First Stop et Côté Route se diversifient dans le contrôle du chronotachygraphe
Il y a un peu moins de dix ans, les réseaux du manufacturier Bridgestone, First Stop et Côté Route, entrevoient une opportunité de développement attrayante dans le secteur du poids lourd : le contrôle du chronotachygraphe. L’initiative est guidée par l’ambition d’offrir un service complet aux clients. Quoi de mieux pour un transporteur que de pouvoir faire réaliser cette prestation obligatoire et récurrente directement au sein de l’atelier qui s’occupe de l’entretien pneumatique de ses véhicules ?
En devenant "médecin traitant" d’une flotte de poids lourds, First Stop et Côté Route s’assurent la confiance d’une clientèle professionnelle exigeante, en quête de sécurité et d’efficacité pour ses chauffeurs. Avec cette activité supplémentaire de contrôle du chronotachygraphe hautement réglementée par la loi, les deux réseaux s’offrent une crédibilité accrue auprès de gestionnaires soucieux du respect de la législation européenne et des conditions de travail de leurs employés.
D’autant que l’appareil qui enregistre tant les heures de conduite que les temps de repos du conducteur ou encore sa vitesse est désormais vérifiable à distance par les forces de l’ordre. Avec une géolocalisation intégrée aux dernières versions du tachygraphe, chaque conducteur s’expose à des sanctions, de même que le transporteur, en cas de défaillance de l’enregistreur ou de non-respect des réglementations.
Intégrer la nouvelle activité
Se convertir en contrôleur de chronotachygraphe n’est pas une mince affaire, tant pour l’atelier que pour le collaborateur chargé de l’opération. Nommée la "baie tachy" chez First Stop-Côté Route, l’installation de l’espace dédié représente un investissement de près de 140 000 euros. Selon Rodolphe Hamelin, directeur du réseau intégré, il serait "amorti en à peine plus d’un an". La facturation du contrôle n’est pas régie par la loi, et peut varier entre 100 et 500 euros.
Dans ce lieu qui doit pouvoir être caché des yeux de toutes personnes non agréées au contrôle, une fosse doit être creusée, un bureau administratif installé, ainsi que du matériel et des logiciels spécifiques achetés. Enfin, l’atelier, ou le réseau dans ce cas, doit avoir reçu l’agrément de la Dreets (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités).
L’investissement en personnel est tout aussi important puisque la route est longue pour devenir contrôleur. En plus de deux modules de formation théorique, le futur technicien devra participer à quinze contrôles en tant qu’observateur, puis à quinze autres en pratiquant en binôme, avant de se voir délivrer la carte de contrôleur, toujours par l’organisme d’État, lui permettant d’opérer sur le chronotachygraphe.
Du haut de ses 350 ateliers, dont 120 intégrés, l’enseigne First Stop-Côté Route maille le territoire français et est reconnue des professionnels qui constituent 70 % de sa clientèle. Le centre de Chassieu (69) est bon élève en la matière puisque le BtoB représente 95 % de ses clients. L’atelier rhônalpin a fait partie des premiers centres à proposer le contrôle du chronotachygraphe parmi les quatorze habilités. Le dernier en date étant celui de Montpellier (34).
Plongée dans la fosse
Le centre de Chassieu est composé de cinq techniciens, pouvant intervenir, grâce à des ateliers mobiles, directement au plus près des flottes de poids lourds, qui peuvent se compter par centaines de véhicules pour certains clients. Mais, de tous les collaborateurs de l’atelier rhônalpin, seuls deux sont formés au contrôle du chronotachygraphe. Corentin Coissy est le seul à effectuer cette opération à temps plein, qui ne peut se tenir que dans l’atelier.
D’une durée d’une heure et demie à deux heures, entre quatre et six contrôles sont effectués chaque jour par le technicien. Du haut de sa trentaine, le jeune homme est issu d’une reconversion après des études et quelques années de travail dans le milieu du marketing. "Être contrôleur de chronotachygraphe est un métier que j’ai découvert sur le tard et qui allie parfaitement le travail manuel et le traitement d’informations", se justifie-t-il.
