Rechapage : Michelin y croit toujours

Le Syndicat du Pneu et GfK ne publieront les résultats consolidés qu'à la fin du mois, mais il ne fait guère de doute que le segment des pneus rechapés restera à un niveau historiquement bas. Les années fastes sont passées et ce marché peine à retrouver de l'entrain. Sur la décennie 2014-2023, ces enveloppes ont vu leur part fondre, passant de 43 % à 25 % des ventes totales de pneumatiques poids lourds dans l'Hexagone. Quand bien même les chiffres 2024 feraient état d'un regain de croissance, les volumes demeureront très en deçà des niveaux observés il y a une vingtaine d'années.
Si entretemps le rechapage a perdu de sa superbe, c'est que le contexte concurrentiel et économique s'est largement perturbé. Tous les éléments semblent désormais contre lui. À juste titre, les manufacturiers mettent souvent en exergue le poids de leurs concurrents exotiques et de leurs produits monovies. Mais si ces derniers trouvent grâce aux yeux des utilisateurs c'est aussi à cause de tensions budgétaires toujours plus fortes. Investir dans des pneus premium qui, certes, coûteront moins chers à l'usage sur le long terme mais plus chers à l'achat s'avère difficile pour certains transporteurs.
Un problème de compétitivité
En outre, le monde du rechapage souffre aussi des contraintes inhérentes à son modèle. Produit très spécifique, encore peu automatisé aujourd'hui, celui-ci peine aussi à tenir la comparaison sur le plan de la compétitivité. Bridgestone s'est attelé à cette problématique avec la machine Leonardo, rendant autonome le débridage des enveloppes, mais les exemples sont encore trop rares.
Nonobstant ce constat, de nombreux fabricants continuent d'y croire. Michelin, qui dispose de quatre usines dédiées en Europe, fait clairement partie de ceux-là et repart à l'offensive de ce marché. Dans un clin d'œil, les équipes de Bibendum rappellent que le modèle du rechapage a été imaginé dès 1923 par les frères Michelin. Plus factuellement, le groupe tricolore connaît trop bien les vertus de cette technologie pour s'en détourner.
Environnement, finances, emplois…
Selon la logique des 3P – planète, performances économiques, personne – les avantages du rechapage sont indéniables. Sur le plan environnemental, il est question de 70 % de matières premières en moins nécessaires, de 50 kg de déchets économisés par pneu et d'une consommation d'eau réduite de 19 %. Sur le deuxième point, une enveloppe rechapée s'avère 40 % moins chère qu'une neuve sur l'ensemble de son cycle de vie, avec un coût kilométrique amélioré de 33 % et une longévité accrue. Enfin, ce marché a aussi un impact sur l'économie avec 30 000 emplois en Europe et 50 000 aux États-Unis.
Très engagé sur ce segment, le groupe tricolore compte parmi les pionniers du rechapage alors que les frères Michelin ont imaginé ce modèle dès 1923. ©Michelin
Fort de tout cela, Michelin renforce ses investissements en faveur du modèle multivie. Sa solution de rechapage à chaud Remix 2, déjà présente sur les gammes pour bus X Incity et approche chantier X Works, s'étend désormais à la gamme phare de Bibendum, la X Multi, couvrant les applications courtes et longues distances sur tous types de route. Grâce à ce développement, Remix 2 est désormais disponible sur 54 références neuves en dimensions 315/70 R22.5 et 315/80 R22.5 avec les sculptures X Multi D, X Multi HD et X Multi Grip.
Des signaux positifs
Par ailleurs, avec sa solution, Michelin promet à ses clients six cycles de vie (neuf, premier recreusage, premier rechapage, deuxième recreusage, deuxième rechapage, troisième recreusage) et une durée de vie supérieure de 375 % à un produit neuf monovie. Le tout avec des performances équivalentes en tous points à une enveloppe neuve sortant d'usine. Pour les flottes, même si l'investissement initial n'a rien d'anodin, le gain sur la durée demeure assez important pour continuer de croire aux vertus de ce modèle.
En outre, les équipes de Bibendum partagent aussi leur confiance eu égard aux signaux envoyés par Bruxelles. Du côté de l'UE, la question du rechapage fait son chemin et une prise de conscience s'opère progressivement. L'évolution du contexte réglementaire vers l'économie circulaire (déploiement de l'étiquetage, traçabilité renforcée…), la volonté de la Commission européenne de soutenir son industrie (avec les droits de douane) et les besoins des clients à l'échelle continentale (attestations CO2 dans les appels d'offres des flottes) constituent des motifs d'espoir vers des lendemains meilleurs.