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Marché

L’arrivée d’Euro 7 saluée par les manufacturiers

Publié le 22 avril 2024

Par Romain Baly
5 min de lecture
Approuvée par les colégislateurs du Parlement européen le 18 décembre 2023, la future norme Euro 7 sera notamment marquée par la définition de seuils maximaux d’émissions de particules pour les freins et les pneumatiques. Loin d’être une contrainte pour eux, les principaux acteurs de cette industrie y voient une opportunité de cadrer un sujet stratégique sans changer une feuille de route entamée de longue date.
Le Parlement et les États membres de l’Union européenne doivent encore entériner formellement cet accord avant qu’il puisse entrer en vigueur. ©AdobeStock_nikitamaykov

Il ne reste plus beaucoup d’obstacles avant qu’Euro 7 devienne réalité. En étant ratifiée après plusieurs mois de débats par les colégislateurs du Parlement européen, le 18 décembre 2023, cette norme a franchi une étape décisive. Le Parlement et les États membres doivent encore entériner formellement cet accord avant qu’il puisse entrer en vigueur. Les nouvelles règles ne s’appliqueront que 30 mois plus tard pour les voitures et camionnettes, et quatre ans après l’entrée en vigueur pour les bus et camions.

Si son contenu a mis du temps à se définir, c’est qu’Euro 7 a fait l’objet, comme souvent en pareille circonstance, d’intenses lobbys aux intérêts divergents. La version validée en fin d’année a ainsi provoqué des réactions variées. En ne modifiant pas les seuils de pollution sur les gaz d’échappement des voitures particulières, ce nouveau texte a déçu les partisans d’un durcissement, certains allant même jusqu’à dire que la norme Euro 7 s’apparentait davantage à une Euro 6 bis.

Bruxelles a en effet choisi de ne pas aller en ce sens afin d’épargner des coûts supplémentaires à l’industrie automobile confrontée aux investissements dans les véhicules électriques. La France et l’Italie ont d’ailleurs été en pointe pour défendre les intérêts de la filière automobile et ses 14 millions d’emplois dans l’UE.

Un consensus qui fait débat

L’ONG Transport & Environment avait dénoncé en septembre "un désastre pour la qualité de l’air" et une réglementation qui "fait passer les profits records des constructeurs automobiles avant la santé des citoyens". De leur côté, les constructeurs avaient mis en garde contre l’impact de normes trop sévères sur l’emploi ainsi que sur le prix des voitures, déjà de moins en moins accessibles pour la classe moyenne.

L’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) a salué de son côté "la certitude en matière de planification" apportée par la nouvelle norme. Et de souligner que l’extinction programmée des moteurs thermiques contribuera à réduire les gaz polluants mais aussi les émissions de CO2 des voitures particulières, alors que l’UE s’est fixé un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.

"Nous sommes parvenus à une solution équilibrée pour la nouvelle norme d’émissions Euro 7, qui améliorera la qualité de l’air pour nos concitoyens tout en évitant de faire peser une charge supplémentaire sur l’industrie", a affirmé l’eurodéputé Jens Gieseke, négociateur du groupe PPE (droite).

Bien que le consensus fasse débat, cette future norme n’est en effet pas une version au rabais. Au contraire. Plusieurs évolutions majeures y figurent. Elle prévoit tout d’abord d’abaisser les seuils d’émissions de particules pour les poids lourds. Y figurent aussi des exigences minimales de performance pour la durabilité des batteries des voitures électriques et hybrides. Celles-ci devront ainsi conserver au moins 72 % de leurs capacités après huit ans ou 160 000 km.

Première mondiale

Enfin, pour la première fois, cette mesure européenne fixera des seuils maximaux quant aux émissions de particules engendrées par l’usure des freins et des pneus. Une évolution attendue de longue date, notamment par les fabricants de pneumatiques. Directeur de la communication scientifique et innovations de Michelin, Cyrille Roget parle même "d’une avancée majeure". "Cette annonce formalise la question des émissions de particules (de pneus, ndlr), ajoute-t-il. Elle constitue aussi une première mondiale et ouvre la porte à une éventuelle application ailleurs qu’en Europe".

"Pour l’industrie du pneumatique, il s’agit d’un nouveau pas en avant vers un avenir plus durable" juge Mario Calvitti, ingénieur en chef réglementation européenne du centre technique de Hankook Europe. "L’initiative législative est un élément important des ambitions du Green Deal de l’UE visant à atteindre la neutralité climatique et à améliorer la qualité de l’air, un objectif que Goodyear a soutenu et soutient" souligne Mario Recio, directeur général France du groupe américain.

