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Marché

Marketing : les manufacturiers toujours aussi mordus de sport !

Publié le 16 janvier 2023

Par Romain Baly
8 min de lecture
Avec la valeur de performance en commun, le pneumatique roule depuis des années aux côtés du milieu sportif. Entre l’apport en notoriété, la démonstration de l’expertise et la mise en œuvre d’une démarche RSE, cette stratégie marketing reste très prisée par les manufacturiers. Et, malgré l’impact de la pandémie, elle représente toujours une source d’opportunités.
Événement sportif le plus suivi au monde avec les JO, le Tour de France a le groupe Continental à ses côtés depuis 2018. Un partenariat qui dépasse le simple cadre marketing, le fabricant de pneumatiques étant impliqué dans des actions de sensibilisation à la sécurité routière et dans la formation des conducteurs de la caravane. ©A.S.O. Charly Lopez

Si, au passage de la crise sanitaire, certains doutes planaient sur la stratégie de marketing sportif des manufacturiers, ces derniers les ont éteints d’un souffle. Le lien entre ces deux univers est fort. À l’image de Michelin, à l’origine de la création de l’AS Clermont-Auvergne en 1911 et qui continue d’accompagner le club de rugby, pensionnaire de l’élite depuis 1925. Le temps passe, mais la passion demeure et résiste aux crises comme celle du Covid-19. "Avant d’être des sponsors, ce sont des partenaires du sport et pour ces marques, il leur tenait à cœur de rester présentes. Un partenaire doit être là dans les bons comme dans les mauvais moments", souligne Magali Tézenas du Montcel, directrice générale du cabinet d’étude Sporsora.

Certes, il y a eu de la casse mais "pas de retraits majeurs dans ce secteur-là", ajoute-t-elle. Du côté de Bibendum, certains partenariats ont été "mis en standby du fait que les activités et les événements sportifs ont été reportés", explique Claire Bourlange, directrice communication du groupe à l’initiative de différents partenariats, et dont les investissements varient aujourd’hui de quelques milliers à quelques centaines de milliers d’euros. Une nouvelle stratégique à rebours de celle des dernières années avec des sommes allouées au marketing très importantes, notamment en Formule E, compétition que le clermontois a choisi de délaisser, y étant remplacé par Hankook.

La crise sanitaire, source d’opportunités

Pour d’autres, comme BKT, les investissements ont à l’inverse augmenté durant la crise sanitaire. Un partenariat premium avec l’Euroligue de basket-ball a vu le jour en septembre 2020, et la Coupe du monde de rugby 2023 (qui se déroulera en France), accompagnée de l’BKT renforce ses liens avec le monde du rugby (journaldupneu.com), se sont aussi ajoutées à son portefeuille de sponsoring. "Contrairement à d’autres entreprises, nous voulions à tout prix éviter de priver les amoureux du sport de notre soutien et de nos initiatives pendant l’une des périodes les plus difficiles de l’histoire moderne", confie Lucia Salmaso, directrice générale de BKT Europe.

En plus des investissements, le manufacturier a multiplié les actions afin de garder une proximité avec les passionnés de ces différentes disciplines. En Italie, de nombreuses initiatives liées à la Série BKT, championnat de deuxième division de football, ont été lancées dans le but d’interagir avec les fans directement depuis chez eux, en leur donnant la possibilité de gagner des gadgets et différents prix. Lucia Salmaso détaille : "En France, à travers la Ligue 2 BKT, nous avons remis des maillots dédicacés à des jeunes supporters sélectionnés en fonction de leur histoire particulière et touchante, en plus de leur envoyer des messages vidéo réalisés par leurs joueurs préférés."

Prenant le contrepied de multiples concurrents ayant investi des sommes folles pour sponsoriser des clubs de premier rang, BKT s’est historiquement démarqué en accompagnant des compétitions secondaires ou moins connues, comme le championnat de deuxième division de football italien. ©BKT

 

Des collectes de fonds ont également été réalisées grâce à une vente aux enchères de ballons et de maillots officiels, détaille la directrice générale de BKT, qui ajoute que "tout au long de la période de fermeture des stades, nous n’avons jamais perdu le contact avec les passionnés de sport, pour les soutenir et les divertir à travers des activités ludiques liées au monde du sport".

La distance avec les spectateurs ouvre la porte aux différentes opportunités offertes par le digital. C’est un chemin que Michelin a choisi d’emprunter avec le e-sport (voir encadré), comme l’explique Claire Bourlange : "La crise sanitaire a d’une part renforcé certaines collaborations historiques que nous avions, mais également ouvert à d’autres types de partenariats sportifs, et notamment le e-sport." Dans cette logique, le groupe est présent sur de nouvelles plateformes comme Twitch, qui regroupe une communauté plus jeune et lui offre une audience inédite.

