Nokian Tyres serre les dents en attendant des jours meilleurs
Faire face et garder l'espoir. Dans un style propre à la culture nordique, Nokian Tyres tente de garder son sang froid face à une situation pourtant pénible à gérer. Depuis la fin février et le début de la guerre en Ukraine, l'activité du fabricant de pneumatiques de Nokia (Finlande) a pris du plomb dans l'aile. L'isolement progressif de la Russie sur la scène internationale et les multiples sanctions prises à l'encontre du Kremlin ont eu des conséquences indirectes sur l'industrie du pneumatique comme sur d'autres.
Vsevolozhsk, un site stratégique pour le groupe
En tant que manufacturier leader sur le marché local, Nokian Tyres a de facto été touché dans des proportions plus importantes que ses concurrents. Implanté à Vsevolozhsk, en périphérie de Saint-Pétersbourg, depuis 2005 avec un site de production XXL d'où sortaient annuellement 17 millions d'enveloppes TC4 et qui, en 2021, pesait encore 80 % de sa production TC4, le groupe a vécu un premier coup dur en devant stopper ses chaînes dès début mars.
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Mais la situation sur le territoire ukrainien ne s'améliorant pas, Nokian a dû se résoudre, trois mois plus tard, à annoncer la cession prochaine de ce site pourtant si stratégique. "Cette décision n’a pas été simple à prendre, d’autant que nous comptons plus de 1 600 employés dévoués localisés en Russie dont nous apprécions grandement l’expertise, ainsi que de nombreuses relations de longue date avec nos clients et fournisseurs, établies au cours des 17 dernières années" était-il alors expliqué.
Des déboires qui désolent les distributeurs
Aujourd'hui, alors que le processus de cession suit son cours, c'est toute l'activité européenne du manufacturier qui est impactée. La perte de Vsevolozhsk a empêché de fabriquer une grande partie de la production prévue pour cette année et Nokian Tyres n'a d'autre choix que de vivre essentiellement sur ses stocks. Le rapatriement d'une partie des flux sur son usine finlandaise s'avère bien insuffisant pour combler ce manque.
En France, plusieurs distributeurs nous ont confirmé ces dernières semaines cette tendance. Souvent à regret. "On est désolé pour eux mais on se doit de penser à nos clients et on ne peut pas passer à côté de notre saison (hivernale, ndlr)", souligne l'un d'eux. Propos corroborés par l'un de ses confrères qui précise que "le fait que Nokian ne soit pas en mesure de livrer le marché aura des conséquences. Nous, on est allé voir Vredestein mais, au bout du compte, on sait qu'il manquera des pneus cet hiver en France".
Soutien et bienveillance
D'un naturel optimiste, Michel Poirier, directeur commercial de la marque dans l'Hexagone, n'en fait pas mystère. "Quitter la Russie était du bon sens, il n'y a aucun débat là-dessus, mais bien évidemment que cela a de lourdes conséquences pour nous. Sur 2022 mais aussi sur 2023, on sait qu’on sera très loin de nos niveaux habituels et tous mes collègues en Europe vivent la même situation."
Le constat est d'autant plus amer que le directeur commercial et son équipe avaient développé méthodiquement et patiemment leur marque ces dernières années en France jusqu'à écouler environ un million d'enveloppes. "C'est très frustrant, admet-il, mais en même temps on garde espoir. J'ai reçu beaucoup de marques de soutien, j'ai des concurrents qui m'ont appelé en me disant 'Ecoute Michel, on ne va pas livrer des pneus Nokian à ta place, par contre, dis nous si on peut dépanner certains de tes clients'… Cette bienveillance est très réconfortante".
Une nouvelle usine très attendue
Pour le manufacturier, l'enjeu est désormais de réussir à se projeter et de savoir quand il pourra rebondir. Tous les scénarios sont sur la table. "On espère dès 2024, pose Michel Poirier. La construction de notre future usine nous rend optimiste. Il faut l'être de toute façon". Pour compenser la cession de Vsevolozhsk, Nokian Tyres a en effet indiqué vouloir construire au plus vite un nouveau site de production en Europe.
Les travaux débuteront prochainement et le groupe devrait en dire davantage, notamment sur sa localisation, sous peu. En attendant, pour financer cet effort imprévu, le top management du finlandais a choisi de renoncer à tout dividende. Une décision cohérente pour entrevoir, dès que possible, des jours meilleurs.