) et son fils César dans la salle d’attente de leur centre auto.

Passer la porte du centre Vulco Barrial Pneus à Valence (26), c’est être aussitôt plongé dans une autre dimension. De l’extérieur, rien ne laisse imaginer que la salle d’attente du centre auto regorge de trésors. Or, c’est un véritable paradis des amateurs d’automobile et des collectionneurs, petits et grands. Pompe à essence des années 1930, plaques publicitaires des années 50, enseignes lumineuses ou encore Circuit 24, autant de souvenirs glanés au fil des ans qui font de Barrial Pneus un garage hors du commun.

Les années 30 marquent les prémices de ce qui deviendra une aventure familiale pour trois générations. À cette époque, Roger Barrial, le père de Dominique et grand-père de César, est représentant chez Michelin. Puis arrivent les années sombres. Au sortir de la guerre, dès 1947-1948, le manufacturier français se met en quête de revendeurs pour appuyer son développement. Michelin se tourne alors vers ses représentants en leur proposant de s’installer à leur compte.

"Je crois qu’à l’époque, il leur offrait une camionnette de pneus pour les aider à s’installer. C’est comme ça que mon père décide d’ouvrir son magasin, situé rue Victor Hugo, dans le centre-ville de Valence, le 15 mars 1950", raconte son cadet, Dominique Barrial, aujourd’hui à la tête de l’entreprise avec son fils, César Barrial.

L’impulsion de Michelin

Au départ, Roger Barrial mène la barque seul avec un employé. "Il posait les pneumatiques poids lourds en costume cravate", se rappelle Dominique. Les premiers temps, son épouse, Raymonde, l’épaule pour la comptabilité du magasin. Au fur et à mesure de l’expansion de l’automobile, l’activité de revente et d’entretien de pneumatiques toutes marques (bien que Michelin soit le principal fournisseur), à la fois tourisme et poids lourds, se développe. L’entreprise prospère, mais la volonté n’est pas de se diversifier ni d’ouvrir d’autres garages. Roger Barrial souhaite avant tout conserver son empreinte locale et son état d’esprit d’entreprise familiale.

Par chance, ses deux fils se passionnent dès leur plus jeune âge pour l’automobile. "Je passais tout mon temps au garage, puisqu’on habitait tout près. Plus grand, je ne dirais pas que je faisais l’école buissonnière pour passer du temps au milieu des pneumatiques, mais presque", sourit l’actuel directeur général de Barrial Pneus.

C’est donc tout naturellement que dès l’âge de 15 ans, en 1966, Claude, l’aîné, rejoint leur père. En 1974, c’est au tour de Dominique de faire son entrée dans l’entreprise. "Je rentrais du service militaire et c’est le moment que mon père a choisi pour prendre sa retraite. J’ai donc retrouvé mon frère et nous avons tous deux repris l’entreprise", relate Dominique.

 

La première fourgonnette de Roger Barrial, lorsqu’il était représentant Michelin, avec son épouse Raymonde au volant, en 1933.

 

À ce moment-là, la petite affaire de revente de pneumatiques s’est largement développée, et compte six employés. Bien que la question de la succession n’en ait jamais été une, c’est non sans fierté que Roger Barrial transmet l’entreprise à ses fils, tous deux animés par la même passion du métier et des sports mécaniques.

Rien ne semble pouvoir décourager les deux frères, pas même la charge de travail de leur père qu’ils ont pu observer durant des années, comme en témoigne Dominique : "Le magasin, c’était du lundi matin au samedi soir, mon père n’avait guère que le dimanche de libre. C’était un métier très prenant mais cela ne nous a jamais inquiétés, car nous l’aimions beaucoup."

Le duo reprend donc les rênes de la société et poursuit le travail initié par leur papa. Au fil des ans et de l’évolution du marché, ils s’ouvrent également à de nouveaux manufacturiers. "Dans les années 1960, nous vendions 80 % de pneumatiques Michelin. Je me souviens que l’un des directeurs du groupe avait d’ailleurs dit à mon père qu’il devait élargir sa gamme, et proposer d’autres marques. Venant de lui, c’était le monde à l’envers !", s’amuse-t-il.

Les années "moto"

Dix ans plus tard, en 1984, à la recherche de nouvelles pistes de développement, les deux frères prennent une concession moto BMW en parallèle du pneumatique. "J’étais passionné de moto et quand j’ai eu l’opportunité d’avoir la concession, j’ai tout de suite signé", raconte Dominique. Il "roule" d’ailleurs régulièrement, avec son épouse. Les années passent et les deux activités se développent concomitamment.

