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Marché

Le marché du pneu dans le dur en 2022 avec des leaders qui n'ont plus la cote

Publié le 17 février 2023

Par Romain Baly
4 min de lecture
Dans un contexte inflationniste, les ventes de pneumatiques ont particulièrement souffert l'an passé en France. La plupart des indicateurs relevés par le Syndicat du Pneu pointent dans le rouge avec une défaillance particulièrement prononcée des marques premium et du segment hiver. A l'inverse, les enveloppes budget ont tiré leur épingle du jeu alors que le toutes saisons continue de tracer sa route.
Le marché français du pneumatique a subi un important ralentissement en 2022. ©AdobeStock_alfa27

C'est un scénario qui avait été anticipé et qui s'est finalement confirmé. Courant 2022, tous les indicateurs laissaient à penser que le marché du pneumatique français allait vivre une nouvelle année chaotique. Au bout du compte, l'exercice chaotique s'est soldé par un K.O. tant l'upercut de l'inflation a couché net le secteur. "Le marché du pneu, en France, est généralement assez flat. Il est assez rare d'aller au-delà de cinq points de croissance ou de décroissance. De ce fait, l'année 2022 a été plutôt exceptionnelle…", pose en préambule Régis Audugé, directeur général du Syndicat du Pneu.

Selon les chiffres compilés par l'organisation professionnelle, le marché du sell-in (des manufacturiers aux revendeurs) a décliné de 6,1 %, à hauteur de 31,625 millions d'unités. Celui du sell-out (des revendeurs aux utilisateurs) a quant à lui reculé de 5,6 % pour un total de 16,493 millions d'enveloppes écoulées. "On est sur des variations assez brutales et assez sévères" confirme le responsable. Et ce dernier de faire remarquer que, dans le premier cas, le rebond post-crise n'a pas duré, alors que, dans le second, 2022 n'est ni plus ni moins que le deuxième pire exercice sur la dernière décennie.

-9,6 % pour les marques de pneu premium

En regardant le bilan plus en détails, une première grande conclusion s'impose. Demeurant l'un des derniers grands marchés très orientés sur ce type de produit, la France tourne peu à peu le dos aux marques premium (ou A) du pneu. L'an passé, le volume sell-in de ce segment a chuté de 9,6 % pour une part de marché finale de 56 %. En parallèle, les marques quality (ou B) ont limité la casse (-4,7 %) tandis que les budget ont clairement profité du contexte avec une croissance de 12,4 % et une part de marché désormais évaluée à 16 %.

Président du Syndicat du Pneu, Dominique Stempfel relève deux choses sur ce point. La première, "c'est que les automobilistes ont été nombreux à reporter leur changement de pneus et, pour ceux qui s'y sont pliés, influencé souvent par la loi Montagne, ils ont fait le choix de se montrer moins exigeant sur la qualité". La deuxième chose, "c'est que la loi Montagne, justement, a profité aux acteurs premium en 2021 avant qu'ils subissent un an plus tard les effets de l'inflation".

Le pneu toutes saisons confirme les prédictions de Bibendum

Cette mesure, qui ne fait toujours l'objet d'aucune sanction dans l'Hexagone, a eu une influence indirecte sur le plan de la saisonnalité du marché. Ainsi, le segment du toutes saisons a confirmé sa bonne santé en bouclant 2022 avec un volume en hausse de 20,5 % sur un an - enregistrant même un gain stratosphérique de 57 % en avril - pour une PDM historique de 27 %. "En lançant le premier CrossClimate, Michelin prédisait que le toutes saisons représenterait à terme un tiers des ventes, rappelle Dominique Stemfel. On s'en rapproche désormais fortement".

En parallèle, le segment été a vu son empreinte sur le marché baisser de trois points (61 %), soit une tendance identique à celle de l'hiver (12 %) mais avec une analyse différente. Si la perte de vitesse de l'été est directement liée à la montée en puissance du toutes saisons, celle de l'hiver s'explique aussi par les atermoiements de l'exécutif sur la loi Montagne et par les hausses de températures durant toute la période hivernale.