Un nouveau public à conquérir

"Dans notre stratégie de communication externe, nous avons l’ambition de renforcer la notoriété de notre marque auprès de nos consommateurs actuels, et surtout auprès de nos futurs consommateurs", annonce la directrice communication de Michelin. La raison de ce choix ? Selon une étude interne, en 2030, 50 % des consommateurs dans le monde seront issus de générations millénium, ou même plus jeunes. De plus, le manufacturier cherche à élargir la perception de sa marque en exploitant les différents canaux de communication.

"Ces jeunes générations se rendent sur les plateformes où nous sommes désormais présents. C’est exactement la même chose que pour le sport classique. Notre image se déplace juste sur ces nouveaux supports pour rajeunir notre image", ajoute Claire Bourlange. Le sport est un excellent moyen pour développer l’image des manufacturiers, une notion qui demeure primordiale à leurs yeux.

C’est à travers des collaborations avec des sportifs de haut niveau que les acteurs du pneumatique ont l’occasion de s’humaniser et de nourrir leur identité. C’est le cas de Bridgestone avec sa campagne "Prêt à performer" datant de 2022. Partenaire des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, le manufacturier réalise cette opération sur la performance à travers cinq ambassadeurs : Kevin Mayer (décathlon), Mandy François-Élie (100, 200 et 400 m paralympiques), Amandine Buchard (judo), Manon Apithy-Brunet (escrime) et Pauline Ado (surf).

Les manufacturiers au soutien des athlètes

"Par du storytelling, Bridgestone fait le parallèle entre la performance des athlètes et celle de ses produits. Ces marques ont besoin d’être humanisées aux yeux du grand public, c’est pourquoi elles ont besoin de s’accrocher à l’humain, aux histoires et à l’accompagnement des performances des athlètes", analyse Magali Tézenas du Montcel. Une stratégie également adoptée par Michelin, qui soutient financièrement des sportifs de haut niveau qui ont la particularité de ne pas être professionnels. Escrime, tennis, escalade, judo… Aujourd’hui, 21 sportifs sont partenaires du groupe, avec pour horizon les JO 2024 de Paris, où certains ont de grandes chances de se qualifier.

"Ils ont besoin de soutien car ils pratiquent le sport en plus de leurs activités professionnelles ou étudiantes. Ces athlètes, majoritairement jeunes, ont besoin d’un coup de main à un certain stade de leur carrière, pour pouvoir payer un billet d’avion afin de se rendre à une compétition à l’autre bout du monde, par exemple, illustre Claire Bourlange. Nous avons lancé cette initiative en 2014 en France, pour promouvoir la pratique et les valeurs du sport, qui font partie de notre ADN avec la compétition, la recherche de l’excellence et le respect d’autrui."

En mai 2022, Olivier Schneider, directeur général de Continental France, et Pauline Déroulède, championne de France de tennis en fauteuil, ont signé un partenariat inédit au sein duquel l’enjeu sécuritaire est omniprésent. ©Continental

 

Du côté de Continental, le groupe a noué un partenariat avec Pauline Déroulède, championne de France de tennis en fauteuil. Le groupe l’accompagne avec un support technique dans l’optique des Jeux Paralympiques 2024. "Nous travaillons en ce moment pour voir comment l’aider par rapport à son fauteuil en lui fournissant des roues", explique Aude Skorodenzky, directrice marketing de Continental France.

Cette collaboration est surtout née du combat commun d’assurer la sécurité de chacun sur la route. Percutée par un automobiliste alors qu’elle était à l’arrêt sur son scooter en octobre 2018 Pauline Déroulède a perdu sa jambe gauche et vit désormais avec une prothèse. "C’est une association dans laquelle chacun apporte son expertise. Nous c’est du côté de l’automobile, elle de l’usager. Nous travaillons ensemble pour amener la sécurité à tous les niveaux", indique Aude Skorodenzky.

Le Tour de France, étape dans la sensibilisation à la sécurité routière

Également partenaire du Tour de France, Continental a profité de l’édition 2022 pour sensibiliser le plus grand nombre sur cet enjeu de sécurité routière, l’un des fers-de-lance de la stratégie du groupe. "Le sport et la sécurité sont liés. S’il n’y a pas de sécurité, il n’y a pas de base pour créer de la performance", insiste la directrice marketing, qui ajoute : "Le pneu est le seul équipement automobile en contact avec le sol, sur la surface d’une carte postale. Des vies se jouent sur une feuille A4. Il est important que les usagers comprennent ça, et le sport peut nous y aider. C’est la plateforme de communication parfaite."