En 1999, nouveau tournant dans l’histoire de Barrial Pneus : l’adhésion à une enseigne. Après quasiment cinquante ans d’indépendance, Dominique Barrial, désormais seul à la tête de l’entreprise - Claude a pris sa retraite - fait alors ce choix stratégique : "Le constat était simple, à cette époque, adhérer à un groupe était la meilleure solution pour obtenir de bonnes conditions commerciales. Je m’étais donc mis en tête de trouver une enseigne."

 

Le garage Barrial Pneus dans les années 1990, avec la concession moto BMW.

 

Et comme la passion n’est jamais loin, c’est en regardant une émission à la télévision que Dominique choisit Vulco : "C’était avant l’émission Turbo ou Auto Moto, j’ai vu une publicité Vulco et je me suis dit : “Pourquoi pas eux ?” Je les ai contactés et cela fait maintenant 24 ans que nous sommes sous leur bannière. Même si beaucoup de notre notoriété provient du bouche-à-oreille, ils nous offrent un bon support en termes de communication, et l’entente est bonne."

Stratégie et tournant

Un an plus tard, c’est au tour de son fils unique, César, d’entrer dans l’aventure. "J’ai fait des études de commerce, dans l’idée que je rejoindrai l’entreprise familiale", explique-t-il. Toujours à l’affût de pistes de diversification, les Barrial prennent en 2002 la plaque Bombardier et commercialisent des quads, tout en poursuivant l’activité moto et, bien évidemment, les pneumatiques.

"Lorsque je suis arrivé dans l’entreprise, je me suis concentré sur la partie moto puis, petit à petit, mon attrait a basculé sur l’automobile. Et rapidement, celle-ci a pris le pas sur la moto", ajoute-t-il. Une motivation qui guide alors les choix du nouveau duo formé par le père et le fils.

Tous deux décident, en 2005, de tout changer pour se reconcentrer sur leur cœur de métier : le pneumatique, mais surtout la voiture. Un choix courageux car la concession moto BMW représentait alors la source de revenus la plus importante. Mais l’esprit d’indépendance est plus fort et les deux patrons souhaitent avant tout rester maîtres à bord. "Même si nous sommes restés en très bons termes avec BMW, nous avons fait le choix de revendre car nous ne nous sentions plus tout à fait chez nous", indiquent-ils.

 

Clin d’œil à l’histoire : la camionnette Barrial Pneus, reproduite à l’identique du premier véhicule de Roger Barrial, en 1950.

 

Autre décision et pas des moindres : le déménagement. En effet, les locaux historiques de Barrial Pneus ne sont tout simplement pas adaptés à l’activité du centre auto que père et fils souhaitent mettre en place. Alors, après 55 ans passés dans le centre-ville, les Barrial font partie des premiers à investir ce qui deviendra au fil des ans le pôle automobile de Valence, en périphérie de la capitale régionale.

"Nous avons fait le choix de repartir de zéro. Bien évidemment, nous avons conservé quelques clients professionnels de longue date, notamment en poids lourds, et quelques particuliers aussi qui étaient des clients fidèles pour leur moto et qui ont continué à venir faire entretenir leur véhicule. Mais la partie la plus importante de notre portefeuille clients actuel s’est construite à partir de ce moment-là. En centre-ville, il était tout bonnement impossible de développer l’activité auto. Il n’y avait pas de places de stationnement, pour les clients c’était trop complexe", souligne César Barrial.

Un déménagement salvateur

Les Barrial achètent donc un terrain pour y implanter leur nouveau garage et poursuivent la dynamique impulsée par César. L’idée est d’abord de consolider l’activité pneumatiques, avant de se diversifier. Un travail qui s’est fait naturellement pour répondre à la demande croissante, et grâce au soutien de leurs partenaires fournisseurs.

"Au niveau de la pièce, nous nous servons localement auprès de TPA (Technique Pièces Auto) à Valence et d’Autodistribution. Ils nous ont facilité la tâche car dès lors qu’il y a du service autour de la pièce, les clients sont satisfaits. De plus, cette diversification était parfaitement adaptée à la demande de nos clients, majoritairement des professionnels. Ainsi, quand ils viennent nous voir pour leurs pneus et que leurs plaquettes sont à changer, nous le faisons immédiatement. Ils n’ont pas besoin de revenir. Nous avons appris à travailler différemment, avec plus de réactivité."