Sur la forme, le responsable de Michelin voit dans le simple fait de cadrer le sujet une occasion "de durcir le jeu". Et, comme souvent quand une règle est définie, de faire le tri entre les bons et les moins bons acteurs du marché. Cette norme devrait ainsi, selon Mario Recio, "contribuer à retirer progressivement du marché les pneumatiques les moins performants en termes d’abrasion". "Cela va obliger tous les manufacturiers à concevoir des pneumatiques qui respectent davantage l’environnement" complète Cyrille Roget.

"Pour ceux ayant une faible capacité de recherche, les nouvelles réglementations pourraient constituer un problème", pointe encore Mario Calvitti. Une démarche qui s’inscrit aussi dans le sens de l’Histoire et qui n’a rien d’anecdotique. Le pneumatique représente 10 % à 15 % de l’empreinte environnementale totale d’un véhicule.

Le dirigeant de Goodyear relève toutefois un bémol : "Pour garantir que les pneumatiques produits et vendus au sein de l’UE soient conformes aux exigences réglementaires, il sera toutefois important d’établir des programmes efficaces de contrôle du marché qui devraient être mis en place par les États membres de l’UE".

Une mesure qui s’inscrit dans l’objectif du pneu 100 % durable

Aujourd’hui, la méthode de test des pneumatiques est en cours de finalisation. Elle devrait s’approcher sensiblement de celle pratiquée déjà couramment par les fabricants et les organismes de certification. "Il n’existe actuellement aucune procédure d’essai définie, mais deux options sont en cours d’évaluation, détaille Mario Calvitti. Au final, une seule méthode devrait être retenue, qui consisterait en des essais en extérieur et en intérieur. Cette procédure de test établira une nouvelle norme d’importance mondiale".

La définition des futurs seuils est elle-aussi encore à l’étude mais les niveaux retenus devraient toutefois rester dans l’ordre du raisonnable. "Il faut laisser le choix aux consommateurs" entre des produits premium et d’autres plus accessibles indique Cyrille Roget. Sur le fond, Euro 7 ne changera pas fondamentalement la vie des équipes des fabricants.

Car leurs recherches pour rendre les enveloppes plus écoresponsables sont engagées depuis longtemps. "Cette future norme s’inscrit dans toutes nos recherches, confirme Oliver Schneider, directeur général de Continental Tires France. On a commencé à y réfléchir bien avant Euro 7." "Tous les manufacturiers ne sont pas égaux sur l’abrasion, fait remarquer Cyrille Roget. Mais pour Michelin, cette évolution ne changera pas grand-chose. Rendre les pneumatiques plus performants avec moins de matière, c’est notre travail depuis de nombreuses années."

La feuille de route de Bibendum et ses confrères premium semble d’ailleurs plus ambitieuse que celle qui sera fixée par Bruxelles. Car à moyen-long terme (2030 pour Goodyear, 2050 pour Michelin et Continental), l’objectif demeure de concevoir des produits 100 % durables.

Des zones grises restent à éclaircir

Et cela s'avère être un défi immense avec deux volets majeurs. Un premier lié à la quantité de particules. À réduire, tout en sachant qu’un pneumatique, par définition, usera toujours de la gomme pour adhérer à la route et continuera d’émettre des particules. Un second portant sur leur impact potentiel sur l’environnement. "Sur ce deuxième point, on est loin d’avoir tout compris" consent Cyrille Roget.

"Le grip, ou l’adhérence, ne peut être possible que s’il y a une friction, rappelle Oliver Schneider. À partir de là, il y a nécessairement une émission de particules. D’un point de vue mécanique, on peut la réduire et augmenter le rendement kilométrique des pneumatiques. C’est l’objectif de Continental. Mais il y aura toujours des émissions, car sinon le pneumatique n’adhère plus à la route. L’idée est donc que ce type de particules puisse être absorbé par les micro-organismes tout au long de la route."

Son groupe travaille ainsi avec des laboratoires spécialisés pour concrétiser ce phénomène. Michelin, quant à lui, a récemment annoncé un partenariat avec le CNRS et l’Université Clermont Auvergne. Avec un but identique, à savoir, comprendre la dégradation des pneumatiques et développer des solutions techniques répondant aux enjeux environnementaux.

La finalité est de réussir à rendre ces particules d’usure bio-assimilables par l’écosystème naturel. Si le chemin est encore long, les principaux manufacturiers sont sur la bonne voie pour relever cet immense défi.

 

Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°184 de mars-avril 2024.

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