Le marché français stoppe sa chute et renoue avec la croissance

C'était écrit que ça ne durerait pas. L'industrie du pneumatique est ainsi faite. Soumis aux vents, parfois porteurs, parfois contraires, du secteur de l'automobile, le monde de la gomme sait mieux qu'aucun autre que les hauts ne montent jamais très haut et les bas ne descendent jamais très bas. Après des années 2022 et 2023 synonymes de décroissance, 2024 était attendue comme celle de la relance et les résultats annuels du marché ont confirmé cette prophétie.
Selon les chiffres compilés par le Syndicat du Pneu et GfK , 31,744 millions d'enveloppes du segment TC4 (tourisme, 4x4/SUV, camionnette) ont été écoulées en sell-in (des manufacturiers aux revendeurs). Cela représente ainsi 4,5 % de plus qu'un an plus tôt. Toujours en TC4, les statistiques font état de 17,211 millions de pneus vendus en sell-out (des revendeurs aux utilisateurs), résultat en hausse de 3,4 %.
"2024 fait clairement partie des bonnes années, de surcroit au cours d'une dernière décennie chahutée" fait remarquer Régis Audugé, directeur général du syndicat. Grâce à ce résultat, le marché français a atteint son plus haut niveau sell-out depuis la crise sanitaire. Derrière ces chiffres, se cachent plusieurs tendances.
Seulement une vente sur deux pour les premium
La première vient confirmer le dynamisme des pneus 4x4/SUV. Si ceux tourismes dominent toujours très largement (84,6 % de part de marché et une croissance de 4,5 % sur un an), une bascule s'opère d'année en année en faveur de ces derniers, suivant l'évolution du parc roulant. Les pneus de camionnettes sont quant à eux repartis à la hausse (+5,1 %) après deux années de recul.
Deuxième tendance, au niveau des marques, les premium continuent de perdre du terrain. Entre 2014 et 2024, leur taux de pénétration s'est érodé. Il est passé de 63 % à 50 %, même si ce chiffre demeure plus élevé sur la cible 4x4/SUV (56 % de PDM). Dans le même temps, les quality ont tiré leur épingle du jeu avec six points gagnés sur la décennie. Ils s'octroient désormais 21,5 % des ventes totales. Mais la dynamique la plus importante est à mettre au crédit des marques budget. Évaluée à 19,1 % à fin 2024, leur part a doublé depuis 2014 avec un premier essor en 2018 et une accélération depuis 2022.
"On ressent bien tout le poids que représente les dépenses automobiles sur le budget des ménages", fait remarquer Dominique Stempfel, président du Syndicat du Pneu. Le rôle toujours plus important des gammes low cost constitue ainsi un sérieux doute sur l'avenir du secteur. "L'exigence des automobilistes est désormais de se mettre en conformité avec la loi, pas forcément de veiller à adopter un équipement de qualité" ajoute le président.
Un segment toutes saisons inarrêtable
Troisième élément important, les chiffres 2024 confirment le succès du toutes saisons dans l'Hexagone. Cette technologie a définitivement trouvée sa place auprès des automobilistes tricolores 10 ans après son amorce avec le lancement du Cross Climate de Michelin. Ce segment affiche pour l'an passé une nouvelle progression à deux chiffres. Elle est évaluée à 19,2 %, quand l'été et l'hiver ont connu des trajectoires opposées, avec des volumes en chute de respectivement 4,7 % et 5,5 %.
Le boom du toute saisons se corrèlent en outre avec la part toujours très importante des immatriculations de SUV puisque les ventes de ces pneus ont bondi de 28,1 % auprès de ces véhicules. Aujourd'hui, ce segment s'octroie 37 % de part de marché, contre 53 % pour l'été et 10 % pour l'hiver, sans que personne ne sache vraiment où se situe son plafond de verre…
La bonne santé des revendeurs
Quant aux prix moyens constatés, ils sont restés stables en 2024 mais demeurent à un niveau élevé alors qu'un pneu TC4 coûte en moyenne 113 euros TTC. Si les tarifs observés pour les enveloppes été (103 euros TTC, +1,5 %) et hiver (135 euros TTC, +3 %), mais aussi premium (131 euros TTC, +1,6 %) et quality (97 euros, +3,1 %), ont augmenté, ceux des toutes saisons (103 euros TTC, -0,2 %) et budget (63 euros TTC, -0,2 %) ont très légèrement reculé.
Dans ce contexte, se pose la question de la santé des revendeurs. Elle s'avère au demeurant plutôt bonne. Les pure players affichent la croissance la plus forte du marché avec des volumes en hausse de 21,9 % et 5,6 millions de pneus comptabilisés. Mais les centres autos (+2,3 %) et encore plus les pneumaticiens (+4,6 %) se portent globalement bien. Les MRA perdent en revanche du terrain avec une baisse de 2,3 % mais gardent la main sur le premier changement d'enveloppes auprès des utilisateurs de 4x4/SUV.
La flambée des prix des pneus depuis plusieurs années, s'inscrit dans un contexte inflationniste généralisé. Il a permis aux distributeurs de reconstruire leurs trésoreries et les chiffres d'affaires du secteur atteignent aujourd'hui des niveaux record. Étant convenu que rien n'est jamais acquis, les prochains mois diront si le marché est capable de confirmer cette bonne tendance.