Le Tour de France est le premier événement annuel récurrent en termes d’audience TV. Une belle opportunité de visibilité avec 10 et 12 millions de spectateurs sur les routes. L’occasion idéale pour Continental de gagner en notoriété et de faire passer ses messages. "Nous avons pour mission d’éduquer les gens sur l’importance du pneu. Le but est d’avoir des collaborations permettant aux usagers d’expérimenter directement notre matériel et ainsi de voir la différence. Ce que nous recherchons dans un partenariat, c’est certes la notoriété qu’il nous apporte, et aussi un accord avec nos valeurs et une plateforme qui puisse éduquer les usagers sur l’importance du pneu. Pour le Tour de France, Continental est venu ajouter une nouvelle pierre à l’édifice avec la formation des caravaniers à l’entretien des pneumatiques, la vérification de l’usure et de la pression, par exemple", rapporte Aude Skorodenzky.

Des collaborations étudiées à l’avance qui doivent répondre à différents objectifs en plus du retour sur investissement. Parmi ceux-ci, la notion de RSE ("responsabilité sociale et environnementale") prend de plus en plus d’importance depuis quelques années. "L’an dernier, sur le Tour, nous avions une voiture 100 % électrique qui nous a servi sur quelques étapes. Désormais, la question d’une caravane entièrement électrique l’année prochaine se pose. Nous n’arrivons pas forcément à tout faire, mais l’important est de prendre des initiatives, personne n’est parfait au premier coup. Il faut avancer pas à pas vers cette démarche RSE, avec un “S” qui soit aussi important que le “E”", affirme la directrice marketing de Continental France.

Une démarche RSE omniprésente

Un enjeu également bien intégré par BKT via des initiatives comme Fattore Campo, un projet axé sur le don de nouveaux espaces de jeu et terrains sportifs au profit des villes et supporters de la Série BKT, en les impliquant directement dans le choix du projet à réaliser. De plus, le groupe est à l’origine de la rénovation d’une école secondaire à Istanbul (Turquie) en collaboration avec le programme de RSE One Team de l’Euroligue.

"La RSE a toujours été au cœur de notre vision d’entreprise, dès la naissance de la Fondation BKT, créée en tant que département exclusivement dédié aux activités caritatives et aux campagnes de collectes de fonds, y compris dans le monde du sport, déclare Lucia Salmaso. Aujourd’hui, aucune activité marketing ne peut ignorer le social. Intégrer des objectifs sociaux dans nos stratégies est bénéfique aux entreprises. Chercher à améliorer son image fait partie de la croissance d’une entreprise, mais cela n’exclut pas la responsabilité sociale."

À la sortie de la crise sanitaire, tous ces nouveaux enjeux viennent alimenter le travail des manufacturiers, qui entendent plus que jamais s’appuyer sur leurs partenariats sportifs et les exploiter de manière différente, pour répondre aux multiples défis qui se présentent face à eux.

Louis Choiset

 

ENCADRE

Michelin saute sur l’opportunité du e-sport

Depuis 2021, Michelin est partenaire de l’équipe de e-sport Karmine Corp sur le jeu vidéo Rocket League.

 

Avec comme moteur la professionnalisation du jeu vidéo et l’annulation de nombreux événements physiques pour cause de crise sanitaire, le e-sport connaît un succès grandissant sur le plan marketing. Selon Newzoo, entreprise spécialisée dans l’analyse des données du secteur du jeu vidéo, le marché mondial du e-sport devrait croître en 2022 de 21,8 % par rapport à 2021. En constante augmentation, celui-ci pourrait atteindre 1,38 milliard de dollars de revenus cette année, contre 1,13 milliard l’an passé.

Conscient du potentiel en termes de visibilité et de retombées médiatiques, Michelin s’est lancé sur ce terrain en 2020 en devenant partenaire des 24 Heures du Mans virtuelles. Une course ultraréaliste, qui regroupait de nombreux passionnés de sport automobile et mordus de jeux vidéo, par laquelle le manufacturier souhaitait s’adresser à un public plus large. Un événement réussi pour Bibendum, qui a pu gagner une grande visibilité grâce à la diffusion de l’épreuve dans 30 pays sur les pages Facebook de Michelin et Michelin Motorsport. Le groupe poursuit cette stratégie et a choisi de sponsoriser l’équipe française Karmine Corp sur le jeu vidéo Rocket League.

L.C.

 

Cet article est extrait du Journal du Pneumatique n°176-177 de novembre-décembre 2022.

 

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