Des tarifs au plus haut

Autre item étudié de près : celui des prix s'avère particulièrement intéressant au regard des tendances déjà décrites. Ainsi, au global, les tarifs moyens des pneumatiques observés en France ont augmenté de 13,3 %. Une enveloppe tourisme coûte aujourd'hui 100€ TTC (contre 88€ en 2021 et 81€ en 2020), une pour camionnette s'élève à 137€ (119€ en 2021) et enfin une pour 4x4/SUV est facturée 168€ (151€ en 2021). Toujours sur le volet prix, le produit hiver demeure onéreux (124€ en moyenne contre 107€ en 2021) alors que le toutes saisons reste légèrement au-dessus de l'été (101€ pour le premier, soit +10€ sur un an, contre 96€ pour le second, soit +13€ ). Il est d'ailleurs celui qui a le moins augmenté.

"De mémoire de manufacturier ou de distributeur, on n'a jamais connu une telle inflation, note le directeur général. En revanche, en comparaison à d'autres secteurs d'activité, cela reste mesuré". "Et lorsque l'on sait que certaines matières premières ont bondi de 40 %, il faut souligner que les manufacturiers ont fait des efforts et ont accepté de rogner sur leurs marges", ajoute son président.

Un mot également sur les pneus industriels. La tendance y est stable à hauteur de 1,820 millions d'unités, portée par un marché du neuf qui a progressé de 3,7 % alors que celui du rechapé poursuit sa lente et désespérante chute en ayant encore perdu 8,7 % de ses volumes. Dans ce domaine, il est intéressant de noter que le toutes saisons, étonnement moins cher que l'été sur des poids lourds, est en passe de devenir la norme pour les transporteurs avec une croissance de cinq points entre 2021 et 2022 pour une PDM évaluée à 43 %.

Un contexte qui booste les chiffres d'affaires

Une bonne nouvelle toutefois dans ce panorama pour le moins chahuté : les chiffres d'affaires se portent bien ! Cette donnée ne cesse de progresser dans l'univers du pneumatique depuis 2020 et a été logiquement boostée par la hausse des prix en 2022. L'activité des pneumaticiens, orientée sur des marchés et segments moins bataillés et plus rentables, s'est élevée à 2,013 milliards d'euros. Uniquement positionné sur le TC4, le canal des centres autos a généré un CA pneumatique de 828 millions d’euros alors que les ventes en ligne ont pesé 634 millions d'euros. Il est à noter que ces chiffres concernent uniquement l'activité pneu des professionnels.

En conclusion, Dominique Stempfel rappelle que "la tendance 2023 ne prête pas forcément à l'optimisme. L'inflation des coûts énergétiques, dans un industrie comme celle du pneu aussi énergivore, va forcément impacter les manufacturiers et les distributeurs". Si les incertitudes géopolitiques et les difficultés économiques vont continuer de perturber le marché, ce dernier, bien qu'en souffrance, "reste très attractif et justifie les réflexions stratégiques et l’intérêt accru que lui portent l'ensemble les acteurs de l’après-vente automobile".

 

ENCADRE

Les pure-players enfin mesurés !

C'est l'une des grandes nouveautés du bilan annuel du Syndicat du Pneu. Longtemps sujet à fantasmes et à estimations approximatives, le poids des pure-players sur le marché français peut enfin être évalué. En intégrant désormais ces représentants dans son panel d'étude, l'organisation chiffre à 16 % la part de marché des acteurs digitaux en pneus tourisme, à 17 % en 4x4/SUV et à 14 % en camionnettes. Plus globalement, les pure-players misent essentiellement sur les enveloppes 4x4/SUV ainsi que celles toutes saisons mais assez peu sur les marques premium. Celles-ci ne pèsent chez eux que 40 % des ventes contre 51 % chez les centres autos et 57 % chez les pneumaticiens. A l'inverse, la prédominance des marques budget est chez eux beaucoup plus importante qu'ailleurs en pesant plus d'un tiers (36 %) de leurs volumes.

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