Ce déménagement a été visionnaire pour Barrial Pneus. En s’installant dans la périphérie de Valence, ils ont très vite été rejoints par de nombreux concessionnaires, permettant à leur nouvelle clientèle de grandir rapidement. "Aujourd’hui, nous travaillons en confiance localement, que ce soit avec les clients, nos partenaires, nos fournisseurs, et les autres garages. Nous avons régulièrement des garages mécaniques qui nous envoient des clients pour des géométries et nous orientons aussi nos clients avec certaines problématiques très techniques vers d’autres confrères. Être entourés par de nombreuses concessions nous amène beaucoup de clients, principalement des professionnels", analyse César Barrial.

 

Le centre auto Vulco Barrial Pneus aujourd’hui.

 

Alors qu’ils n’étaient que trois après le déménagement, Barrial Pneus compte aujourd’hui huit employés. Et le chiffre d’affaires a grimpé à un million d’euros. Une prise de risques relevée avec succès, sans jamais compromettre les fondamentaux de l’entreprise. Ainsi, l’ouverture d’un autre centre n’est pas d’actualité. L’objectif est de continuer à garantir un travail de qualité et en confiance, pour continuer à rayonner localement.

Côté fournisseurs, depuis son adhésion à Vulco, Barrial Pneus "joue le jeu en suivant bien évidemment la politique de l’enseigne et propose principalement des pneumatiques Dunlop et Goodyear, tout comme Continental", même s’il continue de collaborer avec Michelin et Pirelli. Leur clientèle se compose majoritairement de clients professionnels (60 %) et de petites flottes, principalement en tourisme. Barrial conserve également quelques clients en poids lourds (30 % environ) pour lesquels le garage intervient sur site.

Quant à l’avenir et aux pistes de développement, la question des nouvelles mobilités se pose, mais n’est pas une priorité pour Barrial Pneus. "Par la force des choses, nous répondons à la demande sur les nouvelles mobilités. Comme notre clientèle de particuliers est principalement haut de gamme, il nous arrive de recevoir des Tesla ou des Porsche Taycan, mais c’est surtout pour le remplacement des pneumatiques, moins pour l’entretien des véhicules. En effet, ces marques essaient de rendre leurs clients de plus en plus captifs, et beaucoup réalisent leur entretien chez le constructeur", décrypte César Barrial.

La passion comme crédo

Le signe distinctif des Barrial, c’est bien évidemment cette passion qui guide leurs choix. Rien n’avait vraiment été calculé mais, au fil des années, en suivant leur instinct, ils ont créé à travers leur garage un lieu unique et atypique, qui fait le bonheur des collectionneurs et amateurs d’automobile. Tout a pourtant débuté par un simple concours de circonstances. Retour en arrière, début 2006 : les Barrial sont fraîchement installés dans leurs nouveaux locaux, où un espace dédié à la présentation des quads a été imaginé.

Mais à ce moment-là, Bombardier change d’importateur pour la France : "Nous nous retrouvions dans des conditions similaires à celles que nous avions connues avec BMW, à savoir une certaine perte de maîtrise. Très vite, le choix est donc fait de tomber le panneau Bombardier. Or, nous nous retrouvons face à un hall d’exposition vide, puisqu’il accueillait auparavant les quads." Ils décident alors de transformer ce lieu en salle d’attente pour leurs clients, et de le décorer. D’abord avec des objets cumulés au fil des ans, comme les plaques métalliques Michelin faisant la promotion des nouveaux pneumatiques.

 

Le hall d’exposition, transformé en salle d’attente du centre Barrial, regorge d’objets de collection des mondes de l’automobile et de la moto, glanés au fil des ans par Dominique Barrial et son fils.

 

"Auparavant, à chaque sortie d’un nouveau produit, les représentants Michelin venaient au garage et se proposaient d’installer gratuitement ces plaques qui faisaient office de publicité. Elles ornaient les façades du magasin de mon père, souligne Dominique Barrial. Ensuite, nous avons chiné de nombreux objets. D’autres nous ont été donnés, par exemple par l’Automobile Club de Monaco qui vient régulièrement nous rendre visite à l’occasion du Rallye Monte-Carlo. On retrouve aussi une enseigne de la chambre syndicale du pneumatique, dont mon père a été vice-président pendant une dizaine d’années."