Dès l’arrivée du camion dans la bien nommée baie tachy, le contrôleur réalise un check-up des essieux afin de s’assurer de la conformité de l’ensemble. "Si le chronotachygraphe doit être conforme aux réglementations sociales, le tracteur doit lui respecter les normes du code de la route."
Ainsi, les dimensions des pneumatiques respectant les données constructeurs, la similarité des pneumatiques ou encore l'homogénéité de l’usure et la profondeur des rainures sont passées au crible. "Comme tout le matériel est sur place, il est aisé de réparer et de changer ce qui ne va pas si nécessaire avant d’intervenir sur le chronotachygraphe", continue-t-il.
Une histoire de vérifications
Il est ensuite absolument nécessaire de vérifier si l’étiquette du contrôle précédent, apposée dans l’encadrement de la portière conducteur, concorde avec la date de réalisation. Si elle semble avoir été endommagée volontairement, le contrôleur se verra dans l’obligation de contacter les forces de l’ordre.
Pour intervenir sur l’appareil, le contrôleur possède sa carte lui offrant un accès à toutes ses données et la possibilité de le démonter. De même, le chauffeur de poids lourd possède sa propre carte qu’il insère à chaque trajet. Tous les 28 jours, le chef d’entreprise doit être en mesure de récupérer les données du conducteur. Pour celles du véhicule, elles doivent être téléchargées tous les 90 jours. Le transporteur doit être en mesure de les archiver et de les fournir en cas de contrôle de la Dreets pendant un an a minima.
Les ateliers First Stop-Côté Route profitent de leur appartenance au groupe Bridgestone pour proposer le branchement de leur système télématique Webfleet Solution au tachygraphe. Eléna Pichot, responsable excellence opérationnelle, y voit une réelle opportunité.
"Les gérants de flottes doivent parfois contrôler plusieurs dizaines de camions par mois. Les solutions télématiques leur permettent d’accéder aux données sociales en direct sans se déplacer. Webfleet offre également d’autres fonctionnalités permettant d’optimiser les trajets et le coût au kilomètre. Nos clients sont de plus en plus demandeurs de l’installation de ce service lors du contrôle de tachygraphe."
Dix opérations en une
Bien souvent, une intervention, voire un changement du chronotachygraphe, fabriqué principalement par VDO (Continental) et Stoneridge, doit être opéré puisque les anciens systèmes, parfois encore analogiques, doivent être modernisés.
Si tous les véhicules neufs possèdent un tachygraphe intelligent depuis le 1er août 2023, d’ici à la fin de l’année 2024, tous ceux mis en circulation avant le 1er juin 2019 devront en être équipés. Échéance repoussée à août 2025 pour les véhicules de 2019 à 2023. Les tachygraphes intelligents de dernière génération permettent à la police de contrôler à distance les poids lourds par le biais d’une tablette les géolocalisant ou encore de radars DSRC.
La question du bon fonctionnement du tachygraphe et de sa durée de vie entre aussi en ligne de compte, explique le contrôleur : "Je n’ai pas le droit d’ouvrir le tachygraphe puisqu’il est scellé en usine, mais je dois vérifier le bon fonctionnement de toutes ses caractéristiques, ainsi que l’état du câblage jusqu’au capteur. Il est bien plus courant de réparer ce dernier, que je suis obligé de fixer avec un plombage à chaque changement."
Mais le but ultime de toute cette procédure de contrôle, pour Corentin Coissy, reste de s’assurer que le tachygraphe est toujours bien étalonné et qu’il respecte les normes. Cette opération, qu’il alliera parfois avec celle de la vérification du limiteur de vitesse, résulte d’une série de calculs pour que le compteur de vitesse du véhicule concorde parfaitement avec celui de la rotation des roues et celui enregistré par le tachy. Le service de contrôle du chronotachygraphe est bel et bien technique et mathématique !
Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°187 de novembre-décembre 2024.