Au-delà de sa fonction de salle d’attente pour sa clientèle, le hall d’exposition de Barrial Pneus sert régulièrement d’accueil pour de nombreux clubs, comme Alpine, pour le départ de rassemblements de voitures anciennes. Devant le garage trône aussi, comme un emblème, la réplique de la première camionnette de Roger Barrial de 1950. Père et fils ont acheté un véhicule similaire et l’ont restauré, allant jusqu’à engager un peintre pour reproduire à l’identique la peinture de l’époque représentant la marque Barrial Pneus.

Une renommée qui dépasse le cadre local

Chez les Barrial, l’engouement pour les sports mécaniques rime avec voitures anciennes. Au point que père et fils ont développé une activité d’achat, de restauration et de revente de véhicules de collection, avec une spécialité dans les youngtimers (véhicules datant de la fin des années 1970 à 1990). Bien que marginale, l’activité est avant tout une manière de plus d’allier travail et passion.

Car depuis toujours, l’automobile et la moto coulent dans les veines des Barrial. À titre personnel, Dominique Barrial a notamment couru une dizaine de fois le Rallye Monte-Carlo historique. Son fils César a également participé à quelques courses automobiles en tant que copilote, mais également pratiqué de l’enduro. Enfin, tous deux continuent de prendre régulièrement part à des rassemblements de véhicules anciens.

Une chose est sûre, leur renommée auprès des amateurs de véhicules de collection dépasse le simple environnement local, et nombreux sont ceux qui se sont intéressés à l’histoire des Barrial, à l’instar du dessinateur Thierry  Dubois, spécialiste de la Nationale  7 et de son histoire (lire encadré). Et il faut croire que la passion n’a pas de limites, puisqu’à 72 ans, Dominique Barrial continue de se rendre chaque jour au garage.

"J’aime voir les clients et échanger avec eux, et puis je m’entends bien avec mon fils et c’est un vrai plaisir de travailler ensemble au quotidien. Même si, au goût de mon épouse, je ne prends pas assez de vacances !", s’amuse-t-il. Quant à l’avenir, même s’il est un peu tôt pour le dire, les enfants de César, 4 et 7 ans, pourraient bien prendre la relève dans quelques années… "Pour le moment, ils sont très jeunes, donc ils sont d’accord pour reprendre !", conclut joyeusement leur grand-père.

 

ENCADRE

Le repaire des voitures anciennes de la N7

L’illustration réalisée par Thierry Dubois, où figure la devanture du magasin de Valence dans les années 1950, ainsi que la camionnette et une Mercedes 300 SL.

C’est en parcourant la Nationale 7, cette route mythique qui a été durant longtemps la plus longue des routes nationales de France (près de 1000 km reliant Paris à Menton), que Thierry Dubois, dessinateur et illustrateur, a découvert Barrial Pneus. "Passionné de l’histoire de cette route, je l’emprunte jusqu’à huit fois par an, partant à la rencontre des personnes qui font partie de son histoire, pour garder la trace de ce qu’elle était. C’est ainsi que j’ai découvert, il y a de nombreuses années maintenant, la maison Barrial, qui est une maison historique à Valence", raconte l’artiste.

En effet, le garage a été situé pendant 55 ans en plein centre-ville de Valence, avenue Victor Hugo, en face de la fameuse maison Pic (restaurant gastronomique triplement étoilé), tenant alors une place de choix sur la nationale 7. C’est ainsi qu’est venu à Thierry Dubois l’idée de réaliser un dessin représentant le garage de l’avenue Victor Hugo, mais également le camion d’origine restauré par la famille Barrial ainsi qu’une Mercedes 300 SL stationnée devant.

"L’idée était de rappeler que dans les années 60, on ne prenait pas l’avion et que beaucoup de vedettes empruntaient la Nationale 7 pour rejoindre le Sud de la France, et que l’on trouvait ainsi des véhicules de luxe sur la route. C’est également une façon de rendre hommage à ces passionnés d’automobile. Comme je roule moi-même souvent en véhicule ancien, Barrial Pneus est aussi l’un de mes points de chute sur la route".

*Thierry Dubois est l’auteur du livre "C’était la Nationale 7", qui retrace l’histoire de la route, et d’une bande dessinée en quatre tomes rassemblant des anecdotes autour de cette route et intitulée "Chroniques de la Nationale 7".

 

Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°181 de septembre-octobre 2023.

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